Sénégal-présidentielle : L’électorat traditionnel du parti au pouvoir très émietté, d’après un analyste politique (INTERVIEW)

Afriquinfos Editeur
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Pour cet enseignant assistant de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université d'Etat de la capitale sénégalaise, le climat politique caractérisé par ailleurs par la radicalisation du pouvoir et de l'opposition autour de la candidature du président sortant ne présage pas d'un scrutin sans contestation.

Q : Y a-t-il, pour la présidentielle de dimanche, plus d’engouement cette année qu'en 2007 et 2000?

R : C'est une élection particulière aussi bien au niveau national qu'au niveau local, dans la mesure où la contestation qui entoure la candidature du président sortant a beaucoup agité le landerneau politique. Ce qui fait que la campagne électorale n'est pas organisée de la même manière que les précédentes élections. En 2007 par exemple, au niveau local, c'est à peu près la même situation, il y a une campagne qui se déroule normalement, seulement les états-majors au niveau national n'ont pas donné beaucoup de consignes. Ce qui fait qu'il y a une certaine distanciation entre ce que font les responsables locaux et ce qui se passe au niveau national. Parce que la plupart des candidats sont regroupés au sein du cadre unitaire M-23 qui se regroupe depuis un certains temps au niveau de Dakar pour rejoindre la Place de l'Indépendance.

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Q : Partagez-vous l'analyse selon laquelle c'est un scrutin à hauts risques?

R : Le Sénégal a toujours été considéré comme une démocratie apaisée. On a vu l'élection de 2000 qui a marqué l'alternance démocratique, le Sénégal était présenté comme une démocratie en bonne gestation. Maintenant, si on voit la radicalisation du camp du pouvoir et de l'opposition sur la candidature de Me Abdoulaye Wade, on peut quand même être un peu pessimiste. Parce que ce qui s'est passé cette année, je constate que ça ne présage pas un scrutin sans contestation. Un autre facteur explicatif de cette crainte, c'est au niveau de la sincérité du scrutin.

Q : Quand vous parlez de sincérité, à quoi faites-vous allusion?

R : C'est la voix autorisée de certains experts en matière de vote électronique par exemple. Ces experts ont déjà fait un état des lieux de l'élection de 2007. Ensuite au niveau du retrait des cartes d'électeur, il y a un problème, parce que si on prend le cas de Mbacké (centre-nord) par exemple où les observateurs de l'Union européenne sont allés voir l'état d'avancement du retrait des cartes, il y a une certaine rétention des cartes d'électeur. Parce que d'habitude, on distribuait la carte nationale d'identité et la carte d'électeur en même temps. La curiosité cette année, c'est qu'on a distribué d'abord les cartes nationales d'identité et après les cartes d'électeur. Moi j'ai vu des électeurs qui n'ont pas reçu leurs cartes.

Q : Le fait qu'il n'y a pas une candidature unique, ne milite-t- il pas en faveur du président Wade?

R : Cette année, la particularité du scrutin est que l'électorat traditionnel du parti au pouvoir est très émietté, dans la mesure où les grandes figures qui ont quitté ce parti, mobilisent un électorat très important. Par exemple Macky Sall, ancien ministre et ancien président de l'Assemblée. Il y a aussi Idrissa Seck qui était aussi Premier ministre. Il y a Mme Aminata Tall qui était secrétaire général de la présidence de la République et ex-maire de Diourbel. Il y a également Cheikh Tidiane Gadio qui était ministre des Affaires étrangères.

En tant qu'analyste politique, je ne vois pas la possibilité du parti au pouvoir de passer au premier tour. C'est impossible. Il faut aussi prendre en compte la contestation sociale. Le coût de la vie qui est très cher. Les gens ne sont pas contents. Il y a une frustration sociale qui est là. Tout cela ne milite pas en faveur du parti au pouvoir. C'est dans ce contexte que le Parti socialiste, premier parti au Sénégal, a redoré son blason.