Université d’Edimbourg: la palpitante histoire de Debora Kayembe, 1ere Rectrice d’origine africaine 

Afriquinfos Editeur
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Edimbourg (© 2021 Afriquinfos)- La prestigieuse université d’Edimbourg en Ecosse aura à sa tête à compter du 1er mars prochain, en qualité de Rectrice, une native de Kinshasa. Debora Kayembe, une avocate spécialiste des Droits de l’Homme dont la nomination a été entérinée début février, sera la première femme d’origine africaine à occuper ledit poste.

Comme à chaque fois qu’une personnalité d’origine africaine est nommée à un poste de responsabilité hors du continent, son visage barre la ‘Une’ de nombreux médias à travers le monde. C’est le cas depuis quelques jours de Debora Kayembe. Née à Kinshasa en République Démocratique du Congo (RDC) et installée en Ecosse, il y a seulement 10 ans. Elle devient à 45 ans la toute première femme d’origine africaine à être nommée Rectrice de l’Université d’Edimbourg, l’une des plus réputées du Royaume-Uni. Une institution créée au XVIème et qui depuis 1858 n’avait vu que deux autres femmes occuper le prestigieux poste.

Comme souvent dans ce genre de cas, l’histoire qui va avec est aussi exceptionnelle. Debora Kayembe Buba a en effet vu le jour dans la capitale congolaise, il y a 45 ans. Issue d’un milieu aisé, elle est élevée par sa tante paternelle et par son oncle, médecin, au sein d’une famille très proche du pouvoir de Mobutu Sese Seko. Elle a fait des études de Droit à l’Université Libre de Kinshasa. C’est là qu’elle est confrontée à la dure réalité de ses concitoyens dont certains n’arrivent pas à se nourrir correctement. A 19 ans, Debora Kayembe découvrit les bidonvilles insalubres de la capitale congolaise et la famine qui y frappe de nombreux enfants. Sa décision est prise. Elle se spécialisera en “Droits humains” pour contribuer à la réduction des inégalités.

Arriver au sommet par le travail

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Elle devient militante des droits de l’Homme entre ses stages aux Nations unies et au barreau à Matadi, dans la province du Bas-Congo. Au bout de ce premier cursus, elle s’oriente vers le Droit international. Mais très vite, elle est remarquée pour son activisme, alors qu’une autre plaie sévit en RDC, la corruption. C’est ainsi qu’elle plonge dans les dossiers liés à la lutte contre la corruption.

Debora Kayembe va fouiner un peu trop dans les affaires d’un groupe armé et reçoit des menaces de mort. Recherchée, elle finira par fuir son pays in extremis pour le Royaume-Uni en 2005 et parvient même à contribuer à démasquer ses poursuivants. Depuis ce temps-là, l’avocate et linguiste aujourd’hui âgée de 45 ans a demandé l’asile au Royaume-Uni, fondé une famille et s’est installée en Ecosse, à Édimbourg, où la militante politique s’est davantage spécialisée dans les dossiers de droits humains.

Des études à la vie de Rectrice

Comment est-ce qu’elle devient Rectrice de l’Université d’Edimbourg ? La quadragénaire n’en revient pas elle-même. Tout part d’un bad buzz.  «C’est quelque chose que je n’avais jamais imaginé. C’est quelque chose que je n’ai jamais cherché, c’est arrivé sur un plateau», confie Debora Kayembe. En effet, plusieurs mois avant sa nomination, elle s’était retrouvée mêlée à une affaire de racisme. En juin dernier, en pleine mobilisation mondiale contre le racisme après la mort de George Floyd, l’avocate se rendait en voiture à un rendez-vous professionnel quand sa voiture a violemment quitté la route. En inspectant le véhicule, elle s’est rendue compte que des clous avaient été mis sur les quatre pneus de sa voiture. «Les fois précédentes, je pouvais dormir tranquille», explique-t-elle. «Parfois, il faut faire le dos rond et laisser passer les choses, mais ce qui m’est arrivé ce jour-là était inacceptable».

Elle a raconté ce qui s’était passé sur les réseaux sociaux. Mais plutôt que de chercher la confrontation, elle a choisi d’adopter un message de tolérance et de dialogue avec ses agresseurs. «Je leur ai dit : ‘Ecoutez, ces choses font partie du passé’», détaille-t-elle. «On a dépassé ça, si vous ne comprenez toujours pas, il va falloir que l’on dialogue. C’était ça, mon message. Rien d’autre».

C’est justement le message de dialogue et de tolérance qui a attiré l’attention de l’Université d’Édimbourg qui compte parmi ses anciens étudiants des Premiers ministres, Prix Nobel et athlètes olympiques. «Ils m’ont dit qu’en tant que Rectrice de l’Université, mon message ira loin et que le monde entier l’écoutera», rapporte-t-elle. «C’est pour ça que nous voudrions que vous preniez le poste», ont ajouté ses nouveaux employeurs, selon D. Kayembe.

En RDC, évidemment l’annonce de la nomination de Debora Kayembe fait grand bruit. «Il y a un sentiment de fierté nationale, ils attendent la cérémonie inaugurale cet été pour venir en Écosse voir ça de leurs propres yeux», raconte-t-elle. Sa priorité après son installation le 1er mars sera de s’assurer que l’Université attire «les esprits les plus brillants en Écosse» pour l’aider à se remettre de l’après-coronavirus. La pandémie a eu pour vertu d’ouvrir les possibilités d’enseignement à distance, une opportunité pour l’Afrique, selon Debora Kayembe.

Boniface T.