Castel et la MOCAF victimes de la concurrence d’«Africa ti L’or» en Centrafrique?

Afriquinfos Editeur
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Bangui (© 2023 Afriquinfos)- Un incendie a détruit une partie du stock de la brasserie Mocaf (Motte Cordonnier Afrique), filiale du groupe français Castel à Bangui, dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 mars 2023. Au beau milieu de la nuit, des engins incendiaires ont été utilisés pour mettre le feu à du matériel au cœur de la brasserie Mocaf.

« C’était aux environs d’une heure (du matin), puisque nous jeunes du secteur ici, nous sommes toujours devant la brasserie. On nous a alertés qu’il y a eu un cas d’incendie. On a appelé les sapeurs-pompiers, ils sont venus et nous autres journaliers, on a aidé à évacuer certains des matériaux qui étaient en train de prendre feu.« , a témoigné Christian, qui travaille à la Mocaf.

Mais selon d’autres sources, des hommes du groupe Wagner seraient à l’origine de l’incendie. La société russe Wagner, installée en République centrafricaine depuis 5 ans, a récemment produit elle aussi sa première marque de bière baptisé «Africa TI l’or». «C’est un incendie criminel, donc le Gouvernement se doit d’ouvrir une enquête dès aujourd’hui pour en connaître l’origine», a assuré Serge Ghislain Djorie, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement centrafricain. L’ambassadeur de France, Jean-Marc Grosgurin, s’est rendu lundi sur place «pour marquer sa solidarité avec les employés et la direction» à la suite de cet «incendie criminel», indique la représentation diplomatique sur sa page Facebook.

Ni le gouvernement ni l’ambassade de France, pas davantage la direction de la Mocaf, n’ont souhaité livrer de détails sur l’attaque. Aucun journaliste n’a été autorisé à pénétrer sur le site lundi 6 mars 2023.

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La guerre des bières?

La Mocaf  qui fête ses 60 ans cette année en RCA est l’un des plus gros producteurs et employeurs du pays. Accusé de financer le terrorisme dans la région du Sahel, elle est visée par des manifestations et des attaques en ligne depuis plusieurs semaines.

Ces attaques ont commencé juste après la mise sur le marché de la bière brassée par la galaxie Wagner. Et elle a contraint plusieurs officiels à prendre position. «Entre le Centrafricain et cette bière, il y a plus qu’une histoire d’amour». Cette déclaration est par exemple signée du maire de Bangui, Émile Gros Raymond Nakombo, qui s’est rendu en fin de semaine chez Mocaf, pour assurer selon lui «du soutien du chef de l’État et des institutions de la République».

Autre visite, celle de la ministre du Commerce, Léa Koyasso Doumta, venue plaider pour une «concurrence loyale», sans «sabotage ni diffamation». Depuis plusieurs semaines, des visuels circulent: sur l’un d’entre eux, le chargeur d’une kalachnikov de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) est rempli de bouteilles de Mocaf. «À chaque achat de Castel, tu finances la guerre et tu te tues», dit un autre flyer. Paris dénonce régulièrement des «campagnes de désinformation» qui alimentent un sentiment antifrançais dans le pays dirigé par Faustin-Archange Touadéra. Diffusées sur les réseaux sociaux et dans certains médias, celles-ci seraient alimentées depuis Moscou et nourrissent le sentiment antifrançais.

La France déplore en particulier l’emprise croissante du groupe Wagner, accusé par l’ONU de graves violations des droits humains en RCA. Castel, l’ambassade, des ONG et d’autres entreprises françaises sont visées par des campagnes de dénigrement voire de menaces émanant de groupes d’influence.

En retour, Moscou dénonce les campagnes antirusses dans les médias et les réseaux sociaux, menées, selon ses dires, par Paris. Depuis l’explosion, en décembre 2022, d’un colis piégé qui a blessé Dmitri Sytyi, codirigeant des mercenaires et patron de la propagande en Centrafrique, Wagner accuse les Occidentaux – Américains et, surtout, Français – d’avoir perpétré l’attaque contre le jeune homme.

Castel est depuis quelques temps, sous le coup d’une enquête de la justice française pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, suite à une enquête publiée en 2021 par l’ONG « The Sentry », accusant une autre de ses filiales, la sucrerie Sucaf, d’avoir payé l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) pour pouvoir continuer à opérer dans la province de la Ouaka, lorsque celle-ci était sous le contrôle des rebelles.

La Mocaf est présente en RCA depuis 1953; elle a été acquise en 1993 par Castel. La filiale du groupe a à son actif quelque 300 employés.

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