78è UNGA: Le panafricanisme vanté par le Togo, le Congo, le Mali, le Faso, la Guinée sans auto-critique sur leur propre gouvernance

Afriquinfos Editeur
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New York (© 2023 Afriquinfos)- La voix du continent est portée très haut à la tribune de l’Onu, lors du débat de la 78ème Assemblée générale des Nations Unies (19-25 septembre 2023). La rencontre est l’occasion propice pour la plupart des dirigeants de se faire entendre sur les maux qui minent le continent. Notamment l’ingérence occidentale en Afrique. Un constat aphone sur les dérives ou tares dans la gouvernance contemporaine des Etats africains.

Ce 21 septembre 2023 à New York, le ministre des Affaires étrangères du Togo, Robert Dussey, s’est exprimé à la tribune des Nations Unies à l’occasion de la 78e Assemblée générale de l’ONU. Alors que la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) n’a pas renoncé à une intervention militaire au Niger, où un putsch a eu lieu le 26 juillet dernier, le chef de la diplomatie togolaise a au contraire insisté sur la volonté de son pays, lui-aussi membre de la Cédéao, de préserver la paix.

’Le Togo est un pays de paix et le Togo s’oppose à la guerre quelles que soient les raisons, a-t-il déclaré. Depuis notre indépendance le 27 avril 1960, jamais le Togo n’a fait la guerre à ses voisins, jamais le Togo n’a agressé ses voisins ou un quelconque pays, jamais le Togo n’a servi de base arrière pour une quelconque agression contre un pays frère’’. Robert Dussey a insisté : ‘’Le Togo est un pays de paix, la paix est dans l’ADN du peuple togolais. Le Togo a toujours été un pays de médiation, qui favorise le dialogue, la négociation et l’entente entre les peuples et les gouvernements’’.

Même son de cloche au Mali

Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali, Abdoulaye Diop, a pris la parole samedi 23 septembre 2023 devant la tribune des Nations Unies pour livrer le message du colonel Assimi Goïta, chef de l’Etat et président de la Transition au Mali, à l’occasion de cette 78e AG de l’ONU.

Sur la situation du Niger, le représentant du colonel Assimi Goïta n’a pas manqué de réitérer le soutien indéfectible de son pays au pouvoir en place à Niamey. À l’en croire, les actions et mesures coercitives prises par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union monétaire ouest-africaine contre le Niger sont à revoir pour une paix durable dans le sahel.

Le président de transition de la Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya qui vivait ainsi son baptême du feu à la tribune de l’ONU, s’est fait le porte-parole du continent avec un discours plus tourné vers l’Afrique en général que vers son propre pays.

Le chef de l’État guinéen, plusieurs fois applaudi, a dénoncé un modèle de gouvernance selon lui ‘’ imposé’’ par l’Occident. Un modèle occidental qu’il estime être un échec sur le continent. ‘’L’Afrique souffre d’un modèle de gouvernance qui nous a été imposé, un modèle certes bon et efficace pour l’Occident, qui l’a conçu au fil de son histoire, mais qui a du mal à passer et à s’adapter à notre réalité’’, a-t-il déclaré devant l’Assemblée générale. ‘’Hélas, j’aimerais dire que la greffe n’a pas pris.’’.

Doumbouya a dénoncé les ‘’catégorisations’’ dans lesquelles les autres nations veulent cantonner les États africains. ‘’Nous ne sommes ni pro, ni anti-Américains, ni pro, ni anti-Chinois, ni pro, ni anti-Français, ni pro, ni anti-Russes. Nous ne sommes tout simplement pro-Africains, c’est tout. Nous mettre sous la coupe de telle ou telle puissance est une insulte à une population de plus d’un milliard d’Africains, a-t-il martelé, dont environ 70% des jeunes totalement décomplexés. Des jeunes ouverts sur le monde et décidés à prendre en main leur destin.’’

Mamadi Doumbouya, porte-parole du continent

Mamadi Doumbouya a ensuite invité la communauté internationale à ‘’regarder l’Afrique avec les yeux neufs’’ et à entreprendre avec le continent ‘’une coopération franche dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant’’.

