Nigeria : Qui est Muhammadu Buhari, sauveur annoncé de son pays?

Afriquinfos Editeur
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Du haut de ses 72 ans, Muhammadu Buhari fait partie du paysage politique nigérian depuis trente ans. Beaucoup le dépeignent comme un homme de poigne et intègre. Pourtant Muhammadu Buhari n’a pas eu un passé rose.  

Originaire du Nord du Nigeria, ce père de famille de dix enfants est un militaire de formation. Son allure imposante et son visage sévère l’y prédisposent très tôt. Déjà à 19 ans, Muhammadu Buhari rejoint l’armée. Formé en grande partie au Nigeria, il rejoindra plus tard la Grande-Bretagne, l'Inde et les Etats-Unis pour se perfectionner.

Mais c’est sa participation en 1966 au coup d’État mené par le lieutenant-colonel Murtala Muhammed pour renverser le régime d’Aguiyi Ironsi qui propulse sa carrière et le hisse en 1980 à la place de l’officier général des forces armées nigérianes.

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Le général Buhari prendra les rênes du pouvoir et y restera  jusqu’en août 1985. Ce bref passage restera néanmoins gravé dans les esprits, notamment pour la sévérité et la poigne avec lesquelles le général a tenu le pays pendant cette période.

Gouverner autrement

Pendant ces vingt mois de gestion du pays, le président avait mené une «guerre contre l’indiscipline », selon ses propres mots.  La «guerre» était rude, dans de nombreux domaines conduisant plusieurs personnes en prison.

Le quotidien britannique «The Telegraph» fait état des sanctions drastiques comme une peine d’emprisonnement de vingt ans à la suite de  tricherie lors d’examens universitaires ou encore la soumission des fonctionnaires à des punitions physiques en cas de retard au travail.

Les mémoires se ravivent également à propos de trois Nigérians condamnés pour trafic de drogue que le président avait fait exécuter en public, toujours au nom de l’indiscipline. Mais cette rude bataille s’en était également prise aux hommes politiques haut placés et corrompus, et c’est surtout pour cela que Buhari s’est forgé la réputation de l’homme à poigne, exceptionnellement courageux et incorruptible.

En 20 mois à la tête du Nigeria, Muhammadu Buhari a adopté nombre de décrets, dont certains constituent une atteinte aux Droits de l'Homme selon des ONG. Son régime est alors la cible de nombreuses critiques dans le monde.

Ce qui a valu à Muhammadu Buhari d’être renversé en août 1985 par un coup d'État dirigé par le général Ibrahim Babangida après lequel il est enfermé dans une prison de Bénin City jusqu'en 1988, année de sa libération.

Muhammadu Buhari, fait un retour sur la scène politique  en avril 2003, en se présentant  à l'élection présidentielle nigériane comme candidat du «All Nigeria People's Party » (ANPP). Il perd face au candidat du « People's Democratic Party »(PDP), Olusegun Obasanjo.

En mars 2010, Muhammadu Buhari quitte l'ANPP pour le Congrès progressiste (APC), et se présente au nom de ce parti en avril 2011 pour la présidentielle du Nigeria. Il axe sa campagne sur la lutte contre la corruption et s'engage contre l'immunité qui protège les représentants du gouvernement. L'homme n'a pas pour autant réussi à se faire élire à la magistrature suprême.

En 2014, les  partis de l’opposition désignent Buhari  comme candidat unique pour se présenter à l'élection présidentielle 2015.

Pendant sa campagne, ce dernier a su exploiter les échecs de son prédécesseur, en mettant un accent sur son incapacité à juguler la menace de Boko Haram et en s’engageant  à mener une lutte sans merci contre la corruption au sein de l’élite qui entrave, selon lui, la distribution plus équitable des revenus du pétrole.

«J’ai visité 34 Etats jusqu’à présent, dans chacun de ces Etats, il y a trois choses constantes, qui sont des questions fondamentales dans le pays : l’insécurité, la destruction de l’économie et la corruption», déclarera le politique opposant dans une interview accordée à l’AFP. 

Face à ces propos, l’équipe de campagne du président sortant Goodluck Jonathan n’a cessé de rappeler le passé trouble de l’ex-général. Des affiches électorales clamaient : «Tyran un jour, tyran toujours», mettant en doute les professions de foi démocratique de l’ex-dictateur. Mais pour le peuple nigérian, le passé de cet ex dictateur n’affecte en rien son programme. Après quatre tentatives pour se hisser à la tête du pays, Muhammadu est finalement élu, devenant le quatrième président du Nigeria depuis 1999.

Aux yeux des Nigérians, c’est l’homme providentiel dont a besoin le pays empêtré dans la guerre contre la secte Boko Haram et les problèmes économiques, pour se redresser.

 

P. AMAH