L’Afrique divisée sur la suspension de la chloroquine dans le protocole de l’OMS

Afriquinfos Editeur
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Suspension de la chloroquine en Afrique

Suspension de la chloroquine en Afrique | Malgré que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ait confirmé mercredi la suspension « temporairement » des essais cliniques avec l’hydroxychloroquine qu’elle mène avec ses partenaires dans plusieurs pays, par mesure de précaution, le Sénégal et le Tchad ont décidé eux de continuer à traiter les malades du Covid-19 avec de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine.

Alors que la publication récente d’une nouvelle étude concluant à l’utilisation inefficace, voire néfaste, de l‘hydroxychloroquine,  « le traitement avec l’hydroxychloroquine va continuer au Sénégal, l’équipe du professeur Seydi maintient son protocole thérapeutique », a écrit à l’AFP le Dr Abdoulaye Bousso, directeur du Centre des opérations d’urgences sanitaires.

Au Sénégal, Le professeur Moussa Seydi, infectiologue qui coordonne la prise en charge des contaminés, lnvoque une réduction plus rapide de la charge virale chez le malade traité avec l’hydroxychloroquine et une bonne tolérance au médicament. Il souligne qu’elle n’est administrée qu’en milieu hospitalier avec l’accord du patient et accompagnée d’un électrocardiogramme. Le Sénégal, comme les autres pays du continent africain, reste relativement épargné par la pandémie. Il a déclaré 3.253 cas de contamination et 38 décès depuis le 2 mars.

Autre pays, notamment le Tchad maintient « pour le moment » le protocole consistant à donner aux malades du Covid-19 de la chloroquine associée à l’antibiotique azithromycine, a déclaré le professeur Ali Moussa, chargé de prise en charge de pathologie. « Nous constatons qu’il y a beaucoup de débats autour de cette question, mais en attendant des recherches approfondies avec des résultats probants, nous continuons notre protocole », a-t-il déclaré.

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Au Gabon, le ministre de la Santé, Max Limoukou, a convoqué pour jeudi une réunion d’experts et de responsables afin de décider si les médecins doivent continuer ou non d’administrer aux malades hospitalisés de l’hydroxychloroquine associée à l’azythromicine, comme ils le font depuis avril et comme le font également les praticiens sénégalais, a dit le conseiller en communication du ministère, Lionel Ndong Eyeghe.

Alors que la France a décidé mercredi d’interdire l’hydroxychloroquine contre le Covid-19, en Algérie en revanche, un responsable sanitaire a indiqué que le pays ne renoncerait pas à la chloroquine, et le Brésil a dit son intention de continuer à recommander l’hydroxychloroquine contre le nouveau coronavirus.

L’hydroxychloroquine, cet antipaludique disponible sur le marché est au coeur d’une querelle internationale d’experts quant à son efficacité et son innocuité. Une étude menée sur près de 15.000 malades publiée vendredi dans la prestigieuse revue médicale The Lancet montre, selon ses auteurs, que la chloroquine et son dérivé l’hydroxychloroquine ne bénéficient pas aux patients hospitalisés et augmentent même le risque de décès et d’arythmie cardiaque. Elle recommande de ne pas les prescrire en dehors des essais cliniques.

« À la lumière des récentes publications de preuves sur la sécurité et l’efficacité de l’hydroxychloroquine en tant que traitement pour les patients atteints de Covid-19, le Groupe exécutif de l’essai Solidarité a décidé d’arrêter temporairement l’utilisation du médicament à base d’hydroxychloroquine », indique un document de l’OMS.

L’agence onusienne précise que cette décision a été prise « à titre de précaution, le temps que les données de sécurité soient examinées ».

Cette décision fait suite à la publication d’une étude vendredi dans la revue médicale The Lancet jugeant inefficace ,voire néfaste, le recours à la chloroquine ou à ses dérivés comme l’hydroxychloroquine contre la Covid-19, avait déclaré lundi le Directeur général de l’OMS, le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, au cours d’une conférence de presse virtuelle.

Dans l’attente d’une décision finale

Une décision finale sur les dommages, les avantages ou l’absence d’avantages de l’hydroxychloroquine sera prise une fois que les preuves auront été examinées par le Comité de surveillance des données d’innocuité. Selon l’OMS, cet examen portera sur les données de l’essai de Solidarité et d’autres recherches en cours, ainsi que sur toute preuve publiée jusqu’à présent. Il est prévu pour la mi-juin.

S’agissant des traitements prophylactiques suivis dans certains pays, l’agence onusienne rappelle que chaque pays, en particulier ceux qui disposent d’autorités réglementaires, est en mesure de conseiller ses citoyens sur l’utilisation de tout médicament. « Bien que l’hydroxychloroquine et la chloroquine soient déjà des produits autorisés pour le traitement d’autres maladies, à ce stade, ces médicaments ne se sont pas avérés efficaces dans le traitement de la Covid-19 », réaffirme toutefois l’OMS. A cet égard, l’agence onusienne note que des avertissements ont été émis par de nombreuses autorités nationales sur les effets secondaires de ces médicaments et leur utilisation a été limitée dans de nombreux pays à des essais cliniques sous stricte surveillance en milieu hospitalier.

Par ailleurs, l’OMS soutient que les patients, précédemment randomisés pour le traitement à l’hydroxychloroquine, devraient continuer à recevoir ce médicament jusqu’à la fin de leur traitement.

A noter que lundi, le Dr. Tedros avait tout de même tenu à rappeler que l’hydroxychloroquine et la chloroquine « sont reconnus comme généralement sûrs pour les patients atteints de maladies auto-immunes ou de paludisme », rappelant ainsi l’inquiétude ne porte que sur le recours à ces deux médicaments en cas de Covid-19.

De façon générale, l’agence onusienne met en garde les médecins contre la recommandation ou l’administration de traitements non éprouvés aux patients atteints de Covid-19. Elle a également prévenu les autorités sanitaires et les populations contre l’automédication.

« Le consensus parmi les experts mondiaux est que le potentiel existe mais que des études beaucoup plus approfondies sont nécessaires de toute urgence pour déterminer si les médicaments antiviraux existants peuvent être efficaces pour traiter le nouveau coronavirus », relève l’OMS qui note que si ces traitements s’avèrent efficaces, ils pourraient réduire la charge de Covid-19.

I.N.