Modernisation du Port de Lomé: Poids de taille pour la croissance du Togo

Afriquinfos Editeur
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Seul port en eau profonde en Afrique de l’ouest (pouvant accueillir des navires de 3ème génération), et bras de mer des pays de l’hinterland dans cette sous-région, le PAL est en train de subir une grosse toilette infrastructurelle qui devrait faire de lui, dans les mois à venir, la principale porte d’entrée (portuaire) en Afrique sub-saharienne. Une bonne et grande nouvelle pour toute l’économie togolaise actuellement en mode "redémarrage", avec dans le viseur un chiffre de 5,3% de croissance en 2013, après avoir déjà réussi à atteindre les symboliques 5% en 2012. Avec une profondeur de 14 mètres, le Port de Lomé est également le seul sur la côte d’Afrique occidentale par lequel on peut joindre plusieurs capitales (de la même région) en un seul jour. Un atout de taille dans l’acheminement de frets dans les délais et avec des coûts très compétitifs.

Cette toilette atypique annoncée se décline d’une part en la construction sur 24 mois du « Lome container terminal » (une darse au Port de Lomé de 1.050 mètres de longueur de quai et 16,70 mètres de profondeur pour accueillir un terminal à conteneurs) qui va coûter environ 230 milliards de fcfa. Il s’agit du plus lourd investissement privé jamais réalisé au Togo qui permettra au PAL, sur 1.050 mètres de quai, d’offrir simultanément son hospitalité à 3 ou 4 navires de grand tonnage ! D’autre part, la seconde facette de cette toilette réside dans l’achèvement, en octobre 2013, au cœur de cette plate-forme portuaire, de l’érection d’un 3ème quai (en eau profonde de 15m sur 450m de longueur) à conteneurs, fruit d’une Convention entre les multinationales Bolloré et Vinci. Sans oublier les travaux d’extension du quai minéralier du même Port. 

Ces deux immenses chantiers en cours dans la capitale togolaise devraient à terme permettre au PAL d’élargir son assiette de services proposés, même aux Etats d’Afrique centrale ! Le Burkina Faso, le Mali, le Niger qui bénéficient pour l’heure à 40% des flux de trafics au PAL devraient donc incessamment avoir de nouveaux et solides "concurrents". Ces chantiers feront entrer le PAL dans le cercle fermé des plus importantes infrastructures portuaires d’Afrique et du monde. Et devraient surtout doper les recettes douanières et fiscales togolaises, indispensables pour huiler les rouages du financement du développement sur un exercice budgétaire par l’Etat. « Quand les chantiers en cours au PAL seront livrés, ils lui offriront l’occasion de devenir un port de transbordement car il sera doté d’infrastructures à même de lui permettre d’accueillir de bateaux de lourds tonnages qui ont besoin d’un tirant d’eau important pour accoster », projette le contre-amiral Fogan Kodjo Adegnon, actuel Directeur Général du PAL, en évoquant le futur proche de la grosse structure qu’il gère. Abondant dans le même ordre d’idées, la Direction commerciale du Port précise que le relookage sus-décrit du PAL « va générer la création d’au moins 1.000 emplois ». Dans un Togo dans lequel 60.000 jeunes sont déversés/an sur le marché local de l’emploi qui éprouve d’immenses difficultés pour les absorber, les chantiers en cours sur la plate-forme de Lomé vont ainsi permettre à plus d’un de mettre des mots sur des maux en terme de chômage. Aux dires de Nadim Michel Kalife (expert togolais en économie africaine), l’atout premier du Port new look de Lomé qui est en train de prendre forme réside surtout dans sa capacité à attirer des navires qui proviendront du monde entier et qui désirent desservir une clientèle au fin fond du continent noir, ou dans d’autres ports d’une moyenne taille de la sous-région.

