Zimbabwe : Le village natal de Mugabe en deuil de l’enfant du pays

Afriquinfos
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Harare (© Afriquinfos 2017)-Tandis que ce sont des cris de joie, concerts de klaxons, portraits piétinés, pour célébrer la chute de Robert Mugabe dans tout le Zimbabwe, le village l’ex-président qui est à 1heure de route d’Harare, a du mal à cacher sa peine.

« Quand j’ai appris la nouvelle » de son départ et « vu que les choses ne se présentaient pas bien, je me suis dis +bon, tout a une fin, il faut maintenant qu’il se repose+ », confie, fataliste, un des amis d’enfance du chef de l’Etat déchu, Johannes Chikanya.

« Si j’avais été à sa place, j’aurais démissionné pendant que la population m’aimait encore », poursuit ce cousin très éloigné, « maintenant, ça crée des problèmes ».

Johannes Chikanya est né en mai 1924, trois mois après Robert Mugabe, à Kutama, à moins de 100 km à l’ouest de la capitale du pays,

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Malgré son grand âge, il ne se fait pas prier pour évoquer avec tendresse leur modeste enfance commune. Avec un luxe de détails.

La couverture posée à même le sol d’une petite maison que les deux gamins partageaient parfois comme lit, les repas qu’ils mangeaient parfois dans la même assiette…

Ces temps semblent, à l’évidence, aujourd’hui révolus. A voir le goudron frais qui recouvre ses routes, Kutama a largement profité de l’ascension de l’illustre enfant du pays.

« Nous lui sommes tellement reconnaissants de tout ce qu’il a fait pour nous, de la façon dont il s’est occupé de nous jusqu’à aujourd’hui », se félicite Tobias Sowero, 40 ans, assis devant l’entrée d’un commerce, « j’espère que ça va continuer ».

Une exception dans un Zimbabwe qui sort exsangue du règne autoritaire de trente-sept ans exercé par Robert Mugabe.

Dans tout le reste du pays, les infrastructures sont dans un état de délabrement avancé, la quasi-totalité de la population active survit de petits boulots informels et l’argent manque cruellement.

Il nous a donné la terre

A Kutama, certains ont profité de la funeste réforme agraire des années 2000. Ordonnée par Robert Mugabe, l’expulsion forcée des fermiers blancs a détruit l’agriculture d’un pays jadis considéré comme le grenier à blé de l’Afrique australe et a fait plonger le reste de l’économie.

« Même si d’autres se plaignent qu’il n’y ait plus de travail, moi je suis content d’avoir récupéré des terres », assure sans complexe Theophilus Chimanga, 22 ans, « je veux me rappeler de lui (Mugabe) comme celui qui nous a donné la terre et la liberté ».

Sans surprise, Kutama n’a pas connu mardi soir les scènes de liesse populaire qui ont accueilli l’annonce de la démission du « camarade Bob » à Harare ou à Bulawayo (sud-ouest).

« Non, il n’y a pas eu de célébrations ici, on s’est contentés d’accepter tranquillement ce qu’il se passait », note un commerçant qui préfère par précaution taire son identité.

Vignikpo Akpéné