Faso: Neuf ans sans Blaise Compaore, huit ans de croisade nationale contre le djihadisme

Afriquinfos Editeur
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Le nouvel homme fort du Burkina Faso, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba (g) aux côtés de l'ancien président burkinabè Blaise Compaoré (2e à d) au palais présidentiel de Ouagadougou, le 8 juillet 2022.

Ouagadougou (© 2023 Afriquinfos)- La dernière fois qu’il a été vu à Ouagadougou depuis son renversement par une insurrection populaire en octobre 2014, c’était en juillet 2022. Blaise Compaoré devait alors rencontrer le Chef de la junte d’alors, le Lieutenant Damiba pour discuter lutte contre le terrorisme et amélioration des relations entre Abidjan et Ouaga. Depuis, c’est un nouveau régime qui a pris le pouvoir et l’ambiance n’est plus la même. Blaise Compaoré n’a plus pignon sur rue au Burkina Faso et la situation sécuritaire est toujours aussi précaire.

En juillet 2022, cela faisait 8 ans que Blaise Compaoré était en exil en Côte d’Ivoire. A l’initiative des dirigeants burkinabè d’alors notamment le Lt Damiba, l’ancien chef d’Etat renversé en 2014 par un soulèvement populaire avait fait le déplacement de Ouagadougou.

Si officiellement, ce cours séjour rentrait dans le cadre d’un processus de réconciliation nationale, le chef de la junte militaire au pouvoir,  cherchait à créer une «union sacrée» autour de lui pour l’aider dans la lutte contre les groupes djihadistes, qui ensanglantent le Burkina Faso depuis 2015 et dont les attaques étaient de plus en plus nombreuses et meurtrières.

Il faut dire qu’en matière de lutte contre le terrorisme, Blaise Compaoré est un interlocuteur crédible. Pendant en 27 ans de règne, l’ancien dirigeant a réussi à préserver son pays des attaques djihadistes. Ce n’est qu’un an après son renversement que le Burkina Faso est devenue la cible des incursions des ‘’fous de Dieu’’ et autres bandits transnationaux. Des mauvaises langues soutenaient même que c’est en représailles à sa chute que Blaise Compaoré avait ‘’lâché’’ les terroristes sur son pays.

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Depuis, le pays des hommes intègres est le théâtre d’une lutte acharnée contre les attaques djihadistes. Le bilan est lourd. Depuis 2015, 16.000 personnes sont mortes et 2 millions ont été déplacées dans le pays, selon l’Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled).

Avec le coup d’Etat de septembre 2022 mettant fin à la junte dirigée par le Lt Damiba, ses attaques revendiquées par des groupes se réclamant de l’Etat islamique dans le Grand Sahara se sont intensifiées, au point ou le Burkina Faso est classée au premier rang des pays africains touchés par le terrorisme et le 2ème au monde derrière l’Afghanistan. Malgré la riposte menée par l’armée burkinabé aidée de ses supplétifs, la situation ne semble guère s’améliorer. La junte au pouvoir dirigée par le Col Ibrahim Traoré, se réclamant  »Sankariste » ne semble pas pour le moment prêt à solliciter les  » conseils » de l’ancien président Blaise Compaoré.

Sur le terrain, le bilan s’alourdit. Une cinquantaine de villes et villages du Burkina Faso sont aujourd’hui des prisons à ciel ouvert selon Amnesty International. 46 localités, dans lesquelles résident en temps normal plus d’un million d’habitants – sur les 22 millions que compte le pays – sont assiégées par les groupes djihadistes.

Ces derniers ont instaurés des blocus dans les localités depuis 2019 qui se se sont multipliés fin 2022, «pour faire pression sur les populations locales considérées comme hostiles à leur égard, les dissuader de collaborer avec les forces de défense et de sécurité et pour accroître leur influence sur les lignes de front».

La situation humanitaire n’est guère mieux. Plus de 2,6 millions de civils ont été confrontés à une insécurité alimentaire aiguë au dernier trimestre 2022 et près de 42.000 civils ont été exposés à la famine entre juin et août cette année, selon les Nations unies. L’ONU estime par ailleurs qu’un Burkinabé sur cinq, soit 4,7 millions de personnes, a besoin d’une assistance humanitaire, alors que «l’autorité du gouvernement burkinabé est cantonnée à entre 40% et 60% du territoire en raison de l’expansion du conflit», note Amnesty International.

Cette recrudescence des violences a poussé Ouagadougou à se rapprocher des régimes militaires malien et nigérien, eux aussi confrontés au terrorisme. L’Alliance des Etats du Sahel (AES), est née le 16 septembre dans le but d’«établir une architecture de défense collective et d’assistance mutuelle». A travers leur entente, formulée dans la charte du Liptako-Gourma, les trois présidents de transition se sont engagés à mener en commun la lutte «contre le terrorisme sous toutes ses formes».

Boniface T.