Les bons et mauvais points de la Santé de la femme au Togo

Afriquinfos Editeur
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Mme la Représentante, votre Bureau travaille aux côtés du gouvernement togolais sur les questions de Santé de la Reproduction, un des plus importants de vos trois (3) programmes. Quels sont les grandes lignes de vos appuis ?

Nos appuis se classent en deux catégories : la 1ère concerne l’amélioration de l’environnement de la Santé de la Reproduction (SR). A titre d’exemple, nous avons appuyé l’élaboration du document de politique des normes de la SR et la loi sur la SR au Togo. En collaboration avec des agences sœurs et d’autres partenaires au développement, nous menons des plaidoyers pour l’accès aux services de la Santé de la Reproduction, avec des résultats satisfaisants, notamment le lancement de la CARMMA (Campagne pour la réduction de la mortalité néo-natale au Togo) par le Chef de l’Etat lui-même et la subvention de la césarienne qui s’en est suivie.

La deuxième catégorie, c’est l’accès aux services de qualité à toute la population. Dans ce cadre, compte tenu d’un bon partenariat avec le Gouvernement, nos appuis ont permis de rendre disponibles, les produits contraceptifs sur toute l’étendue du territoire. Nos appuis ont également contribué à améliorer l’accessibilité géographique. Nous avons de 2005 à 2011, contribué à la réhabilitation de 11 USP (Unités de Santé Périphériques) et à la construction du bloc opératoire de Vogan (Sud-Togo).

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Dans le même ordre d’idées, nous renforçons la capacité des prestataires de la Santé de la Reproduction, notamment dans la technologie contraceptive, les soins obstétricaux d’urgence et assurons aussi la formation des agents chargés de la gestion de la logistique.

Quelles sont les stratégies de l’UNFPA en matière de santé procréative ?

Elles consistent essentiellement à rapprocher des services de la communauté et cela sans aucune distinction et en tenant en considération des aspects « Genre » ; vous connaissez les questions des inégalités entre les hommes et les femmes. Nos appuis tiennent également compte des besoins spécifiques de la jeunesse et les disparités régionales.

Connaissant le lien institutionnel entre les différents niveaux, notre stratégie consiste également à travailler à tous les niveaux : central, régional, au niveau district et communautaire.

20 ans après la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD) qui avait demandé l’accès universel aux soins de santé procréative d’ici 2015, on constate encore dans les Etats africains une grande faiblesse en matière de prévalence contraceptive et l’accès aux services de Planification Familiale (PF) reste encore difficile pour certaines femmes. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a quand même des avancées mais je suis d’accord avec vous qu’une grande majorité de la population féminine n’a pas encore accès aux services de la Planification Familiale. Les investissements en matière de santé sont très lourds et la santé de la reproduction ne fait pas exception.

Il est difficile pour les gouvernements, surtout pour nos pays africains, de pouvoir mobiliser suffisamment de ressources à la fois pour renforcer le système sanitaire et pour rendre disponible, le personnel médical. Vous savez combien il est aujourd’hui difficile de déployer un personnel médical dans les coins les plus reculés, sans pouvoir lui donner, le paquet d’avantages conséquents. Donc, je dirai que la cause de ces faiblesses, c’est essentiellement, le faible investissement dans le domaine de la santé.

La deuxième cause importante, c’est le statut de subordination de la femme africaine dans la plupart de nos pays. La femme aujourd’hui, compte tenu de son niveau d’éducation, son niveau d’information, n’est pas suffisamment outillée pour faire des choix. Mêmes celles qui ont l’information, ne peuvent pas décider d’elles-mêmes d’aller recourir aux services de santé de la reproduction sans l’accord de leur mari. C’est le mari qui prend la décision. Ajouter à cela, la difficulté économique. Comme la santé de la reproduction ou le planning familial n’est pas une priorité dans les besoins des ménages et que la femme n’a même pas la liberté de décider de l’utilisation du revenu du ménage, elle ne dispose pas des ressources financières pour payer les services.

Il est établi que la planification familiale est un des moyens de réduction des grossesses non désirées, des avortements provoqués et de tous les risques liés à une maternité rapprochée. Que fait votre Bureau pour rendre accessible la Planification Familiale (PF) surtout dans les localités reculées ?

Notre Bureau met à disposition des produits de contraception, forme le personnel de santé à tous les niveaux, réhabilite des USP. Cependant, nous nous sommes aussi rendus compte que, malgré tout cela, les gens ne vont pas assez facilement dans les structures sanitaires et c’est pour cette raison que nous avons initié la Stratégie Mobile de Planification Familiale (PF) et la Stratégie Avancée qui consistent à amener des services vers la population, même jusqu’au niveau du village.