’Mon uniforme, je l’ai mis au service de mon peuple. Je vous serai reconnaissant de respecter ces serments. Le Sahel traverse l’une des histoires les plus graves de sa très vieille histoire, mais elle a les ressorts nécessaires pour y faire face. C’est pour cela que la Cédéao, dont la vocation était économique, doit cesser de se mêler de la politique et privilégier le dialogue.’’

Il a invoqué à la fois la maturité et la jeunesse d’Afrique pour appeler à rompre avec l’ancien ordre mondial tout en défendant le non-alignement. ‘’L’Afrique de papa, la vieille Afrique, c’est terminé’’, a-t-il dit. ‘’C’est le moment de prendre en compte nos droits, de nous donner notre place. Mais aussi et surtout le moment d’arrêter de nous faire la leçon, de nous prendre de haut, d’arrêter de nous traiter comme des enfants’’, a-t-il dit.

Denis Sassou-N’Guesso s’insurge contre l’aumône organisée en Afrique

Le président congolais Denis Sassou-N’Guesso a axé son speech sur les soi-disant aides octroyées au continent.   »L’Afrique n’a nullement besoin de ces partenariats sous-tendus par des ‘’aides publiques au développement politiquement orientées et synonymes d’aumône organisée. Les subventions au compte-goutte, distillées au rythme des intérêts propres des donateurs, ne permettront certainement pas l’essor réel et effectif de notre continent’’, a-t-il affirmé.

Son autre sujet de prédilection était l’agriculture.  Selon le dirigeant, ‘’en Afrique, dans le registre du développement agricole, nous savons qu’il nous faut protéger les terres arables des incidences néfastes du changement climatique. Sans cette précaution, les prévisions en matière de production deviendraient totalement aléatoires et plus rien ne saurait être maîtrisé’’.

’La responsabilité des dirigeants que nous sommes est écrasante à ce sujet. En effet, avec une population qui pourrait avoisiner les 2 milliards d’habitants en 2050, l’Afrique doit dès à présent opérer un bond qualitatif pour disposer demain d’une nourriture suffisante et de qualité et conjurer à tout jamais le spectre de la famine et de l’exode de ses populations’’, dixit M. Nguesso.

’L’Afrique a urgemment besoin d’une agriculture moderne, soutenue notamment par des dispositifs performants d’irrigation et de mécanisation, une agriculture qui doit lui permettre de réduire de manière significative ses importations alimentaires, aujourd’hui encore trop élevées’ ’, a-t-il lancé.

Aussi, a-t-il réitéré et maintenu l’exigence africaine, légitime à tous égards, de voir deux États  africains siéger au Conseil de sécurité des Nations Unies en tant que membres permanents, avec droit de veto.

L’’l’hypocrisie des Occidentaux’’ dénoncée par le Burkina

Ce samedi 23 septembre, le Burkina Faso a pris la parole par la voix de son ministre de la Fonction publique, Bassolma Bazié à la tribune de l’Onu. L’envoyé du capitaine Ibrahim Traoré a tenu un discours de 40 minutes.

Le ministre du gouvernement de transition a dénoncé ‘’l’hypocrisie’’ des puissances occidentales, en particulier la France, en faisant un parallèle avec l’Ukraine, soutenue dans sa guerre contre la Russie, alors que le Burkina Faso, qui fait face aux groupes armés et terroristes, attend toujours de l’armement qu’il estime ‘’bloqué’’ volontairement par ses partenaires internationaux.

‘’En plus des coupures d’aides, d’annulation de conventions de formation de nos forces de défense et de sécurité, nous assistons au blocage de notre matériel militaire commandé avec la sueur de nos compatriotes, toujours sous l’impulsion de la France’’, a lancé Bassolma Bazié à la tribune.

Aucun de ces pays n’a pris le pouls des tares de la gouvernance sur son propre territoire via ces messages teintés de critiques au vitriol envers l’Occident.

Vignikpo Akpéné