Algérie/Législatives locales : Un scrutin "capital" pour le pouvoir,mais "sans enjeux" pour les jeunes

Afriquinfos Editeur
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A quelques jours de la date annoncée, les salles accueillant les réunions de campagne des partis politiques en lice n'ont généralement pas attiré beaucoup de monde, même s'il s'agit de certaines parties influentes. En contraste avec l'effervescence des partis politiques, l'apathie de l'opinion publique, surtout parmi la jeune génération, semble toujours prévaloir sur la scène politique de ce pays nord-africain.

ENJEU CAPITAL POUR LE POUVOIR

Les élections locales sont considérées par le gouvernement comme étant un scrutin "captial" qui vise à consolider les réformes profondes et radicales engagées par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dans la foulée du "Printemps arabe".

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"Ces réformes visent évidemment l'approfondissement de la démocratie, le libre exercice du droit du citoyen à choisir ceux qui le représentent et gèrent ses affaires", a indiqué mardi dernier un ministre sur les ondes de la radio nationale.

"L'APC (Assemblée populaire communale) étant la cellule de base de l'Etat, c'est en son sein que sont prises les décisions concernant la vie du citoyen sous tous ses aspects", a-t-il souligné.

Qualifiant de "capital" l'enjeu de ce scrutin dans la vie des citoyens, le ministre a indiqué qu'"ils (les citoyens) voteront à un seuil que nous estimons entre 40 et 45%, niveau que nous avons atteint au cours des dernières élections législatives (pour l'Assemblée populaire nationale, 10 mai 2012) (…) Le taux de participation est lié à l'enjeu du scrutin".

Sur le plan technique et logistique, l'administration a pris toutes les mesures nécessaires en mobilisant 4.313 structures pour les besoins de la campagne électorale, ainsi que 48.000 bureaux de vote qui devraient accueillir les 20.673.818 personnes inscrites sur les listes électorales dans le prochain scrutin.

Un total de 52 partis politiques ainsi que des listes indépendantes sont dans la course pour arracher le maximum de sièges dans les 1.541 Assemblées populaires communales (APC) et les 48 Assemblées populaires de wilayas (APW) que compte le pays.

APATHIE ENVERS LE SCRUTIN

De telles attentes du gouvernement ne font pourtant pas l'unanimité au sein de l'opinion publique nationale, notamment chez la frange des jeunes.

"Je n'ai personnellement jamais voté et je ne vais pas changer d'avis cette fois-ci (…) Les élections, qu'elles soient locales ou autres, ne représentent plus aucun enjeu pour moi", a fait savoir à Xinhua, Yacine S., un jeune diplômé de l'université d'Alger.

Interrogé sur les raisons qui l'ont poussé à porter un tel jugement, notre interlocuteur a répondu que "pour les responsables politiques qui se sont succédés à tous les niveaux, personne n'a tenu ses promesses. Ils demandent aux citoyens de voter pour eux afin de résoudre les problèmes liés au chômage et au logement. Une fois leur objectif atteint, ils ne pensent qu'à leurs intérêts".

Par rapport aux jeunes, les opinions de l'ancienne génération s'avèrent plus adoucies.

Pour Ammi Abderrahmane, un retraité de 75 ans, l'acte de mettre le bulletin dans l'urne est un gage de stabilité et de paix pour le pays.

"Même si je n'attends pas beaucoup de choses de ces élections, j'irai voter quand même (…) Si moi je ne vote pas, l'autre ne vote pas, la situation sera profitable à des parties qui souhaiteraient voir le pays sombrer dans une instabilité comme c'est le cas dans certains pays arabes et africains", a-t-il relevé.

RUPTURE ENTRE CITOYEN ET POLITIQUE

"Les élections du 29 novembre sont sans enjeux et aller voter n'est qu'une simple formalité", a martelé le politologue et économiste algérien, Abdelhamid Mezaache, dans une interview à Xinhua.

Interrogé sur le désintéressement de la population quand à cette échéance électorale, l'expert a attribué ce phénomène à une certaine rupture entre le citoyen d'une part, l'administration et la classe politique d'autre part.

Il a déploré le fait que les promesses électorales n'étaient en tout cas jamais respectées. "Les promesses n'engagent que ceux qui y croient", a-t-il ironisé.

En outre, face à la faiblesse des rentes communales en matière de fiscalité locale, les APC ne peuvent que dépendre de la fiscalité pétrolière, qui est gérée par les autorités centrales, a indiqué M. Mezaache.

"Les candidats et les élus eux-mêmes se plaignent du fait qu'ils n'ont pas assez de prérogatives, et encore moins de moyens financiers pour agir en faveur de l'amélioration du quotidien des citoyens, alors comment voulez-vous que les citoyens s'y prêteront au jeu", s'est-il interrogé.