CEDEAO : Un engagement ferme et décisif des chefs d’Etat sur le Mali

Afriquinfos Editeur
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Une détermination sans précédent qui n'a pas échappé à bon nombre d'observateurs qui se demandent pourquoi un engagement si actif de la CEDEAO au Mali.

Le ton avait été donné par le président en exercice de l'organisation sous-régionale, l'Ivoirien Alassane Ouattara, lors de la première réunion le 27 mars à Abidjan des chefs d'Etat et de gouvernement sur la situation au Mali."Nous devons prendre une position sans équivoque et donner un signal fort sur la capacité de la CEDEAO à se pencher sur ses problèmes et à prendre des décisions qui respectent sa stabilité et sa cohésion", avait-il lancé à ses pairs.

                                                                          REHAUSSER L'IMAGE DE LA CEDEAO

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C'est la première fois qu'un chef d'Etat ivoirien est élu à la tête de la CEDEAO depuis sa création en 1975 et Alassane Ouattara est, en début de son mandat, face à une crise complexe. Pour l'universitaire Hubert Tapé, la fermeté affichée par le président en exercice de la CEDEAO, son investissement personnel  n'est pas fortuit. "Il tient à rehausser l'image de marque de la CEDEAO face à l'indolence et aux hésitations des chefs d'Etat africains lors de crises antérieures", croit-il savoir.

 Les chefs d'Etat ouest africains ont voulu "prendre leurs responsabilités face aux problèmes dans la sous-région, régler eux-mêmes les problèmes", explique l'universitaire. A sa prise de fonction en février, le président ivoirien avait été clair sur le sens de sa mission à la tête de la CEDEAO.

"L'objectif de la CEDEAO, c'est d'élargir la démocratie et de l'installer de manière définitive dans notre sous-région. Nous voulons être fiers de constater que notre sous-région a fait un bond spectaculaire en matière de démocratie et d'Etat de droit. Mon mandat est placé sous cet auspice et je ferais tout pour que nous puissions réussir", avait-il indiqué. Le coup d'Etat au Mali apparaissait donc comme un coup contre la démocratie et un recul pour le Mali et la sous région ouest africaine.

                                                                                 UN COUP CONTRE LA DEMOCRATIE

Pour Alassane Ouattara, la fermeté affichée est dans "l'intérêt du peuple malien". "Ce qui s'est passé au Mali est un coup d'Etat contre la démocratie. Cela est inacceptable d'autant plus que c'est un mauvais exemple. Le Mali est menacé de partition. Nous ne pouvons pas accepter cela ni au niveau de la CEDEAO ni au niveau du continent africain. Je considère que cette fermeté, c'est dans l'intérêt du Mali et des Maliens", a-t-il expliqué.

L'expert consultant, Vincent Toh BI Irié, qualifie de "déprimant" le coup d'Etat au Mali assimilé à une "remise en cause du modèle démocratique". Il estime que le pays était devenu, depuis 20 ans, "un exemple de fonctionnement et d'alternance démocratiques, loin des secousses politiques de ses voisins". Avec le coup d'Etat, "le Mali s'illustre de fort triste manière dans le développement démocratique de l'Afrique" et devient "la bête d'un espoir de gouvernance démocratique", soutient Vincent Toh Bi Irié.

Le journaliste ivoirien,  André Silvère Konan, n'a pas de mots plus pour qualifier le coup d'Etat au Mali d'autant plus que le désordre constitutionnel instauré a eu pour effet de favoriser la sécession du nord du pays les rebelles et les groupes islamistes. "Le putsch du capitaine Amadou Haya Sanogo est le plus débile que j'ai jamais vu. D'abord parce qu'on était à un mois et une semaine de la présidentielle à laquelle le président Amadou Toumani Touré n'était pas candidat. Ce dernier n'était pas favorable, du moins officiellement, à un candidat et la commission électorale n'était contestée par aucun candidat. La démocratie n'était pas malmenée au Mali, en atteste notamment la non contestation du processus électoral", fulmine-t-il.

 Pour lui donc, l'engagement de la CEDEAO à "mater le putsch" relève du "devoir d'ingérence de la communauté internationale". En outre, le putsch au Mali constitue un mauvais exemple et ses conséquences sur la sous-région peuvent être sérieuses. "La malheureuse irruption des militaires maliens sur la scène politique pourrait inspirer leurs homologues de la sous-région surtout ceux de la Guinée qui font le difficile apprentissage d'une vie de caserne tranquille. Ceux du Burkina Faso pourraient regretter de ne pas avoir forcé un peu plus pour prendre le pouvoir lors de leurs longs mois de mutinerie dans la première moitié de l'année 2011 et ne manqueront pas l'occasion de repréciser leurs velléités si une nouvelle opportunité se présentait", pense  Vincent Toh Bi Irié. La sous-région sort à peine de la crise ivoirienne, l'on panse encore les blessures issues des autres conflits fratricides au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée Bissau, il fallait pour la CEDEAO prendre le taureau par les cornes et éviter de retomber dans ces travers, explique l'expert.

La CEDEAO a gagné une bataille. Sa fermeté a payé. Depuis vendredi, le chef de la junte malienne a accepté de rendre le pouvoir aux civils pour une transition qui devrai être assurée par le président de l'Assemblée nationale en qualité de président de la République intérimaire. Reste la question des islamistes et de la rébellion dans la moitié nord du pays où les Touaregs ont proclamé la République de l'Azawad.

 La CEDAO insiste sur "le strict respect de l'intégrité territoriale" du Mali et pour "parer à toute éventualité" étudie le déploiement de sa force militaire forte d'au moins 2.000 hommes.