Mali : Tourisme en berne

Afriquinfos Editeur
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Au Centre du pays, entourée des régions de Tombouctou au Nord (un des fiefs des rebelles touaregs puis des groupes terroristes et jihadistes) et de Ségou au Sud, Mopti, cité historique au confluent des mouvements migratoires entre ces deux pôles pour l'ensemble du territoire national, est célébrée comme une destination touristique de premier ordre au Mali.

Chef-lieu de la région du même nom qui s'étend sur une superficie de 79.000 kilomètres carrés pour une population estimée à 1,6 million d'habitants (sur 16,2 millions de population nationale), elle forme, sous le surnom fièrement revendiqué de "la Venise du Mali" au milieu de deux fleuves, le Niger et le Bani, un ensemble de trois îlots reliés entre eux par des digues servant de protection et de routes.

"La région de Mopti a une particularité : c'est le pôle de développement numéro un du tourisme de circuit au Mali", résume Moctar Bâ, le directeur régional de l'Office malien du tourisme et de l'hôtellerie voisin au siège du gouvernorat de cette région, sur les berges du Bani où se déroule à longueur de journée un spectacle saisissant de grandes embarcations ou pinasses reliant la ville aux localités du Nord et d'autres comme Djenné et Ségou, au Sud.

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Un concentré des principales ethnies du Mali, telles les Bambara, les Songhoï, les Dogon, les Toucouleurs ou Touaregs, les Peuls, les Somono, les Bozo, cette région représente entre 50 et 60% des visites de touristes internationaux dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, soit 100.000 à 125.000 arrivées annuelles sur un total de 250.000 en 2006 par exemple, a indiqué en outre à Xinhua Moctar Bâ.

19 A 23 MILLIARDS FCFA DE RECETTES

C'est le taux de fréquentation moyen lors des "campagnes très bonnes", avec des dividendes évalués de 19 à 23 milliards de francs CFA (38 à 46 millions de dollars américains) pour les caisses de l'Etat, a-t-il précisé.

Par ordre d'importance, les clients, pour la plupart occidentaux, proviennent de France, d'Espagne, de Bénélux (groupe de pays constitué de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg), d'Allemagne, d'Italie, des pays scandinaves, du Japon, de Russie et aussi de Chine.

 "On commence à recevoir des Chinois, depuis les cinq dernières années", souligne le directeur régional de l'Office malien du tourisme et de l'hôtellerie de Mopti qui recense 242 guides officiels homologués et agréés par l'Etat malien, 22 agences de voyages et de tourisme et associations de tourisme, et plus de 90 établissements de tourisme.

Selon lui, "en moyenne, chaque visiteur international passe 2,5 nuitées dans la région de Mopti". A la portée de celui-ci : une large gamme de produits comprenant la découverte de la ville centrale de Mopti, la cité historique de Djenné, le pays Dogon, le delta intérieur du fleuve Niger (une zone d'intérêt écologique mondial), la réserve et le parc naturels de Gourma, l'artisanat, des manifestations culturelles telles la traversée des bœufs de Djafarabé et de Djaloubé, etc.

Dans le centre-ville de la ville même de Mopti, qui abrite un port singulier de pirogues où attendent à quai de gros camions prêts à charger ou à décharger des tonnes de marchandises pour le commerce, la principale attraction tourne autour de la Grande Mosquée construite entre 1936 et 143 en terre cuite (banco), sur le site d'une mosquée plus ancienne datant de 1908, et célèbre pour ses travées et pyramides.

Cet édifice symbolique, inscrit au Patrimoine national du Mali depuis 2006, en pleins travaux de restauration financés et dirigés par le Trust Aga Khan pour la Culture, est une sorte de réplique de l'imposante mosquée de Djenné (131 km au Sud-Ouest de Mopti), décrite comme "la plus vaste construction en banco du monde" et qui vaut à cette autre cité antique malienne de figurer sur la liste du Patrimoine culturel mondial de l'Unesco.

C'est un privilège également accordé aux villes du Nord de Gao et de Tombouctou, qui vient malheureusement de voir détruire une partie de son patrimoine constitué de mausolées et de manuscrits, par les ténébreux "fous de Dieu" du Mouvement pour le jihad et l'unicité en Afrique de l'Ouest (Mujoa).

A la faveur de sa traversée des bœufs Djarafabé et de Djaloubé classée, le pays Dogon fait quant à lui aussi partie de la liste du Patrimoine immatériel mondial de l'Unesco.

ACTIVITE TOTALEMENT EN CRISE

En dépit de toutes ces merveilles, Mopti est aujourd'hui du vague à l'âme. "L'activité touristique est totalement en crise. Depuis 2009, à cause de l'insécurité au Nord, il n'y a pratiquement pas de flux de touristes. La chaîne a été brisée. L'hôtellerie ne fonctionne pas", se lamente Moctar Bâ qui rappelle que ce secteur est pourtant "un des plus gros créateurs d'emplois et pourvoyeurs de devises" du pays.

Pour cause de cette crise, les guides touristiques, qui n'arrêtent pas de flâner sur les berges du Bani, ont dû pour certains d'entre eux se reconvertir dans d'autres activités moins lucratives. Au banc des accusés : Amadou Toumani Touré, natif de Mopti dont le domicile familial, occupé par sa mère, la brave et joviale non-voyante Djénéba, qui fait montre d'un sens de l'humour aigu, se trouve perdu au milieu d'un pâté de maisons, à proximité de la Grande Mosquée, au quartier Komouguel I.

Ali Bamia, membre de l'Association des pinassiers qui organisent des voyages de touristes pour le Nord à 500.000 francs CFA (1.000 dollars) pour un aller-retour à Tombouctou par exemple, reproche à l'ex-président renversé par un putsch du capitaine promu général Amadou Sanogo en mars 2012 et exilé depuis lors à Dakar au Sénégal, sa politique laxiste à l'égard des activistes du Nord.

Deuxième imam depuis 22 ans de la mosquée de Kacolodaga, construite également de longue date sur l'un des îlots de Mopti, l'oncle maternel d'ATT el Hadj Sékou Contao, 98 ans, qui affirme avoir mis ses pieds une seule fois lors de l'accession au pouvoir du premier président malien Modibo Keïta en 1960, estime pour sa part que le coup d'Etat et la rébellion au Nord ont fait sombrer le pays.

"Si j'avais une arme, j'irais combattre les rebelles. C'est des bandits armés", lâche le vieil homme qui dit prier "Dieu pour que le Mnla (Mouvement national de l'Azawad, NDLR) n'obtienne pas l'indépendance qu'il réclame". "C'est Dieu qui a amené la guerre. C'est lui aussi qui va y mettre un terme", souligne de son côté l'imam de la Grande Mosquée qui n'a pas voulu révéler son nom.

Lors du duel entre Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé eu second de la présidentielle le 11 août, Mopti s'est prononcée pour l'ex-Premier ministre et vainqueur du scrutin. Chez les ATT, la neutralité a été au rendez-vous. La cousine de l'ex-président qui vit avec la mère de celui-ci et dont elle porte d'ailleurs le nom a préféré rester éloignée des bureaux de vote.

Astucieux, l'oncle maternel, l'imam de Kacolodaga, a organisé le vote de ses fidèles réunis au sein d'une communauté estimée à quelque 5.000 âmes, en le répartissant à parts égales entre les deux candidats.

Moctar Bâ décrit cette consultation comme un rendez-vous électoral qui a fait renaître l'espoir pour le rebond du tourisme. "Dieu merci, on commence à sortir progressivement de la crise sociopolitique", se réjouit-il.