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Pour sa part, l’économiste togolais Felix Couchoro souhaite vivement que « la modernisation du PAL aide le Togo à se doter d’outils devant lui permettre de se mettre durablement sur le chemin d’une croissance (…) D’où l’importance de développer de façon idoine les principales voies de communication qui graviteront autour des infrastructures modernisées ». Des souhaits qui coïncident avec des projets qui tiennent à cœur à la Direction du PAL : « La réalisation d’une voie de contournement de la faille d’Alédjo et du col de Défalé (nord-Togo, sur la Nationale nº1) afin de faciliter les conditions de traversée du corridor togolais pour les conducteurs ; la construction d’un port sec à l’intérieur du pays et la réalisation d’une liaison ferroviaire en vue de rapprocher davantage le fret des opérateurs économiques des pays du Sahel, et surtout la mise en place d’un guichet unique dont l’objectif sera de simplifier les formalités de  facturation et d’enlèvement des marchandises » !

Autant de projections, de l’avis d’experts du monde portuaire, qui feront franchir à la vitesse de la lumière la barre des huit (08) millions de tonnes de marchandises que traite annuellement, à l’heure actuelle, le PAL. Une nouvelle donne qui devrait donner inéluctablement un coup de fouet aux recettes annuelles de cette importante infrastructure de développement. Il s’agira pour elle, dans les prochains mois, de dépasser allègrement le chiffre des 25 milliards de fcfa de recettes comptabilisées en 2011 ! Une lecture que partage Messan Agbéyomé Kodjo, ancien Directeur Général du Port de Lomé et ex-Premier ministre togolais, en soulignant que « l’intérêt premier que procure un port bien fréquenté est le montant élevé des recettes douanières et fiscales qu’il met à la disposition de l’Etat ».

Toutes choses qu’épouse par ailleurs « l’ancien opposant historique togolais », Gilchrist Olympio (au micro d’un confrère sénégalais), en faisant appel à son profil d’économiste : « Nous avons un port, poumon de ce pays (…) dont la profondeur est supérieure à celle de plusieurs ports français, donc capable d’accueillir de grands bateaux. Le soir, au port, il y a toujours entre 80 et 100 bateaux en rang. Il va falloir développer cet outil et j’en ai discuté, à plusieurs reprises, avec le chef de l’Etat Faure Gnassingbé. Le Togo, pour le moment, n’a pas beaucoup de ressources naturelles. Ce n’est pas la Rdc, le Congo (…) C’est un pays de services. Il est donc nécessaire de développer le PAL pour qu’il soit un hub pour toute la région, une sorte de mini-Marseille (France) ou de Rotterdam (Pays-Bas). Déjà, avec le groupe Bolloré, le gouvernement a accepté qu’on enclenche ce développement. J’ai en discuté avec DPW (Dubaï Port Authority), présent au Sénégal et à Djibouti, pour en faire un grand port. Ce n’est pas pour dire que le Port de Cotonou (au Bénin) n’est pas important. Vous savez, à l’époque coloniale, la création d’un Port à Lomé a été une source de friction entre le Président Olympio et le gouvernement français qui voulait qu’on partage le port du Bénin (Dahomey à l’époque). Le président Sylvanus avait dit que les facteurs naturels n’étaient pas rassemblés. Nous allons bientôt créer un quai minéralier (au PAL) pour permettre d’évacuer non seulement notre phosphate, mais aussi pour faire venir beaucoup de choses de l’extérieur ».

 

Unanimité de colosses bailleurs du monde autour du PAL

On connaît désormais la composition intégrale du consortium d’investisseurs "privés" du Nord et du Sud qui ont mis 324 millions d’euros (environ 230 milliards de fcfa) dans la balance de la modernisation du Port de Lomé, à travers le projet LCT (Lome Container Terminal, SA). Le projet LCT consiste à doter le Port de Lomé d’une darse. Elle permettra, en termes de chiffres, de faire grimper la capacité de manutention annuelle du terminal du Port loméen dans l’ordre de 2,2 millions conteneurs de vingt pieds. La SFI (branche de la Banque mondiale) est le principal architecte de la mobilisation de ces lourds investissements privés au profit indirectement du développement de  l’Etat togolais. Cette filiale de la Banque mondiale a réussi à convaincre plusieurs structures de poids du Nord et du Sud de l’accompagner dans le projet LCT. 

