Mali : les enlèvements d’Européens ruinent les espoirs de relance du tourisme

Afriquinfos Editeur
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A cause des multiples forfaits de l'organisation terroriste, AQMI, le Mali a perdu plus de 50 milliards de FCFA (110 millions de dollars américains) de recettes touristiques en deux ans (2009 et 2010). Et les conséquences socioéconomiques et politiques de cette situation sont désastreuses pour les pays, surtout pour les populations locales concernées. C'est pourquoi les autorités avaient entrepris de réformer le secteur afin d'attirer, à nouveau, des visiteurs et leurs devises.

"Ce plan de relance est basé sur une aide aux opérateurs du secteur au Mali, une sécurisation des sites et zones touristiques du Mali et un plan de communication pour rassurer les Tours Operators", a confié à Xinhua Mohamed El Moctar, ministre malien du Tourisme et de l'Artisanat, lors d'un point de presse.

Le principal défi, c'est d'arriver à sécuriser au mieux les touristes sans que les visiteurs ne s'en aperçoivent. Cela, afin de ne pas générer de la panique. Et, à travers ce plan de relance, le gouvernement malien avait espéré avoir trouvé le moyen de récupérer les milliards de francs CFA perdus sous la hantise terroriste.

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Cette initiative a déjà commencé à porter ses fruits avec le retour progressif des Européens dans les zones touristiques prisées, notamment Mopti, Djenné, Tombouctou, le Pays Dogon …

Les Tours Operators commencent à croire à la campagne des autorités maliennes visant à faire revenir les touristes, coopérants, investisseurs, humanitaires…

"Après un tel appel du pied, notamment aux investisseurs, on ne pouvait pas imaginer que de nouveaux drames liés aux prises d'otages pouvaient encore survenir. Lancé à grand renfort de publicité il y a un an, le Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement du nord Mali apparaissait en effet comme une parade à la question du terrorisme", souligne une source diplomatique européenne qui a requis l'anonymat.

Et le 23 novembre 2011, soit deux jours avant l'enlèvement des deux Français à Hombori, le commissaire européen Andris Piebalgs était au Mali pour annoncer un soutien de 50 millions d'euros dans le cadre de la Stratégie européenne pour la Sécurité et le Développement au Sahel. Malheureusement, les récents événements ont tout remis en question et le gouvernement ne sait plus à quel saint se vouer. Ainsi, au lendemain des enlèvements de Tombouctou, il n'a eu d'autres choix que d'évacuer tous les touristes à Bamako pour "leur sécurité". Comme ce que disait un professionnel du secteur à Xinhua, "à peine commencée, la saison touristique est déjà finie. Déjà très touché par le boycott des pays comme la France, le tourisme malien s'apprête donc à vivre une longue traversée du désert". En tout cas, la France a fait descendre sa Zone rouge jusqu'à la région de Ségou. Elle a toutefois épargnée les principaux sites touristiques que sont le Pays Dogon, Mopti et Djenné. Cette situation est en tout cas un coup dur pour un secteur d'activité qui, après l'or et le coton, est une précieuse source de devises pour l'économie malienne. "Je travaille dans le tourisme depuis des années. Mais ce que j'ai vu en 2011, c'est la désolation. Il n y a personne dans les hôtels", a récemment souligné, Moussa Diallo, le directeur de l'Office malien du Tourisme et de l'Hôtellerie (OMATHO) lors d'un entretien avec la presse nationale. Avant les derniers enlèvements, certains chiffres faisaient déjà cas de près de 50% de visiteurs en moins. Sans compter que plus de 8 000 personnes vivant directement ou indirectement du tourisme ont également perdu leur emploi dans les zones touristiques. Au premier rang des victimes de cette crise figurent les guides qui vivent essentiellement de cette activité.

"La situation est alarmante", s'est inquiété Amadou Maïga, le président de l'Association des guides touristiques du Mali (AGTM). Et comme ce qu'il a précisé, les 499 guides officiellement recensés par son association ne sont pas les seuls à souffrir de la situation. Il faut aussi compter les familles qui vivent de cette manne financière et toutes les activités connexes au tourisme comme, entre autres, l'artisanat, le transport ou l'hôtellerie. "Je suis au chômage depuis février 2011. Et pourtant, le tourisme est l'unique activité que j'avais exercée jusque-là. Et en bonne saison, je pouvais gagner jusqu'à 5 millions de F CFA (près de 7.000 euros). A ce rythme, je dois penser à ma reconversion", a précisé Ibrahim Khalil, un jeune guide joint au téléphone à Tombouctou. "Le tourisme représente l'essentiel de l'activité économique et fait vivre la majorité de la population dans ces zones touristiques… Nous comprenons les décisions prises par certains pays même s'il nous apparaît tout aussi important d'attirer l'attention sur ses conséquences préjudiciables sur les populations du bassin touristique du Mali, notamment celles de Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal…J'ai la conviction que le tout sécuritaire n'était pas la solution. La combinaison intelligente du binôme sécurité-développement parce que je suis convaincu que la pauvreté reste le terreau le plus favorable au terrorisme", a défendu le président de la République du Mali, Amadou Toumani Touré, à l'occasion du vernissage de l'exposition au musée du Quai Branly consacré aux dogons en été dernier.

"Quand Al-Qaïda chasse les ONG, les partenaires au développement et chasse les touristes, les victimes ne sont pas d'abord les Occidentaux, ce sont les populations qui vivent dans ces contrées difficiles. Et quand les touristes ne viennent pas au Mali, notamment en cette saison et dans les mois qui suivent, c'est un énorme manque à gagner pour le pays et particulièrement pour les populations à la base", a souligné Tiébilé Dramé, président du Parti pour la Renaissance africaine (PARENA) qui vient d'organiser (du 8 au 10 décembre) une rencontre internationale sur l'insécurité dans la bande sahélo-saharienne.

La recrudescence des activités terroristes ne compromet pas seulement le tourisme, mais elle hypothèque également la mise en œuvre d'ambitieuses initiatives de développement du septentrion malien comme le Programme spécial pour la paix et la sécurité au Nord. Il s'agit d'un fonds de 31 milliards de francs CFA (environ 48 millions d'euros) mis en place avec l'aide des partenaires au développement et destiné à développer les infrastructures socio-économiques et à renforcer la présence de l'Etat dans le Nord du Mali. Pour faire face à ces nouvelles menaces, le gouvernement malien vient de se doter d'un plan de sécurisation des sites touristiques.

"Le Plan de sécurisation que le Mali élaborait depuis quelques mois a été validé par un comité de défense nationale présidé ce 8 décembre 2011 par le président de la République Amadou Toumani Touré", a déclaré à la presse le ministre malien du Tourisme, Mohamed El Moctar.

Pour le ministre malien de la Défense, Natié Pléah, ce plan repose en partie sur "le renforcement des capacités des Forces armées et de sécurité, l'apport des élus et des notabilités, l'implication des opérateurs touristiques, la nécessaire collaboration des forces paramilitaires avec les forces armées et de sécurité…"

Il a précisé que, avant de lever la séance, le président malien "a donné des instructions fermes pour une application correcte des mesures prises en vue d'une meilleure sécurisation des sites touristiques et axes routiers du Mali".

Ces mesures sont d'application immédiate. Et déjà le lendemain, le ministre malien de la Sécurité et de la Protection civile, le général Sadio Gassama, a visité les différents sites touristiques du pays en vue de la mise en œuvre dudit d'un plan de sécurisation des sites touristiques.