Des déplacés de la crise sous des tentes dans une bourgade d’Abidjan (REPORTAGE)

Afriquinfos Editeur
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Entrée principale de l'église Harriste à Bingerville. Une cabane arbore l'enseigne d'une Ong internationale, Save the children. A l'intérieur de l'église, des tentes sont dressées par- ci, d'autres levées par-là. Toutes marquées du sceau HCR. En plein air, des enfants prennent leur bain. Un peu plus loin, une femme et son bébé de trois mois sont couchés à même le sol. L'ambiance fait penser à un camp de réfugiés.

"Non, ici, vous avez à faire aux déplacés internes", précise Kouamé Binger, natif de Bouaké (centre) habitant la commune abidjanaise de Yopougon qui s'est retrouvé à Bingerville à cause des affrontements liés à l'élection présidentielle de novembre dernier.

Il explique qu'il a fuit "les balles et obus de toutes sortes" pour se mettre à l'abri à Bingerville, dans un centre d'accueil.

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"Nous sommes venus de Bangolo (ouest), Duékoué (ouest), d'Abobo, de Yopougon, Port-Bouët et bien d'autres communes d'Abidjan", indique, l'air désabusé, Jean Sea, pensionnaire du site d'accueil.

 

LA NOURRITURE ET L'EAU POTABLE MANQUENT

Survivre. Tel semble être le leitmotiv des déplacés de Bingerville. Combien sont-ils à se nourrir décemment ?

"Il est difficile de manger à sa faim. Le repas que nous offrent les organisations internationales sont peu riches en protéines. Nous ne faisons que survivre", révèle dame K. A.

Ces propos sont appuyés par le Pasteur Beugré, le président de la mutuelle des déplacés, qui soutient qu'il est difficile de s'offrir "un plat digne du nom".

Des déplacés internes mangent à peine, sans oublier le problème d'eau.

"Nous sommes nombreux, il est difficile de s'alimenter en eau potable. Mais Dieu nous protège", assure le pasteur, dans cet univers où le recours divin semble être la solution pour les déplacés qui squattent l'espace des chrétiens harristes.

"Nous dormons à même le sol en dépit des tentes que vous voyez. Imaginez à quelles difficultés nous sommes confrontés", relève Jean Séa.

"Nos femmes et jeunes filles sont tenues de travailler dans des champs pour pouvoir faire des sauces de qualité pour nos repas", ajoute-t-il.

"Vous voyez, on prépare à ciel ouvert", précise une dame, sous le couvert de l'anonymat avant d'ajouter : "Nous arrivons à goûter à ce repas, à condition qu'il ne pleuve pas".

 

QUAND DECES ET MALADIES S'ENTREMÊLENT

Dans le cycle infernal des déplacés internes, la mort rôde.

"Nous enregistrons des morts en notre sein. Sur le site de l'église Harris déjà trois personnes ont trouvé la mort, sans compter des morts signalés sur d'autres sites", affirme Jean Séa.

Selon les maladies sont devenues leur ennemi quotidien avec pour principales victimes les enfants qui paient un lourd tribut dans cet exode "forcé".

"La rougeole a été déclarée et nos enfants en ont énormément souffert", fait savoir dame K. A.

Les enfants, au nombre de 400, sont des laissés pour compte dans cet univers où parents et élèves se disputent le même destin.

"Quand il pleut, nous ne pouvons dormir. Nous sommes tenus de rester éveillés pour protéger ce qui nous reste de peu", dit Pasteur Beugré qui dénonce le mutisme des autorités gouvernementales devant le nombre inquiétant de déplacés internes encore présents dans les sites d'accueil de Bingerville.

 

PLUS DE 1 500 DEPLACES DANS L'ATTENTE D'UN RETOUR CHEZ SOI

Au total 1 695. C'est l'effectif des déplacés internes enregistrés sur les huit sites d'accueil de Bingerville.

Ces personnes espèrent retrouver leur région natale ou leur domicilie ou encore obtenir une nouvelle habitation.

"Nous voulons bien retrouver nos domiciles. Mais sans moyens financiers, il nous est difficile de le faire", s'inquiète Jean Séa, sans évoquer les conditions sécuritaires.

"Certains parmi nous craignent pour leur vie. Ils se disent menacés pour leur vie", soutient-il, craignant des représailles pour les uns, des actes de vengeance pour les autres.

En attendant, les déplacés internes de Bingerville continuent de vivre leur train-train quotidien et la galère prend de l'ampleur.