Mensurations professionnelles de la nouvelle ambassadrice du Maroc en France nommée ce 19 octobre

Afriquinfos Editeur
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Rabat (© 2023 Afriquinfos)- La journaliste et présentatrice vedette du journal télévisé et d’émissions de débats de la chaîne de télévision marocaine 2M, Samira Sitaïl, a été nommée ce jeudi 19 octobre 2023, ambassadeur du Roi auprès de la République française, à l’issue d’un Conseil des ministres.

Le choix porté sur Samira Sitaïl au poste d’ambassadrice du Maroc en France est une surprise. L’ancienne journaliste qui a effectué la majeure partie de sa carrière au sein de la deuxième chaîne de télévision publique du pays où elle a dirigé l’information pendant plus de quinze ans, n’a jamais rempli de fonctions politique ou diplomatique.

’Son CV n’a rien à voir avec celui des habituels ministres ou diplomates de haut rang qui ont occupé le poste d’ambassadeur du Maroc en France, observe le journaliste et politologue Abdellah Tourabi. C’est donc une nomination inédite, mais qui répond sans doute à une certaine logique, car le Maroc a la volonté de mieux faire entendre sa voix en France. Elle connaît les médias, elle sait leur parler et elle dispose d’un réseau, dans la presse et la Culture, qui dépasse la seule sphère politique.’’

Installée à Paris où son époux occupe le poste d’ambassadeur du Maroc auprès de l’Unesco, Samira Sitaïl a fondé il y a quelques mois sa société de conseil en communication. Peu connue dans l’Hexagone, elle y a acquis récemment une petite notoriété suite à sa prise de parole sur BFM-TV, quelques jours après le séisme survenu le 8 septembre dans la région de Marrakech qui a fait près de 3.000 morts. Elle avait alors vigoureusement protesté contre la polémique suscitée par le choix du Maroc de ne pas autoriser l’envoi d’une aide de la France!

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’C’est très grave de dire que le Maroc refuse l’aide d’un pays, c’est même un appel à la rébellion des populations marocaines’’, avait-elle déclaré, ajoutant que le royaume est un pays souverain. Un ‘’coup de gueule’’ qui avait été salué dans la presse marocaine et sur les réseaux sociaux, en pleine période glaciaire entre Paris et Rabat.

La désignation de Samira Sitaïl serait selon des observateurs, un début du dégel entre Paris et Rabat, dont les relations traversent une crise profonde depuis plus de deux ans, en partie liée au scandale Pegasus, un logiciel de surveillance israélien dont le Maroc aurait fait usage pour espionner plusieurs responsables français, dont le Président Emmanuel Macron. Sa nomination met en tout cas un terme à une très longue vacance: le royaume n’avait plus d’ambassadeur à Paris depuis janvier 2023.

Elle intervient aussi deux semaines après que Christophe Lecourtier, ambassadeur de France au Maroc, a présenté le 4 octobre ses lettres de créance à Mohammed VI, près d’un an après sa nomination. Et fait suite au déplacement à Marrakech de Bruno Le Maire, organisé du 11 au 13 octobre dans le cadre des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Assemblées au cours desquelles le ministre de l’Economie s’est entretenu avec le chef du Gouvernement marocain.

Le Maroc est représenté à Madrid par une ambassadrice. C’est aussi le cas à Londres et à Washington, et c’est la première fois qu’une femme prend la tête de son ambassade parisienne, considérée comme l’une des plus importantes de son réseau diplomatique. Mais la nouveauté réside surtout dans le parcours de Samira Sitaïl. L’ex-rédactrice en chef est née le 16 mai 1964 à Bourg-la-Reine, dans les Hauts-de-Seine, ses parents ayant rejoint la France dans les années 1950, et a fait toute sa scolarité en région parisienne.

Une nomination au beau milieu des tumultes entre Rabat et Paris

La double nationalité de la nouvelle ambassadrice pourrait toutefois être un sujet de crispation au Maroc où de nombreux dirigeants et responsables sont régulièrement critiqués parce qu’ils détiennent un passeport français, objet d’un ‘’possible conflit d’allégeance’’.

Il y a trois ans, des députés des formations conservatrices de l’Istiqlal et du PJD (Parti de la justice et du développement), et même un ancien porte-parole du Palais, avaient violemment attaqué Chakib Benmoussa, l’ambassadeur du Maroc en France jusqu’en 2021, en raison de sa prétendue binationalité, ce que l’intéressé a toujours démenti.

La mission de Mohamed Benchaâboun, le prédécesseur de Samira Sitaïl, avait pris fin le 19 janvier 2023 sans qu’un successeur ne soit désigné. Le poste est resté vacant, jusqu’à ce jeudi 19 octobre. Son départ avait coïncidé avec l’adoption, le même jour, par le Parlement européen, d’une résolution enjoignant aux autorités marocaines de « respecter la liberté d’expression« .

La classe politique marocaine et certains médias avaient accusé la France, et en particulier l’entourage du Président français Emmanuel Macron, d’être à l’origine de cette initiative à Bruxelles. Les relations entre les deux pays, pourtant traditionnellement très proches, sont davantage tendues depuis qu’Emmanuel Macron s’efforce de se rapprocher de l’Algérie, qui a rompu en 2021 ses relations diplomatiques avec Rabat, l’accusant d' »actes hostiles ».

Le Maroc reproche aussi à la France de ne pas s’aligner sur les Etats-Unis et Israël qui ont reconnu sa souveraineté sur le Sahara occidental, contrôlé à près de 80% par le royaume, mais revendiqué par les indépendantistes du Polisario, soutenus par l’Algérie.

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