Haro sur les mutilations génitales !

Afriquinfos Editeur
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« On m’a fait comprendre que l’excision n’est pas une bonne pratique et qu’elle a des conséquences néfastes sur la santé. On m’a dit aussi que c’est une infraction susceptible de conduire son auteur en prison », lance Aissa Ali, 65 ans, originaire de Djakindi, un petit village situé dans le département de Say, dans la région de Tillabéry (extrême ouest). L’excision, elle l’a connaît bien pour l’avoir pratiquée  des années durant. « C’est dans nos traditions d’exciser nos filles. C’est une pratique courante, systématique, banale », raconte-elle. A la question de savoir combien de fillettes elle a excisées dans sa vie, la vieille Aissa fait mine de compter en faisant tournoyer les yeux dans les orbites. « Je ne sais plus, j’ai oublié », finit-elle par lâcher.

Aujourd’hui, Aissa a rangé ses lames de rasoir et ses couteaux. Elle a dit adieu à l’excision. Elle a même rejoint l’équipe des brigades de vigilance mise en place par le Comité nigérien sur les pratiques traditionnelles (Coniprat), une ONG qui lutte contre les « pratiques traditionnelles néfastes ». « Nous travaillons à l’éradication des pratiques traditionnelles néfastes comme l’excision, communément appelée mutilation génitale féminine (MGF),  déclare Djataou Wassa, vice-présidente du Coniprat. Les MGF ont des conséquences physiques et psychologiques néfastes sur la santé des femmes et des fillettes. »

L’excision consiste généralement à procéder à l’ablation du clitoris. « Elle est pratiquée sur des filles dont l’âge varie de 2 mois à 15 ans selon les régions, avec un matériel qui, la plupart du temps, n’est pas aseptisé. Les conséquences immédiates sont l’hémorragie et, plus tard, l’infection, les douleurs au moment des règles ou des rapports sexuels, pendant l’accouchement « parce que la vulve est devenue cicatricielle, alors qu’elle devrait être souple pour faciliter le passage du bébé naissant », explique Djataou Wassa.

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L’excision n’est plus un sujet tabou au Niger, en partie grâce au combat mené par le Coniprat, épaulé par ses brigades de vigilance installées dans les villages. « En 2007, par exemple, une de nos antennes nous a informés du cas d’une exciseuse qui s’apprêtait à organiser une séance d’excision massive dans un village non loin de Niamey. Nous nous sommes rendus sur les lieux et nous avons pris l’exciseuse en flagrant délit. Les fillettes étaient âgées de 2 mois à 3 ans. Le Coniprat s’est immédiatement constitué partie civile et a porté plainte contre l’exciseuse et les parents des victimes », raconte la vice-présidente du Coniprat. Mais malgré la promptitude de l’intervention du Coniprat ce jour là, 7 fillettes avaient déjà été excisées sur les 18 programmées.

Le Coniprat est aujourd’hui affilié au Comité interafricain de lutte contre les pratiques traditionnelles (CIAF), qui a son siège à Addis Abeba, en Ethiopie. Il  sillonne les différentes régions du pays pour traquer les exciseuses, en menant notamment des actions de sensibilisation pour les amener à prendre l’engagement de mettre fin à cette pratique. En contrepartie, elles reçoivent des microcrédits pour entreprendre une activité génératrice de revenus. « Aujourd’hui, la plupart des exciseuses disent pratiquer ce métier pour joindre les deux bouts. Les microcrédits sont censés leur permettre de gagner leur pain quotidien », poursuit Wassa.

De 2000 à 2011, près de 170 exciseuses ont bénéficié d’un programme de reconversion. Elles ont été organisées en groupements féminins. Elles sont formées et sensibilisées pour être à leur tour des relais. Résultat : le taux de prévalence de l’excision est passé de 5% en 1998 à 2,2%, en 2006.

Au Niger, l’excision est pratiquées surtout dans les régions de Tillabéry (qui fait frontière avec le Burkina Faso et le Mali), de Diffa (qui fait frontière avec le Tchad et le Nigéria), de Dosso, Maradi et Zinder, frontalières du Bénin et du Nigéria. Soit cinq régions sur les huit que compte le Niger.

L’OMS classe l’excision en trois types : le type 1 où on effleure juste le clitoris ; le type 2 où l’on coupe le clitoris et les petites lèvres,  le type 3, également appelé infibulation (ablation du clitoris, des petites et des grandes lèvres, le tout étant cousu et refermé). Seuls les types 1 et 2 sont pratiqués au Niger.