L’arrêté est formel en son article 1er : «Est interdit sur l’ensemble du département de la Mifi, à compter de la date de signature du présent arrêté, la vente, la promotion, la diffusion de l’œuvre musicale de l’artiste Franko, auteur de la chanson ‘’Coller la petite’’», tranche Tangwa Fover.
Le préfet de la Mifi a également pris la peine d’ordonner aux sous-préfets des arrondissements de Bafoussam I, II, III, au commissaire central de la ville de Bafoussam, ainsi qu’au commandant de groupement de la gendarmerie territoriale de Bafoussam de se charger chacun en ce qui le concerne, de l’exécution de cette mesure.
Pour Joseph Tangwa Fover, cette décision se justifie par la nécessiter du maintien de l’ordre et de lutte contre la dépravation des mœurs. Et il est accompagné dans son point de vue par certaines personnalités du pays qui jugent cette mesure courageuse et juste. «Les musiques obscènes sont diffusées aujourd’hui dans toutes les chaînes de radio, au point où je ne comprends pas comment on en est arrivé à cette situation. A notre époque, lorsqu’on commençait à chanter, il y avait la censure. Lorsque votre musique était contraire à l’éthique de la société, on ne la diffusait nulle part. Les chansons qu’on passe le temps à diffuser de nos jours ne promeuvent pas nos valeurs sociales», a commenté l’artiste Ange Emérand Ebogo qui a félicité lepréfet pour cette décision.
Un point de vue que partage MarcHakopoka conseiller-maître à la Chambre des comptes de la Cour suprême au Cameroun qui atteste qu’«il faut saluer le courage du préfet d'avoir censurer une chanson qui invite à violer l'interdit social. La chanson mérite même le bannissement; l'immoralité devrait être combattue», soutient-il sévèrement. D’autres comme l’homme politique Sosthène Médard Lipot, sont plus tempérés, même s’ils partagent la décision du préfet.
«Le préfet de la Mifi est le garant de l’ordre public et de la morale publique dans son territoire de commandement est dans son rôle. Mais la chose qui est regrettable, c’est l’absence de la politique de nos gouvernants dans le domaine de l’art et de la culture. L’interdiction d’une chanson devrait normalement se faire à la lumière d’une politique connue par tous. Sur le contenu, ce chanteur fait l’apologie de l’inceste et de l’interdit mais en prenant cette décision, le préfet de la Mifi ne s’est pas rendu compte qu’il a donné un coup d’accélérateur à cette musique qui sera encore plus écoutée et plus commercialisée dans sa circonscription administrative».
Points de vue divisés
Pour certaines personnes, l’interdiction de cette chanson n’a pas sa raison d’être. «Je pense que c'est une décision stupide. Ce n’est pas la première chanson à avoir des paroles suggestives. J’estime qu’il y a d'autres problèmes sur lesquels il doit s'appesantir, à mon avis. Ce n'est pas une chanson qui va détourner les mœurs des jeunes. S'il y a la délinquance qui persiste dans un endroit donné, ce n'est pas le fait de l'interdire qui va permettre de résoudre le problème, rétorque de son côté Amina Nguimbisune, une artiste. «C’est une décision absurde à un moment où le disque est planétaire , nous l’écoutons dans nos maisons et sur les réseaux, comment pourra-t-il vérifier si cette décision est respectée?», s’interroge de son coté un étudiant.
Pour sa part, l’artiste a tenu à s’expliquer dans une interview. «Dans “Coller la petite”, je demande aux mecs qui vont dans des fêtes de s’éclater lorsqu’ils y sont. Parce qu’on ne va pas dans une fête pour jouer les rabat-joie ou pour plomber l’atmosphère. Quand on est dans une fête, il faut s’éclater et on le fait naturellement avec une cavalière qu’on colle. Je pense plutôt que ce sont des gens qui essaient de détourner le sens du message que je transmets dans ma chanson, pour en faire une image de promotion de sexe», s’est défendu Francko. Des explications qui n’ont pas réussi à faire céder le préfet qui prévient que «tout contrevenant aux dispositions du présent arrêté, s’expose aux sanctions prévues par la réglementation en vigueur».
Sorti en juillet dernier, la chanson «Coller la petite» s’est rapidement propagée au Cameroun puis en Afrique, créant ainsi un véritable buzz. A ce jour, le clip a réuni plus d’un million de vues sur YouTube en un mois: un fait rare pour un artiste africain.
Larissa AGBENOU