La nouvelle armée au pied du mur

Afriquinfos Editeur
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Le général de division Soumaïla Bakayoko a ainsi pris les rênes des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) en qualité de chef d'état-major général.

La nouvelle armée composée des ex-Forces de défense et de sécurité (FDS, ex-forces pro-Gbagbo) et des éléments des Forces armées des forces nouvelles (FAFN, ex-rébellion et ex-forces pro-Ouattara) se met ainsi en marche sous la houlette d'un officier général qui a dirigé une décennie durant les troupes de l'ex-rébellion.

DES CHANTIERS IMPORTANTS

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Pour nombre d'observateurs, la tâche du patron de la nouvelle armée ne sera pas du tout repos eu égard aux importants chantiers qui l'attendent.

Outre sa mission classique et régalienne de défense de l'intégrité du territoire national, la nouvelle armée devra faire face au défi de la sécurisation des biens et des personnes.

A maintes occasions, le président de la République Alassane Ouattara a qualifié ce défi de "majeur" et promis de prendre des mesures correctives face aux plaintes récurrentes relatives aux exactions et cambriolages commis par des hommes en armes dans plusieurs localités du pays, notamment à Abidjan.

Le racket et les tracasseries routières constituent également des pratiques auxquelles la nouvelle hiérarchie militaire devra s'attaquer de manière énergique.

Conscient de ces chantiers, le général Soumaïla Bakayoko a lui-même évoqué ce chantier lors de la passation de commandement.

"Nous devons aider la Côte d'Ivoire à instaurer une paix stable. Au cœur de nos engagements se trouve en priorité la moralisation de notre armée. Nos forces seront des forces morales", a-t-il énoncé.

Avec l'arrivée d'un nouveau chef d'état-major général à la tête de l'armée ivoirienne, nombreux sont les Ivoiriens qui espèrent un changement de comportement au sein de la "grande muette", notamment la réinstauration de la discipline militaire.

"Nous constatons dans les rues que beaucoup d'hommes en armes n'obéissent pas aux ordres de leurs supérieurs. Ils font ce qu'ils veulent et certains ne savent même pas saluer militairement", a noté Jean-Marc Loba, un opérateur économique installé à la zone industrielle de Yopougon.

REDORER LE BLASON DE L'ARMEE

Pour celui-ci, le général Bakayoko, qui a commandé l'ex-rébellion dont sont issus une grande partie des éléments des FRCI, est bien placé pour maîtriser les éléments incontrôlés qui ternissent l'image de l'armée et doit faire asseoir une armée professionnelle.

Dans cette mouvance, le Premier ministre ivoirien et ministre de la Défense Guillaume Soro a interpellé la nouvelle hiérarchie militaire sur son rôle lors de la passation de commandement et appelé vivement celle-ci à redorer le blason de l'armée.

"Vous devez combattre inlassablement toutes les formes d'insécurité pour créer un climat favorable à la reprise économique, à la réconciliation et à la reconstruction nationale", a recommandé Guillaume Soro, appelant les nouveaux responsables de l'armée à enseigner à leurs hommes les "vertus cardinales des armées" que sont l'abnégation, le don de soi, le courage et la loyauté.

Le rétablissement de la confiance entre les ex-belligérants se trouve être un autre chantier et non des moindres pour le chef de la nouvelle armée.

La collaboration entre les "ennemis d'hier" au sein des Forces républicaines de Côte d'Ivoire ne se fait pas sans difficultés. Sur le terrain, ex-FDS et ex-FAFN patrouillent parfois ensemble et assurent le service dans des commissariats et corridors, mais la méfiance continue de créer une atmosphère de lourdeur.

De nombreux gendarmes et policiers de l'ère Gbagbo tardent encore à rejoindre leurs postes, signe que des actions doivent encore être menées pour le rétablissement effectif de la confiance entre les frères d'armes qui, à un moment donné de l'histoire de la Côte d'Ivoire, se sont retrouvés de part et d'autre de la ligne de front.

 "La fraternité d'armes est devenue douloureuse, et des frères d'armes se sont retrouvés avec d'autres frères d'armes", avait déploré le nouveau chef d'état-major général lui-même lors de sa prise de commandement.

LA COHESION NECESSAIRE

Faisant le même constat, le Premier ministre Guillaume Soro en charge de la Défense a exprimé la préoccupation du gouvernement ivoirien de réinstaurer la cohésion au sein de l'armée réunifiée, en plus de ramener la sécurité à un niveau acceptable.

Les tentatives de rapprochement entre les deux forces ex-belligérantes avaient existé par le passé, avec la création du centre de commandement intégré (CCI).

Ex-FDS et ex-FAFN avaient travaillé ensemble au sein du CCI dans le cadre de la sécurisation des élections présidentielle au mois de novembre dernier.

Mais avec l'éclatement de la crise post-électorale, les relations se sont de nouveau dégradées, et les ex-belligérants ont recommencé à se regarder en chiens de faïence.

Pour certains observateurs, la nomination d'un chef d'état-major devrait permettre de résoudre de manière progressive ces épineuses questions.

A en croire ceux-ci, la période de flottement observée au sein de l'armée était due à l'absence d'un chef, et "l'ordre devrait désormais être établi" après la décision du président Alassane Ouattara de nommer un officier général à la tête des FRCI.

Il appartiendra à celui-ci de s'imposer pour permettre à l'armée ivoirienne de retrouver ses lettres de noblesse.

Le Premier ministre, qui a invité le général Bakayoko à "très vite asseoir son autorité sans complaisance et sans état d'âme en ne visant que l'intérêt supérieur de la nation", a compris l'urgence  de l'action.

Pour le chef du gouvernement ivoirien, il s'agira à terme de garantir non seulement la stabilité de l'armée réunifiée, mais aussi celle de l'économie ivoirienne, les opérateurs économiques aspirant à travailler dans un climat de sécurité et de sérénité.

La nouvelle hiérarchie militaire est au pied du mur, pour relever ces défis.