Zimbabwe: La sécheresse en train d’achever l’économie agricole déjà à genoux sous Mugabe

Afriquinfos
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Harare (Afriquinfos, 2017) – La sécheresse qui sévit dans une bonne partie de l’Afrique australe, n’épargne pas le Zimbabwe. En plus des récoltes qui reçoivent des coups de la température très élevée, les nappes phréatiques tarissent. La situation est difficile dans  le pays comme à Bulawayo où depuis des mois, une pénurie d’eau sévit. Face à la rareté de cette denrée importante qu’est l’eau, son commerce se développe malgré les mises en garde, les mesures prises par les autorités pour rationaliser l’eau et la peur de l’épidémie de choléra…

 

«Je n’ai pas de voiture mais je loue une camionnette à un prix raisonnable pour livrer de l’eau», raconte Bernard Phiri, vendeur d’eau. Visiblement, il tire des bénéfices de ce «juteux» commerce. «Mon bénéfice est marginal, mais au moins cela me rapporte un petit quelque chose à la fin de chaque journée», décrit-il. Car, il affirme tirer des gains sur des litres d’eau vendus. 20 litres d’eau équivalent à un dollar et Bernard Phiri peut écouler jusqu’à 1.000 litres lorsque que la demande est forte.  Les systèmes de distribution d’urgence par citernes ou autour de puits mis en place par les autorités municipales se révèlent insuffisants face à la demande.

Parallèlement à ce commerce, des systèmes de forages informels se développent. Et des messages publicitaires y vont avec des offres alléchantes et selon les capacités. «Nous creusons des puits» ou «citernes d’eau de 10.000 litres, 5.000 litres, 2.500 litres ou 500 litres», sont entre autres, des messages véhiculés par des Zimbabwéens (des chômeurs) qui y ont trouvé une aubaine en cette période de sécheresse où  l’accès  à l’eau potable devient une quête d’un point d’eau dans une zone aride. Des coupures d’eau du robinet durent plusieurs jours dans la plupart des quartiers. «Soixante-douze heures sans eau courante, ce n’est pas une plaisanterie», s’indigne Mandla Gumede, résidente d’un quartier périphérique de Magwegwe.

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«J’identifie et je contacte les personnes qui ont besoin d’eau et après, je trouve des solutions pour les livrer, soit pendant la nuit, soit en plein jour de façon très discrète», explique Mandla Dungeni, chômeur à Bulawayo (2ème ville du Zimbabwe). Il justifie son job. «Nous, les Zimbabwéens, avons connu beaucoup de souffrances. Ça nous a rendus très créatifs dès qu’il s’agit de trouver des solutions» !

Cependant, les autorités craignent que le développement de ce commerce informel ne fasse resurgir le choléra comme en 2008. L’épidémie avait fait plus de 4.000 victimes dues au système d’adduction d’eau potable défaillant. «La qualité de l’eau n’est pas garantie», s’inquiète Silas Chigora, Conseillère chargée de l’Ingénierie et de l’Environnement. «Ce qui m’inquiète, c’est la santé. Il n’est jamais sûr d’utiliser de l’eau dont on ne connaît pas la provenance, donc on en garde suffisamment pour boire», renchérit Soneni Ndiweni qui refuse de boire l’eau vendue par des commerçants occasionnels.

Toutefois, elle a pris des dispositions. Dans sa maison, Soneni Ndiweni a un entrepôt d’eau potable comme certains de ses compatriotes. «Et si on est un jour obligé d’en acheter (l’eau impropre à la consommation, Ndrl), on ne l’utilisera que pour le linge et la toilette», se résout-elle. «Seule la grâce de Dieu nous a épargnés des épidémies», s’inquiète Mandla Gumede, visiblement consciente du risque encourus. Mais ce danger auquel est exposé le reste de la population ne semble pas ébranler les commerçants d’eau. «On ne fait que satisfaire une demande (…) Les gens apprécient qu’on leur rende ce service», affirme Bernard Phiri qui se délecte de la situation qui ne va pas s’arrêter de si tôt. Selon les observateurs onusiens, le pire est encore devant.

 Une crise alimentaire déjà annoncée

En février 2016, Robert Mugabe, le président zimbabwéen avait déclaré une catastrophe naturelle dans plusieurs régions du pays où un quart de la population fait face à des pénuries de nourriture dues à la sécheresse. «2,44 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, soit 26 % de la population», selon  les autorités. Dans un communiqué rendu public à l’époque par Saviour Kasukuwere, ministre des Gouvernements locaux et des Travaux publics, le chiffre est en hausse par rapport aux 1,5 million de personnes touchées au début de la sécheresse.

Il avait précisé que les zones rurales sont les plus affectées. Plus grave, la majeure partie du territoire a reçu un niveau de précipitations de «75% inférieur à la normale». Dans la foulée,  le Gouvernement avait rassuré qu’il allait prendre des mesures pour réduire les conséquences de la sécheresse, afin de limiter son impact sur la population et principalement sur l’agriculture. Mais cette année encore, la sécheresse a déjoué tous les pronostics sur sa durée. Et cela fait trois (03) ans que l’anomalie climatique «El Nino» fait des ravages au Zimbabwe. Les effets dévastateurs sont indescriptibles. Réservoirs d’eau à  moitié vides, plus de 16.000 vaches  mortes,  75% des récoltes ravagées, paysans privés de leur alimentation de base, sont entre autres  les conséquences déplorables que signalait déjà l’année dernière Saviour Kasukuwere.

Le Gouvernement sous le feu des critiques

Les opposants au régime d’Harare, imputent cette situation à Robert Mugabe (qui refuse de quitter le pouvoir malgré le poids de l’âge), à cause notamment par rapport de sa fameuse réforme agraire de 2008. Il avait pris une mesure populiste (mal réfléchie) en redistribuant les terres agricoles. Les fermiers blancs ont été dépossédés de riches terres au profit  des Noirs qui peinent à mettre en valeur les parcelles fertiles. Depuis, le pays traverse une période fragile marquée par la faible croissance, le chômage, l’inflation etc.

Mais les autorités  zimbabwéennes se défendent. Elles pointent plutôt un doigt accusateur vers les Occidentaux. Selon elles, les sanctions qui leur sont imposées ont des incidences sur les rendements agricoles. Au pouvoir depuis 1980, Robert Mugabe n’est pas prêt à rendre le tablier. Au contraire, il a manifesté son envie de se maintenir au pouvoir (à vie), en se déclarant candidat à la prochaine élection présidentielle. Alors que cela fait une quinzaine d’années que le pays est plongé dans une profonde crise économique qui contraste avec le statut de grenier qu’avait ce pays.

 

Anani  GALLEY