Maryse Condé, 30 ouvrages écrits, une vie passée entre 3 continents à défendre les identités noires

Afriquinfos Editeur
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Apt (© 2024 Afriquinfos)- Après une vie de combat pour sa liberté et d’exploration des identités antillaise et noires, l’écrivaine et auteure Guadeloupéenne Maryse Condé s’est éteinte ce 2 avril 2024. Voix reconnue de la littérature francophone, l’auteure de ‘’Moi, Tituba sorcière…’’ Et ‘’Ségou’’ laisse derrière une trentaine de livres, principalement des fictions, l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora, l’héritage de l’esclavage et les identités noires. Ses ouvrages traitaient à la fois du colonialisme, de l’esclavage ou de la maternité et étaient inspirés par son parcours et ses combats.

Pour avoir vécu dans plusieurs pays d’Afrique (Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée et Sénégal), Maryse Condé critiquait les limites du concept de « négritude » proposé par le Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor. « Géante des lettres, Maryse Condé a su peindre les chagrins et les espoirs, de la Guadeloupe à l’Afrique, de la Caraïbe à la Provence. Dans une langue de lutte et de splendeur, unique, universelle », a écrit sur X Emmanuel Macron.

Pièce de théâtre, essais, livres pour enfants, Maryse Condé figure antillaise de la lutte contre le racisme, aura tout connu ou presque au cours de sa longue carrière qui l’aura amené à écrire, à enseigner aux États-Unis ou à pratiquer le journalisme.

En 2019, la romancière avait d’ailleurs reçu la Grand-Croix de l’ordre national du Mérite pour l’ensemble de son œuvre, qui ne lui aura pourtant jamais valu de prix Nobel, malgré un Nobel « alternatif » de littérature reçu en 2018 à Stockholm. Parmi les thèmes majeurs de ses écrits : l’esclavage, le colonialisme ou encore la maternité.

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Depuis la disparition de Maryse Condé, figure majeure de la littérature, les hommages politiques ne cessent d’affluer. Tous sont unanimes pour saluer l’apport de cette écrivaine au patrimoine littéraire mondial. À l’échelon régional comme à l’échelon national et international.

« Géante des lettres, Maryse Condé a su peindre les chagrins et les espoirs, de la Guadeloupe à l’Afrique, de la Caraïbe à la Provence. Dans une langue de lutte et de splendeur, unique, universelle. Libre. », a commenté le président Emmanuel Macron en adressant ses condoléances à « sa famille, ses proches et ses lecteurs ».

La ministre de la Culture, Rachida Dati, a également posté un message sur X rendant hommage à « l’écrivaine francophone des plus précieuses » :

’La puissance de son écriture, l’acuité de son regard sur notre histoire commune, sa capacité à décortiquer les plaies restées vives de l’histoire coloniale faisait de Maryse Condé une écrivaine francophone des plus précieuses. Sa disparition est une grande perte pour le monde antillais, la France, le monde. Je souhaite rendre hommage à l’immense écrivaine qui était universellement reconnue et qui fera partie de notre patrimoine littéraire pour toujours.’’

En Guadeloupe, le Président de la Région Guadeloupe, Ary Chalus remercie Maryse Condé « d’avoir fait rayonner la Guadeloupe dans le monde » : ‘’Avec émotion, le président Ary Chalus rend hommage à un monument de la littérature guadeloupéenne, à l’enfant du pays qui a toujours écrit comme si sa vie en dépendait, plongeant sa plume dans toute la nostalgie, toute la dignité, toute la résilience de ce que nous sommes. Maryse Condé laisse un héritage incommensurable pour lequel nous devons nous montrer dignes.’’

« Ségou » (1984), son premier succès

Ségou est le premier grand succès littéraire de Maryse Condé. L’ouvrage, construit autour de la famille noble de Dousika Traoré, décrit le lent déclin du royaume bambara de Ségou qui s’étendait, depuis la fin du XVIIe siècle, sur une grande partie de l’actuel Mali. L’autrice raconte l’esclavage, l’arrivée des Européens ou encore le développement de l’islam et fait le récit des traditions du peuple polythéiste et animiste des Bambaras, du culte des ancêtres aux sacrifices rituels. Cette saga en deux tomes explore la grandeur et la richesse d’un peuple de l’Afrique précoloniale.

Née  un jour de carnaval  de 1934, comme le rappelle la plaque installée depuis quelques jours sur la façade de la maison de son enfance, Maryse Condé commence sa vie à Pointe-à-Pitre où elle s’imprègne rapidement de la littérature et de la culture française, très présente dans son environnement familial. Il faudra attendre l’aube de ses 20 ans pour que la jeune femme parte étudier à Paris où elle va finalement renouer avec ses origines en se confrontant au racisme de l’époque.

C’est également à Paris qu’un des sujets qui traversera toute son œuvre trouve son origine : une grossesse endurée seule après le départ prématuré de son premier amour. Ce qu’elle racontait d’ailleurs sans détour dans le roman La Vie sans fards. Mais une seconde rencontre lui permettra finalement d’épouser son futur mari, l’acteur guinéen Mamadou Condé, avec qui elle aura plusieurs filles avant leur séparation sans divorce.

La Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal

Avec son mari, elle prendra le chemin de l’Afrique pour une vie de voyage et d’enseignement. D’abord la Côte d’Ivoire, puis la Guinée, où sera d’ailleurs écrit son premier roman Heremakhonon, avant le Ghana et Londres, où elle travaillera notamment pour la BBC Afrique.

Après s’être séparée de son mari, c’est au Sénégal que Maryse Condé retrouvera du travail comme traductrice avant d’exprimer un certain ras-le-bol du continent africain, où elle ne peut pleinement mener la carrière qu’elle espère. De retour à Paris, c’est avec le théâtre qu’elle retrouvera le chemin de l’écriture, largement influencée par ses expériences de voyage et l’héritage colonial expérimenté à travers les différents pays visités.

Des influences dans son travail qui vont inévitablement la conduire vers les États-Unis, où elle enseignera dans de prestigieuses écoles comme l’Université de Columbia, de Californie à Berkeley ou l’Université de Virginie. À Columbia, elle fondera d’ailleurs le Centre des études françaises et francophones. À la retraite depuis plusieurs années, Maryse Condé avait fini par s’exiler dans le sud de la France, sans jamais arrêter d’écrire des romans pour autant. Preuve en est avec L’Évangile du nouveau monde, son tout dernier ouvrage publié en 2021.

On retiendra entre-autre de Maryse Condé les ouvrages-ci : « Moi, Tituba sorcière… » (1984) : histoire coloniale et chasse aux sorcières ; « La Vie sans fards » (2012) : une autrice sans fiction ; « Mets et merveilles » : cuisine et littérature comme plaisirs de la langue (2015) ; « Traversée de la Mangrove » (1989) : la société guadeloupéenne dans un roman choral ; « Rêves amers » (1991) : Haïti raconté pour la jeunesse.

Vignikpo Akpéné