Cela a donc permis aux populations des zones les plus reculées, qui ont des difficultés à accéder aux services de santé, d’en avoir. Nous poursuivons cette approche qui s’est avérée efficace, que nous espérons d’ailleurs renforcer par l’introduction d’une clinique mobile qui pourra atteindre les villages les plus reculés avec un paquet de services complet, y compris même des services d’échographie.

En dehors des femmes, les jeunes constituent la cible principale de l’UNFPA. Quels sont les volets juvéniles sur lesquels votre Agence focalise son attention ?

La jeunesse constitue notre groupe cible privilégié et ceci compte tenu de la proportion de la jeunesse dans la démographie du Togo. Actuellement, nous nous focalisons davantage sur la prévention du VIH-Sida et ceci à travers des messages d’éducation et la disponibilité des préservatifs, tout en sachant que le préservatif constitue une double protection à la fois contre le VIH et contre les grossesses non désirées.

Nous travaillons avec la jeunesse au niveau scolaire, au niveau rural et dans le milieu informel. Nous venons d’entamer un programme avec les conducteurs de taxi-moto appelés communément « zémidjan ».

Ce programme consiste à créer des espaces que nous appelons « des espaces de repos ». Nous avons identifié avec le Ministère en charge de la Jeunesse des endroits où les zémidjan aiment s’arrêter pour se reposer. Et nous sommes en train de construire des abris où ils peuvent s’arrêter et donc se reposer mais en même temps, nous allons en profiter pour faire passer des messages, distribuer des préservatifs et d’autres moyens de contraception, donner des conseils et les orienter vers d’autres services en cas de besoin.

Nous espérons que ceux qui sont mariés pourront également venir avec leur épouse et donc nous pourrons à la longue, offrir un service complet à ce groupe qui est très important, si on considère le nombre de zémidjans à Lomé. Et tout cela, c’est dans la même approche d’amener les services vers les communautés.

L’UNFPA a toujours mis un accent particulier sur la santé procréative des populations marginalisées, en l’occurrence les femmes et les jeunes. A ce sujet, votre Agence a-t-elle des motifs de satisfaction ?

C’est vrai qu’il y a des défis ; j’ai parlé de l’accessibilité géographique et financière ; c’est dire qu’il y a toujours des défis, mais il y a aussi des motifs de satisfaction. Le premier motif de satisfaction, c’est l’engagement continu du gouvernement togolais et ceci s’est manifesté par la subvention de la césarienne, dans les campagnes. Cela fait deux ans (2012) que nous avons démarré la campagne de réparation des fistuleuses et aujourd’hui, je peux dire qu’environ 200 fistuleuses ont été réparées. Je dirai également que plusieurs membres du personnel de santé ont bénéficié des programmes de formation et utilisent les nouvelles compétences acquises dans leurs prestations quotidiennes.

Un autre motif de satisfaction, c’est que la santé de la reproduction se trouve en très bonne place dans la Politique Nationale de Santé (PNS) et surtout dans la Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l’Emploi (SCAPE) (…)

Un autre motif de satisfaction à mon avis, c’est l’engagement de la communauté internationale sur la question de la santé de la reproduction au Togo. Ceci se témoigne à plusieurs niveaux ; à titre d’exemple, nous sommes en train de mettre en œuvre une initiative sur la réduction de la mortalité maternelle financée par la France, dans le cadre de l’initiative « MUSKOKA » qui est exécutée par quatre Agences du Système des Nations Unies : UNFPA, OMS, UNICEF et ONU FEMMES sur une période de 5 ans. Je considère cela comme un investissement assez important.

Par ailleurs, nous notons l’augmentation du budget de l’UNFPA au Togo et ceci, je suis sûre que c’est en guise d’appréciation du travail qui est réalisé. Même si beaucoup reste à faire, nous sommes très optimistes ; nous pensons que nous sommes sur la bonne voie pour que le droit et l’accès à la santé de la reproduction soient garantis à tous les Togolais.

Je voudrais inviter toute la population togolaise à comprendre que la qualité compte plus que la quantité et qu’une population en bonne santé est la clé du développement. Il faut que les ressources de nos pays soient en mesure de produire et d’entretenir une population de qualité et par conséquent, la planification familiale et la réduction de la mortalité maternelle doivent être des préoccupations de tout un chacun et à tous les niveaux.