C’est incontestable, l’Espagne et le Maroc sont comme frère et sœur, avec toute la proximité mais aussi toutes les rivalités que cela implique. La visite de Juan Carlos 1er à Mohammed VI est un moment important pour les deux pays ; mais à quels niveaux, exactement ? Négociation économique, rencontre politique, échange diplomatique, débat humanitaire, simple visite d’apparat, l’événement présente de multiples facettes dont beaucoup pourraient s’avérer trompeuses.
La situation économique de l’Espagne étant toujours dans le rouge, il est certain que cette préoccupation sera en première ligne. D’autant plus que la délégation qui rejoindra le monarque dès demain à Rabat ne comptera pas moins de 27 chefs de grandes entreprises espagnoles. Entre autres sujets d’actualité, la vague d’immigration d’Espagnols vers le Maroc, plein d’opportunités quand leur pays d’origine n’a plus rien à leur offrir.
Politiquement parlant, des questions sensibles comme celle des adoptions bloquées par les islamistes nouvellement au pouvoir devraient trouver une issue positive, puisque le problème a déjà été réglé fin juin. Avec cette visite officielle, l’Espagne entend effacer définitivement toute trace du différend.
Amnesty International a clairement fait savoir qu’elle comptait sur le roi d’Espagne pour aborder des questions humanitaires préoccupantes, à commencer par la situation des femmes au Maroc, le traitement des journalistes trop souvent brimés et, bien entendu, le très délicat sujet du Sahara occidental et des arrestations abusives dont il a été le théâtre, sans aucune réaction du gouvernement.
Pour Juan Carlos 1er, cependant, cette visite officielle est avant tout l’occasion de prouver au monde entier qu’il est en pleine forme après son opération du mois de mars, la 4e en 10 mois. Depuis quelques temps, son état de santé inquiète, et il se murmure qu’il serait particulièrement diminué, physiquement comme politiquement. La visite en grande pompe à Mohammed VI servira donc à faire taire les rumeurs, et à regagner la crédibilité vacillante du pouvoir royal.
Si les paris doivent être lancés, il est assez probable que la rencontre serve principalement de vitrine mettant en exergue les rapports étroits des deux nations, sans pour autant aboutir à beaucoup d’accords concrets et solides. Mais nul n’est besoin de verser dans le pessimisme : le face-à-face royal nous réserve sans doute bien des surprises…
