La Centrafrique recadre sa coopération avec la Russie autour de ses douanes

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Une vue de la capitale de la Centrafrique, Bangui, le 29 septembre 2015 (photo, AFP).

Bangui (© 2021 Afriquinfos) Bangui sonne la fin des «experts russes» déployés aux différents postes de douanes du pays. Les autorités centrafricaines via un courrier adressé à la Mission économique russe, souhaitent réévaluer cette forme de coopération avec Moscou. La présence russe dans le pays à travers les compagnies privées de sécurité et les accords économiques y afférents notamment dans les mines et les douanes font l’objet de vives polémiques ces derniers mois.

De toute évidence, les interrogations émises par la Banque Mondiale et le FMI dans une correspondance adressée au ministre centrafricain des Finances et du Budget Henri-Marie Dondra ont fait leurs effets. Les deux institutions de Bretton Woods souhaitaient s’enquérir des contours de l’Accord signé entre Bangui et la Mission Economique Russe. Cet accord autorisait le déploiement d’anciens douaniers russes aux postes des douanes centrafricaines pour la collecte des recettes. Une situation qui au-delà des dénonciations de la communauté internationale, agaçait les douaniers et commerçants locaux qui se plaignaient du diktat de certains de ces agents russes.

Bangui entend donc revoir les termes de l’accord. Dans un courrier en date du 6 octobre dernier, les autorités centrafricaines, même si elles se disent satisfaites du partenariat avec la Mission Economique Russe, ont décidé de le réévaluer. «J’ai l’honneur de vous signifier la fin de la mission d’assistance technique auprès des différents postes de la douane centrafricaine», a écrit Hervé Ndoba, ministre centrafricain. Bangui visait via cet accord l’amélioration du fonctionnement de ses douanes. Ce recadrage de cet accord ne signifie pas la fin de la coopération entre les 2 pays, et même dans le secteur douanier, a tenu à souligner cet Etat d’Afrique centrale.

Cette entente russo-centrafricaine sur la gestion des Douanes fait l’objet de vifs débats. En juillet dernier, la Minusca alertait sur les violations persistantes de l’accord relatif au statut de sa Mission. Parmi ces violations, la Mission onusienne a pointé du doigt les blocages systématiques de ses convois. La vidéo d’un camion de la Mission onusienne fouillé par les experts russes avait notamment fait polémique. Dans un rapport du Secrétaire Général (SG) au Conseil de Sécurité de l’ONU daté du 16 juin 2021, Antonio Guterres dénonçait déjà des «actes hostiles» à la MINUSCA. Des agissements qui ont fait suite à des mois d’une propagande anti-MINUSCA agrémentés de manifestations hostiles sponsorisées.

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Des faits, des dénonciations de l’ONU

Le Secrétaire Général  de l’ONU s’inquiétait également et se disait  «profondément préoccupé par le recours excessif à la force» et «particulièrement inquiet de l’augmentation notable des violations des droits humains et des atteintes à ceux-ci», et avait exhorté «le Gouvernement de veiller à ce que toutes les forces en présence et l’ensemble du personnel chargé de la sécurité en République centrafricaine respectent les dispositions applicables du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’Homme et à ce que justice soit faite».

Parlant de forces en présence, il s’agissait notamment des sociétés privées de sécurité telles que Wagner et Sewa Security Services. Ces exactions seront corroborées par des rapports de la Division des droits de l’Homme de la MINUSCA ainsi que du Groupe de travail des Nations Unies sur l’utilisation de mercenaires (GTNU) qui ont déclaré que les mercenaires russes étaient «accusés d’avoir fait un usage excessif de la force et d’avoir bombardé des sites protégés tels qu’une mosquée et des camps de personnes déplacées».

Un plus récent rapport paru en septembre dernier se fait plus précis et a révélé que «526 cas de violations et d’abus des droits de l’Homme et du droit international humanitaire à travers le pays» ont été enregistrés ces derniers mois.  Ces exactions ont «fait au moins 1.221 victimes» dont 144 civils, selon la mission onusienne. Parmi ces violations, l’ONU a recensé «des exécutions sommaires et extrajudiciaires, des actes de torture et de mauvais traitements, des arrestations et détentions arbitraires (…) des violences sexuelles liées au conflit et des violations graves aux droits de l’enfant».

A en croire le document, les «instructeurs militaires russes» et leurs alliés des FACA sont «responsables de 46% des incidents confirmés». D’après des «preuves crédibles», ces derniers «ont participé activement à des opérations militaires», notamment à travers des «arrestations», des «actes de torture» ainsi que des «exécutions extrajudiciaires». Ces mêmes faits ont été dénoncés dans de précédents rapports. Malgré ces dénonciations, les experts économiques et autres instructeurs russes n’étaient jusque-là guère inquiétés. Jusqu’à cette correspondance du Ministre centrafricain mettant un terme à la coopération sur la gestion des douanes. Le vent est peut-être en train de tourner.

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