Il s’agit de la BAD (Banque africaine de développement), l’allemande DEG (Deutsche Investition und Entwicklungsgesellschaft mbH), de la FMO (la Société néerlandaise de financement du développement), de l’OFID (Fonds de l'OPEP pour le développement international) et de la française PROPARCO (Institution de financement du développement). De façon plus détaillée, le projet LCT est piloté par une société congolaise du même nom, une joint-venture dont la participation est divisée à 50/50 entre GTL (Global Terminal Limited) et CMHI (China Merchants Holdings International Company Limited). Cet aréopage de gros investisseurs a séduit la multinationale Mediterranean Shipping Company (seconde plus grande compagnie maritime au monde) qui s’est engagée à être le client du terminal qui sera issu des 24 mois de travaux en cours, en bordure de mer, à Lomé.

« La confiance affirmée par le consortium international de bailleurs de fonds transmet un message important sur la valeur du projet sur le long terme, et aux autres investisseurs cherchant à investir davantage en Afrique », s’est félicité Vikram Sharma, président-directeur général du GTL au sujet de la confiance née autour de ce géant Projet. La mobilisation de ces imposants financements par la SFI se situe dans la droite ligne de la reprise de la coopération entre Lomé et les institutions de Bretton Woods en 2007.

Des statistiques bientôt dans les annales du PAL…

Avec la rapide modernisation des infrastructures d’accueil de l’un des principaux poumons de l’économie togolaise (PAL), les actuelles statistiques qui dépeignent le dynamisme de son fonctionnement devraient incessamment appartenir à l’histoire. C’est à partir de l’an 2010 que la machine de productivité dirigée par Fogan Adegnon a atteint sa vitesse de croisière. En effet, de 252.000 tonnes de marchandises à sa création en avril 1967, le PAL a enregistré l’année du cinquantenaire des « indépendances africaines » un chiffre record auquel il s’est cramponné depuis lors : il s’agit d’un trafic général de plus de 8 millions de tonnes de marchandises, avec une desserte de 1.175 navires et un trafic transit de plus de 2,3 millions de tonnes. Le Port Autonome de Lomé est une société d’Etat au capital social de 3,5 milliards de francs CFA qui jouit d’une autonomie financière et de gestion. Il est placé sous le contrôle de trois organes coiffés par un Conseil de surveillance.

A la fois carrefour international d’échanges, le PAL, avec un domaine 900 ha est aussi un pôle d’attraction pour le commerce et l’industrie grâce à une vaste Zone franche industrielle où sont implantées plusieurs dizaines d’entreprises. Ces dernières bénéficient des infrastructures portuaires de qualité, d’une réglementation souple et de multiples avantages fiscaux, douaniers et financiers.

Le Port de Lomé représente à ce titre l’élément moteur de l’activité économique du Togo. Plus de 80% de ses échanges commerciaux y transitent. En outre, la  diversité de ses activités, toutes créatrices de richesses et génératrices d’emplois, ainsi que les possibilités considérables de développement dont il dispose, permettent d’apprécier son positionnement dans son environnement et son poids économique.

En vue de se conformer aux normes de sécurité recommandées par le Code International pour la Sûreté des Navires et des Installations Portuaires (Code ISPS), le Port Autonome de Lomé a mis en place de nouvelles mesures de sécurité, notamment l’installation d’un système de télésurveillance des installations portuaires, garantissant ainsi une sécurité optimale sur tous les biens.

L’un des atouts du Port Autonome de Lomé repose en outre sur la rapidité des formalités administratives qui est le résultat des efforts de simplification des circuits d’enlèvement des marchandises. A sa création le 07 avril 1967, le Port Autonome de Lomé assurait, outre ses fonctions régaliennes, les fonctions industrielles et commerciales. En 2000, les activités de manutention ont fait l’objet de concession. Aujourd’hui, l’Autorité portuaire, en plus de ses fonctions régaliennes, a en charge l’exploitation des installations, le pilotage et le remorquage des navires, la garde matérielle et juridique des marchandises, le service des phares et balises, la vigie et la radio, la gestion du domaine portuaire et maritime.

Par ailleurs, elle conserve la manutention de certaines catégories de marchandises, notamment le blé, le clinker et les hydrocarbures.

 

(Par Edem Gadegbeku)

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