Déchets nucléaires laissés par la France dans le désert algérien dans les années 60: Vers une avancée notable dans la résolution du différend?

Afriquinfos Editeur
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Alger (© 2023 Afriquinfos)- Dire que la procédure d’indemnisation de la loi Morin pour les victimes des essais nucléaires français en Algérie va lentement, est un doux euphémisme. Déjà très peu connu en Algérie, il a fallu attendre 14 ans pour que le document stipulant que les personnes atteintes de maladies causées par la radioactivité soient indemnisées, soit traduit en arabe. De quoi faire avancer le dossier sur le rapatriement et le traitement de ces déchets nucléaires toujours enfouis dans le sol algérien ? On n’en est pas encore là.

Les victimes des essais nucléaires effectués entre 1960 et 1966 par la France dans le sud du Sahara,  du moins, celles qui sont au courant, peuvent se réjouir de cette avancée dans la procédure d’indemnisation. La loi Morin qui depuis 2010, prévoit que puissent être indemnisées les personnes atteintes de maladies causées par les rayonnements, a été enfin traduite en arabe, 14 ans après.

Il faut dire que côté français on n’a pas fait beaucoup d’efforts pour divulguer ladite loi déjà dans sa version française. De sorte que depuis 2010, alors qu’elles sont des milliers à avoir été exposées aux rayonnements de ces essais, seulement 66 dossiers de résidents algériens ont été déposés au Comité français d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN). « Toutes les informations n’ont pas été rendues publiques sur les résidus des déchets nucléaires. Ce n’est pas un problème technique, mais un problème de volonté politique », avait expliqué en son temps, Patrice Bouveret, le directeur de l’Observatoire des armements en France.

La méconnaissance du texte, qu’il soit en français ou en arabe, n’est pas le seul souci des victimes. C’est leur capacité à fournir des preuves attestant le lien entre leurs maladies et les essais : ‘’Il faut prouver que vous étiez à un endroit extrêmement précis pendant une période précise où il y a eu ces essais nucléaires, souligne-t-il. Et ça, ce ne sont pas forcément des choses, des documents, dont les gens peuvent disposer. Les populations du Sud algérien sont souvent nomades. Les victimes ou les ayant-droits peuvent aussi avoir des problèmes pour faire reconnaître les maladies.’’ a expliqué Jean-Marie Collin, directeur de campagne chez Ican-France, une association qui milite pour l’abolition des armes nucléaires. Pour preuve, jusqu’à ce jour, seule une seule personne a été reconnue comme étant victime des essais français menés dans les années 1960 dans le sud du Sahara.

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L’autre paire de manche dans ce dossier, ce sont les discussions entre Alger et Paris sur le sort des déchets radioactifs laissés dans le Sahara algérien depuis plus de 50 ans. Non seulement les sites où les essais ont été effectués n’ont pas été totalement décontaminés, mais les effets des radiations demeurent toujours dévastateurs et tragiques, sachant que les déchets métalliques hautement radioactifs, comme les bidons, les fûts et autres objets laissés par la France ont été utilisés par les populations, notamment les nomades, ce qui constitue un réel danger pour ces habitants. Aujourd’hui, les populations des régions touchées par ces essais nucléaires en subissent les séquelles dans la mesure où des cas de cancer ou de malformation sont diagnostiqués chaque année, particulièrement chez les nouveau-nés.

Dans une tribune co-écrite par M. Bouveret et Jean-Marie Collin dans le journal le Monde, les deux experts recommandent le rapatriement et le traitement en France des déchets nucléaires issus des essais effectués par l’ancienne puissance coloniale. La multitude de commissions mixtes mises en place ces dernières années pour tabler sur ces questions, n’ont pour l’heure pas permis d’avancer dans le sens de la réhabilitation de ces sites dont les emplacements exacts d’enfouissements des déchets, ne sont connus que par la partie française.

Boniface T.