Mali : L’Azawad est un « Etat » mort-né (SYNTHESE)

Afriquinfos Editeur
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« C'est juste pour se donner des arguments de négociation », pense S. Camara, un leader politique du pays. « Ces gens du MNLA sont des plaisantins. L'Azawad ne leur appartient pas plus qu'à nous. S'ils sont sûrs que les populations de cette région veulent l'autonomie, pourquoi ne pas organiser alors un référendum au lieu de prendre des armes contre des gens innocents. Depuis la nuit des temps, ces régions appartiennent au Mali et nous nous ne reconnaissons une autre patrie que le Mali », insiste un haut cadre du nord qui requiert l'anonymat de peur de représailles contres ses proches.

Une position défendue par plusieurs responsables du Collectif des ressortissants du nord (COREN) joints au téléphone, mais qui craignent les mêmes représailles contre les familles dans les villes sous le contrôle de MNLA.

« C'est la suite logique des victoires militaires sur le terrain ces dernières semaines. N'empêche que ce supposé Etat de l’Azawad est mort-né d'autant plus que même si les autorités de Bamako ne contrôlent plus 2/3 de leur territoire, une grande partie de cet espace compromis n'est pas non plus contrôlé par le MNLA mis en difficulté par Ançar Dine, notamment à Kidal et Tombouctou. L'Azawad ne saurait se limité à Gao qui, historiquement, est le berceau de l'empire songhaï. Cette région ne peut pas être revendiquée par les tamasheq et les arabes », défend Kader Toé, chroniqueur politique et intellectuel très engagé pour la sauvegarde de l'unité nationale et la démocratie dans son pays.

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Pour appuyer ses arguments, il souligne que la République de l’Azawad est isolée avant même sa naissance. En témoigne sa non reconnaissance par l'Union Africaine, l'Union Européenne, la France, l'Algérie.

« Nous considérons que la déclaration unilatérale d'indépendance de l'Azawad est nulle et non avenue .. La France défend l'unité et l'intégrité territoriale du Mali », a aussitôt déclaré à la presse le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero. Il a ajouté que son pays appelle le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) à inscrire son action dans « le cadre d'un dialogue politique respectueux de l'ordre constitutionnel malien et de l'unité du pays ».

Toutefois, malgré ce rejet du Quai d'Orsay (ministère français des Affaires étrangères), beaucoup de Maliens soupçonnent la France d'être à la base de la déstabilisation de leur pays. « Cela ne me fait pas changer de position quant à la grande hypocrisie de la France. Ce sont les médias français qui servent de lieu de propagande pour une bande d'illusionniste touaregs qui ne représentent qu'eux même. Si le MNLA n'était pas en perte de vitesse sur le terrain face aux groupes islamistes armes, la France allait prendre une position différente, ou du moins si la réélection de Nicolas Sarkozy n'était pas compromise », s'insurge Bakary Sanogo, un intellectuel malien vivant en Virginie, aux Etats-Unis.

Pour Adama Diakité, membre actif de la société civile malienne, « Nous pensions que la France pouvait avoir de moyens plus légaux pour contraindre un gouvernement laxiste que de déclencher une guerre de division territoriale et de conflit ethnique. Elle sera comptable de tout ce qui adviendra. Elle devra savoir qu'elle est passible de poursuite pénale, de crime de guerre en ayant provoqué l'invasion du territoire malien par les rebelles venant de Libye avec des armements lourds ».

Même si les responsables du Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et la République (FDR) refusent de commenter officiellement et unilatéralement cette nouvelle donne, en attendant une « condamnation commune », ils rejettent de facto cette « indépendance utopique et fantaisiste ».

Pour de nombreux interlocuteurs, il faut un retour rapide à l’ordre constitutionnel pour favoriser l'appui des pays amis et des organisations comme la CEDEAO pour renverser la situation actuelle en libérant le nord-Mali du joug des islamistes, des narcotrafiquants.

Toutefois, aujourd'hui, presque toutes les composantes de la société malienne appellent à l'union sacrée pour la libération du nord et à relever les défis qui se posent à toute la nation malienne. « Aujourd'hui, en tant que Maliens nous sommes tous de Gao, nous sommes tous de Kidal, nous sommes tous de Tombouctou », rappelle un responsable du Collectif Cri de Coeur pour le Nord qui organise demain, samedi 7 avril 2012, sur la question ainsi que l’ouverture d'un corridor humanitaire pour apporter l'aide aux populations se trouvant aujourd'hui dans le total dénouement.

Et depuis l'annonce de cette indépendance, synonyme de l’annexion des régions nord du pays, des initiatives de création de comités d'autodéfense se multiplient à travers les réseaux sociaux comme Facebook et les SMS. « Chaque malien et chaque malienne qui veut participer activement a l'écriture de l'histoire du pays doit contribuer, à sa manière et selon ses compétences, à l'effort de défense de l'intégrité territoriale. L'adhésion aux comites d'autodéfense donne une occasion de lier le geste à la parole. Il y a plusieurs manières de contribuer aux comités d'autodéfense. Si vous ne savez pas exactement comment vous pouvez contribuer prière de vous renseigner auprès de la commission. Ne sous-estimez pas la valeur de votre contribution individuelle à l'effort collectif ! Tôt ou tard vos enfants ou vos petits enfants pourrons vous demander quelle action concrète avez-vous fait personnellement quand le Mali avait besoin de vous ? », indique l'un des défenseurs de telles initiatives.