‘Zimbabwe Gold’, nouvelle monnaie locale pour contrer durablement l’hyperinflation et relancer le pays

Afriquinfos Editeur
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Le lancement du ZiG (Zimbabwe Gold) à Harare, le 5 avril 2024.

Le Zimbabwe, plongé dans une grave crise économique depuis une vingtaine d’années, a annoncé vendredi 05 avril adopter une nouvelle monnaie baptisée « ZiG » et remplaçant l’actuel dollar zimbabwéen, pour tenter de lutter contre l’hyperinflation et stabiliser l’économie du pays.

Le Zimbabwe adopte une nouvelle monnaie pour lutter contre l’hyperinflation.

Le pays d’Afrique australe connaît l’un des taux d’inflation les plus élevés au monde, officiellement à 55% en mars 2024 après avoir atteint des taux à trois chiffres l’an dernier lors d’un dernier épisode d’hyperinflation qui avait ravivé de mauvais souvenirs. En 2008, l’inflation hors de contrôle qui anéantit l’épargne et terrasse l’économie avait atteint un pourcentage de 500 milliards: les prix augmentaient si vite que les étiquettes dans les rayons des magasins devaient être changées plusieurs fois par jour. « À compter d’aujourd’hui, les banques convertiront les soldes actuellement libellés en dollars zimbabwéens dans la nouvelle monnaie baptisée l’Or du Zimbabwe (Zimbabwe Gold), ZiG », a déclaré vendredi lors d’une conférence de presse le Gouverneur de la Banque centrale, John Mushayavanhu.

Cette mesure vise à favoriser « la simplicité, la confiance et la prévisibilité » financière du Zimbabwe, a-t-il ajouté en présentant les nouveaux billets colorés. Ornés de dessins représentant des lingots d’or et des rochers emblématiques du pays, les billets se déclinent en huit coupures allant de 1 à 200 ZiG.

Les Zimbabwéens disposent de 21 jours pour échanger l’ancienne monnaie. La Banque centrale a également annoncé une baisse drastique de son taux d’intérêt de 130% à 20%. La monnaie locale a perdu près de 100% de sa valeur par rapport au dollar américain au cours de l’année écoulée. Le dollar zimbabwéen s’échangeait vendredi à environ 30.000 pour un dollar américain, 40.000 sur le marché noir, selon l’observatoire Zim Price Check. L’économie du pays est plombée depuis une vingtaine d’années, marquée par des pénuries d’argent et de nourriture. Et les quelque 16 millions de Zimbabwéens sont en proie à une pauvreté généralisée et un chômage élevé.

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– « Besoin de plus » –

Un billet de 200 ZiG brandi par le gouverneur de la Banque de réserve du Zimbabwe à Harare, le 5 avril 2024.

Le pays avait un temps déjà abandonné le dollar zimbabwéen, au profit du dollar américain devenu alors monnaie officielle. La monnaie locale avait été relancée en 2019, mais la confiance n’est jamais vraiment revenue. Dans le pays, les prix des biens et des services sont fixés en dollar américain. La plupart des Zimbabwéens préfèrent être payés en billets verts. Ceux qui perçoivent leur salaire en monnaie locale se précipitent généralement dans les bureaux de change le jour de paie pour tenter de prendre de vitesse une prochaine dévaluation. Ces dernières années, le Gouvernement a tenté en vain de stabiliser l’économie en émettant notamment des pièces d’or, censées enrayer l’engouement pour le dollar américain, accusé d’affaiblir la monnaie locale.

Le Zimbabwe possède de vastes gisements d’or et autres métaux précieux qui ont représenté près de 25% des exportations en janvier 2024, selon les chiffres officiels. Mais les experts doutent que le pays détienne suffisamment de réserves pour soutenir la nouvelle monnaie en cas de volatilité du cours de l’or. Jeudi 04 avril, le Président Emmerson Mnangagwa a inspecté les réserves de la Banque centrale dont les coffres contiennent, selon M. Mushayavanhu, 1,1 tonne d’or. La Banque possède également près de 1,5 tonne d’or à l’étranger, ainsi que 100 millions de dollars en espèces et des minéraux précieux tels que des diamants qui, en équivalent or ajouteraient 0,4 tonne supplémentaire aux réserves, a ajouté M. Mushayavanhu.

Au total en valeur, les réserves du pays s’élèvent à 285 millions de dollars. « Il est évident que nous avons besoin de plus« , a estimé l’économiste Prosper Chitambara, expliquant que d’autres pays comme le grand voisin sud-africain disposent de réserves bien plus importantes. « Plus les réserves sont importantes, plus la confiance et la capacité à défendre sa monnaie contre les chocs sont grandes« , a-t-il expliqué, estimant que le pays doit arrêter de faire marcher la planche à billets pour juguler l’inflation. La production d’or au Zimbabwe est dominée par le secteur informel et le pays isolé sur le plan diplomatique s’efforce d’attirer les investissements étrangers.

Un billet de 100 milliards de dollars zimbabwéens à Harare, le 19 juillet 2008.

© Afriquinfos & Agence France-Presse