Farba Sally Seck, la mort d’un grand combattant de la cause Pulaar

Afriquinfos Editeur
5 Min de Lecture
<strong style="margin-right:4px;">Auteur : Jeanniot (grav.).</strong>  					Griots de Sambala

C&rsquo;est un monument qui s&rsquo;est effondr&eacute;. La nouvelle a fait l&rsquo;effet d&rsquo;un coup de tonnerre dans un ciel sans nuage et du Ngu&eacute;nar au Lao, en passant par le Damga, et m&ecirc;me au-del&agrave;, dans le Di&eacute;ry, en Afrique centrale, en France, en Italie, en Espagne, aux Etats-Unis, partout o&ugrave; vivent des communaut&eacute;s Pulaar, elle a &eacute;t&eacute; ressentie comme un tremblement de terre.

En effet, samedi dernier, &agrave; 4 heures du matin, alors qu&rsquo;il participait aux journ&eacute;es culturelles de Kanel, le grand griot Farba Sally Seck a &eacute;t&eacute; foudroy&eacute; par une crise cardiaque. Un monument de la cause Pulaar, le d&eacute;funt l&rsquo;&eacute;tait assur&eacute;ment. Il avait sans doute &eacute;t&eacute; rendu plus c&eacute;l&egrave;bre encore ces derni&egrave;res ann&eacute;es par l&rsquo;&eacute;mission &laquo;&nbsp;Y&eacute;la&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il animait avec brio tous les dimanches sur la 2STV, mais bien avant cela, sa renomm&eacute;e avait d&eacute;pass&eacute; les fronti&egrave;res nationales.

De son vrai nom Sally Bogal Seck, le d&eacute;funt avait vu le jour en 1945 &agrave; Horkadi&eacute;r&eacute;. Il &eacute;tait issu d&rsquo;une grande famille griotte s&rsquo;occupant de la g&eacute;n&eacute;alogie des Sebbe (Thieddos) Koliyab&eacute;s. Couronn&eacute; &laquo;&nbsp;Farba&nbsp;&raquo; (un titre prestigieux) en 2000, il &eacute;tait devenu &agrave; ce titre la personne morale et le r&eacute;gulateur de tous les griots du Fouta dont il &eacute;tait devenu en quelque sorte le patriarche.

D&egrave;s 18 ans il avait quitt&eacute; le Fouta pour sillonner l&rsquo;Afrique, notamment sa partie centrale. Et &agrave; 20 ans d&eacute;j&agrave;, il avait effectu&eacute; son premier p&egrave;lerinage &agrave; La Mecque. Ma&icirc;tre de la parole, sublim&eacute; par les &eacute;migr&eacute;s Haal pulaar partout &agrave; travers le continent, c&rsquo;est par dizaines, voire centaines, de millions que se montaient les dons que lui faisaient ces parents. G&eacute;n&eacute;reux, il redistribuait une bonne partie de cet argent aux S&eacute;n&eacute;galais bloqu&eacute;s l&agrave;-bas qui avaient le choix entre rentrer au pays pour les plus &acirc;g&eacute;s &mdash; et dans ce cas il se chargeait de leur acheter le billet du retour plus un petit p&eacute;cule &mdash; ou se lancer dans le commerce, auquel cas il offrait un petit capital de d&eacute;part. Ou alors il organisait la mobilit&eacute; professionnelle de ces &eacute;migr&eacute;s d&rsquo;un pays &agrave; l&rsquo;autre, les mettant en rapport avec des parents qui pourraient les h&eacute;berger et leur offrir du travail. Sa popularit&eacute;, il la devait aussi au soutien et &agrave; l&rsquo;assistance qu&rsquo;il ne cessait d&rsquo;apporter &agrave; la jeunesse du Ngu&eacute;nar, une contr&eacute;e du Fouta&hellip;

- Advertisement -

Ses c&eacute;l&egrave;bres causeries sur l&rsquo;histoire du pays Pulaar &eacute;taient courues et recherch&eacute;es. Elles ont d&rsquo;ailleurs &eacute;t&eacute; consign&eacute;es dans un livre &eacute;dit&eacute; en France &agrave; la fin des ann&eacute;es 90 et transcrit par Mamadou Abdoul Seck. Pour tout ce qu&rsquo;il fait pour le Fouta et pour le rayonnement de la langue Pulaar, il a &eacute;t&eacute; d&rsquo;ailleurs couronn&eacute; &laquo;&nbsp;Jaalal Legnol&nbsp;&raquo; en 2010 dans une salle pleine &agrave; craquer. Mais encore une fois, son &eacute;mission &laquo;&nbsp;Y&eacute;la&nbsp;&raquo; sur la t&eacute;l&eacute;vision 2S, au cours de laquelle il retra&ccedil;ait la geste du Fouta et les hauts faits de ses h&eacute;ros, &eacute;tait un r&eacute;gal. Surtout avec les chants m&eacute;lodieux des griottes &laquo;&nbsp;awloub&eacute;s&nbsp;&raquo; qui l&rsquo;accompagnaient. C&rsquo;&eacute;tait un plaisir de voir ses beaux grands-boubous soigneusement brod&eacute;s ou ses babouches artisanales. L&rsquo;homme &eacute;tait un v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;ndanane&nbsp;&raquo; tr&egrave;s &eacute;l&eacute;gant et tr&egrave;s sympathique adul&eacute; &agrave; travers le pays pulaar tout entier.

Ce grand m&eacute;c&egrave;ne avait initi&eacute; par ses propres moyens les chants religieux annuels de Horkadi&eacute;r&eacute;. Dans ce village qui lui &eacute;tait particuli&egrave;rement cher, il avait aussi am&eacute;nag&eacute; un immense champ dont les r&eacute;coltes &eacute;taient r&eacute;parties entre les familles d&eacute;munies. Mieux, gr&acirc;ce &agrave; ses relations, il avait fait embaucher beaucoup de jeunes de sa contr&eacute;e dans la fonction publique ou dans des soci&eacute;t&eacute;s priv&eacute;es. L&rsquo;ancien pr&eacute;sident de la R&eacute;publique, Me Abdoulaye Wade, avait d&rsquo;ailleurs fait de lui un de ses conseillers culturels. C&rsquo;est cet homme g&eacute;n&eacute;reux, ce grand connaisseur de l&rsquo;histoire du Fouta, ce combattant infatigable de la cause Pulaar qui est mort samedi dernier &agrave; l&rsquo;aube. Le Fouta et les Peuls du monde entier le pleurent encore et le pleureront longtemps&hellip;

Mamadou&nbsp; Oumar Ndiaye
(avec le soutien de Hamet Ly de la 2STV)

Le T&eacute;moin, hebdomadaire s&eacute;n&eacute;galais
&Eacute;dition N&deg; 1138 ( SEPTEMBRE 2013)