La mise sous écrou de deux journalistes togolais suscite la vive réaction de plusieurs acteurs socio-politiques au Togo

Afriquinfos Editeur
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Lomé (© 2023 Afriquinfos)-Loïc Lawson-Avla et Anani Sossou, deux journalistes togolais, ont été transférés à la prison civile de Lomé ce mercredi 15 novembre 2023. Le procureur de la République au Togo a émis mardi un mandat de dépôt contre Loïc Lawson, Directeur de publication de l’hebdomadaire Flambeau des Démocrates et président de l’Union de la presse francophone section Togo (UPF-Togo), ainsi qu’Anani Sossou, journaliste freelance.

Les deux journalistes sont accusés de diffusion de fausses nouvelles et d’incitation à la révolte dans le cadre d’une affaire de vol d’argent les opposant au ministre Kodjo Adedze. Cette décision suscite non seulement de l’indignation tant au niveau national qu’international, mais également une grande inquiétude s’agissant du sort réservé à Loïc Lawson et Anani Sossou.

L’UPF section Togo a exhorté les autorités judiciaires togolaises à garantir un traitement équitable et transparent pour Loïc Lawson et Anani Sossou, soulignant l’importance de respecter les principes fondamentaux de la liberté de la presse et du droit à l’information.

Le Comité de protection des journalistes (CPJ) demande aux autorités togolaises de ‘’libérer immédiatement et sans condition les journalistes Loic Lawson et Anani Sossou’’. ‘’Les autorités du Togo doivent libérer les journalistes Loic Lawson et Anani Sossou, abandonner les charges contre eux et leur permettre de rendre compte librement des événements actuels’’, a déclaré Angela Quintal, coordinatrice du programme Afrique du CPJ.

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’J’apporte tout mon soutien aux deux journalistes. Anani Sossou est un vieil ami, avec qui nous avons beaucoup manifesté dans les rues de Lomé. Notre amitié s’est consolidée sous le soleil, parfois à humer le gaz lacrymogène. Loic Lawson est un journaliste hargneux et teigneux. Tous les deux sauront faire face à cette épreuve et que la vérité enfin se manifeste.’’, a réagi le député Gerry Taama du NET (Nouvel Engagement Togolais)

Dans une tribune publiée, l’ancien journaliste Fulbert Attisso a également réagit à l’arrestation des deux journalistes Loïc Lawson et Anani Sossou. Pour le président du parti ‘’Togo Autrement’’, les deux journalistes n’étaient pas obligés de recouper l’information du moment où elle n’est pas publiée dans un jour journal (presse écrite et en ligne) ou à la radio ou encore à la télé.  ‘’Il faut libérer Loïc Lawson et Anani sossou’’, a martelé l’écrivain.

’L’arrestation des deux journalistes Loïc Lawson et Anani Sossou ne fait du bien à personne. Au contraire ! Cette arrestation obscurcit l’image du Togo, cité parmi les pays ayant les meilleurs Codes de la presse et entache la réputation d’homme de Dieu du Ministre d’État Kodjo Adedze plus que l’aurait fait l’affaire de l’argent retrouvés à son domicile, si tant est que ce narratif est avéré. Mon propos n’est pas d’excuser les journalistes quant à la véracité ou non de leur publication, mais plutôt de soutenir qu’ils ont le droit à l’erreur. Les deux journalistes ont commis une erreur ! L’erreur est inhérente à la nature humaine et est le premier droit de l’Homme’’, peut-on-lire.

’Le PPT exprime son indignation et ses inquiétudes face à l’allure que prend cette affaire’’, a écrit jeudi l’organisation professionnelle présidée par Honoré Adontsui.

Pour le PPT, ‘’en matière d’enquête pour faire la lumière sur une affaire de cambriolage, relayée à travers le monde et par des professionnels des médias, la privation de liberté ne doit pas être la règle’’. Partant, l’organisation demande la mise en liberté des confrères incarcérés pendant que les investigations continuent.

’C’est la divergence qui fait et qui fonde une démocratie. Et il faudrait que tous ceux qui dirigent ou aspirent à diriger le pays comprennent qu’une fois qu’on est un personnage politique, ou un acteur important, on devient une autorité publique et on est sujet à critique’’, affirme le PPT.

Dans un communiqué, le parti FDR  de Me Paul Dodji APEVON, lance un vibrant appel à toute la classe politique, aux Organisations de la Société Civile et à tous les compatriotes de l’intérieur comme de la diaspora ‘’de ne plus laisser commettre cette nouvelle forfaiture contre la presse togolaise en se mobilisant massivement pour obtenir la libération de Loïc LAWSON Et Anani SOSSOU’’.

Plusieurs organisations de la société civile togolaise s’interrogent, par ailleurs, sur la présence éventuelle d’une importante somme d’argent au domicile d’un ministre et demandent qu’une enquête soit ouverte pour faire toute la lumière sur cette affaire.

L’Organisation de défense des droits des journalistes, Reporters sans frontières, appelle également à leur libération immédiate.

’Ils ont accès à des informations souvent de première main. Je ne pense pas que le type de journalisme qu’ils font soit un journalisme au rabais. Je pense que c’est fondamentalement des personnes qui en toute honnêteté sont allées jusqu’à reconnaître que peut-être, sur une information donnée, il y a eu une erreur. Et les signes que nous voyons émerger montrent une volonté des autorités de contourner la loi sur la presse, pour arrêter et détenir des journalistes alors que dans ce cadre-là, les délits de presse sont dépénalisés. Le Togo a ce qu’on appelle l’Observatoire togolais des médias, c’est également un pays qui a la haute autorité de l’audiovisuel et de la communication. Cela pourrait être utilisé pour résoudre les différends liés à la diffamation mais là, en l’espèce, on ne le voit pas’’, a laissé entendre Sadibou Marong directeur de RSF pour l’Afrique subsaharienne.

De nombreux citoyens rappellent les précédents épisodes impliquant d’autres journalistes tels que Ferdinand Ayité et Joël Egah dans une affaire avec le même ministre, survenus il y a près de deux ans.

Ferdinand Ayité et son collègue Joël Egah (décédé) avaient  également été poursuivis par les autorités togolaises à la suite d’une plainte d’Adédzé et d’un autre ministre.

Ayité, qui est aux États-Unis cette semaine pour recevoir le prix international de la liberté de la presse 2023 du CPJ pour son courage dans le journalisme, a appelé le Togo à réformer ses lois afin d’empêcher les poursuites contre la presse pour reportage sur les réseaux sociaux après que Lawson et Sossou aient été inculpés.

’Le Togo a plus que jamais besoin de réformer ses textes qui criminalisent les journalistes qui utilisent les réseaux sociaux’’, a écrit Ayité dans un billet sur X, anciennement Twitter.

L’article 156 du code de la presse, par exemple, dit que les journalistes qui «utilisent les réseaux sociaux comme moyen de communication» pour commettre de telles infractions sont plutôt ‘’punis conformément aux dispositions de la common law. “, a-t-il rappelé.

Afriquinfos