Traque des biens mal acquis : Kéba Keinde.

Afriquinfos Editeur
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Kéba Keinde est un brave garçon, assurément. Un crack et un de ces financiers de génie dont le Sénégal a tout lieu d’être fier. Un de ces cadres qui font briller l’étoile de notre pays de mille feux. Un golden boy comme on n’en fait plus.

Jugez-en : classes préparatoires du lycée Louis le Grand puis ingénieur diplômé de l’école des Télécoms de Paris, il a été managing directeur chargé de l’activité banque d’affaires de la Bnp Paribas française après avoir travaillé à la banque américaine Lehman Brothers, sur Wall Street. Auparavant, il avait exercé ses talents à Ibm France, plus précisément à la direction de l’ingénierie et de l’intégration économique. Après quoi, il a plaqué sa situation plus que confortable de managing director à la Bnp Paribas pour aller s’installer dans le hub financier qu’est Dubaï pour y monter Millenium Finance Corporation (MFC), une banque d’investissements qui a déjà à son actif des transactions pour un montant de 50 milliards de dollars (25.000 milliards de francs cfa), excusez du peu !

Ce garçon comblé à qui tout réussit a même, durant ses années de jeunesse, monté un orchestre avec des copains. Lequel avait composé un tube, intitulé « Gorgui sonn na », qui s’était vendu à 40.000 exemplaires. Une performance, à l’époque. Comme Midas, qui transformait en or tout ce qu’il touchait, Kéba Keinde a le génie des affaires.

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Riche, il l’est assurément, au point d’avoir tenté de se présenter à l’élection présidentielle sénégalaise à travers son mouvement 2.0. Hélas, sa candidature avait été recalée par le Conseil constitutionnel.

Photo tiré des photos de la page Facebook "Keba Keinde"
Photo tiré des photos de la page Facebook "Keba Keinde"

Millionnaire en dollars, jeune, intelligent, adulé par la gent féminine, Kéba Keinde a tout pour être heureux. Il y a des gens comme ça, nés sous une bonne étoile, et à qui tout sourit dans la vie. A ce propos, l’interview de quatre pages qu’il a accordée à notre confrère Madiambal Diagne, est un document d’anthologie. Une success story à lire absolument.

Le seul défaut de Kéba, car il en faut bien au moins un sinon nous ne serions plus des humains, c’est que le brave patron de MFC manque de rigueur dans le raisonnement. Ou de suite dans les idées. Un exemple, un seul, pour montrer cela. Question : « Il se dit que la traque aux biens mal acquis fait peur aux investisseurs ? » Réponse de Keinde : « Je ne partage pas du tout cet avis. Un investisseur veut arriver dans un pays où il y a de la transparence, une démocratie stable, où il est protégé (Ndlr : autant de choses qui existent à Dubaï !) Le Sénégal répond à tous ces critères.

Donc dire que la traque aux biens mal acquis a un impact négatif sur les investisseurs est absolument faux. Je vous ai dit que je suis en train de mobiliser un financement important pour le Sénégal. Cela est possible parce que notre pays inspire aujourd’hui confiance ».

Le problème c’est que, justement, ce gros investisseur en question, qui travaille à lever 750 millions de dollars (375 milliards pour le Sénégal), en l’occurrence Kéba Keinde pour ne pas le nommer, est empêché de finaliser cette transaction hyper vitale pour notre pays à cause d’un maudit mandat d’arrêt international lancé contre lui par la justice sénégalaise. Laquelle le soupçonne d’avoir touché des commissions lors de la vente de la troisième licence de téléphonie cellulaire à l’opérateur soudanais Sudatel.

Une affaire pour laquelle Thierno Ousmane Sy, l’ancien conseiller spécial en Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication (Tic) du président Abdoulaye Wade est en prison. Et à cause de laquelle Kéba Keinde n’ose plus mettre les pieds dans son propre pays !

Tout au long de l’interview, d’ailleurs, le patron de MFC s’échine à montrer son innocence et explique qu’il a payé des  centaines de milliers de dollars à des investigateurs et des juristes pour découvrir en particulier quelles sont les personnes qui se cachent derrière la société « Red Sea Holding » par le compte bancaire de laquelle l’argent ayant servi à payer les commissions a transité.

Tout cela pour dire, au regret de contredire le distingué Kéba Keinde, que la traque des biens mal acquis, en vertu de laquelle il fait justement l’objet d’un mandat d’arrêt international, a un impact négatif sur au moins un investisseur : lui. Et, par-delà son auguste personne, les bailleurs qui doivent apporter les 750 millions de dollars à investir dans notre pays. Voilà donc 375 milliards à propos desquels  le Sénégal doit faire son deuil à cause de cette maudite traque des biens mal acquis. Et Kéba Keinde nous dit que cette chasse aux sorcières n’a aucun impact négatif sur les investissements dans notre pays. Il ne manque pas d’humour, le jeunot !

Sinon, pourquoi se donner tant de peine, et dépenser tant de moyens à se défendre, alors que son temps est si précieux, lui le grand banquier d’affaires ? Un grand merci à lui, en tout cas, de la part de tous ceux qui comme nous passent leur temps à dire que la traque des biens mal acquis plombe les investissements directs étrangers dans notre pays !

La preuve par lui, le brillantissime et richissime Kéba Keinde…

MAMADOU  OUMAR NDIAYE

Le Témoin, hebdomadaire sénégalais
Édition N° 1139 (OCTUBRE 2013)