La France cherche à convaincre ses partenaires européens d’envoyer des forces spéciales au Sahel pour fournir des mentors aux armées nationales, au premier rang desquelles les forces maliennes, victimes ces derniers jours d’une double attaque qui a fait au moins 25 morts dans leurs rangs.
Pour Paris, dont l’armée est présente au Sahel depuis 2013, l’enjeu est majeur : la montée en puissance des armées malienne, nigérienne et burkinabé est un préalable, à terme, à tout début de désengagement militaire français. Au Mali, la stratégie militaire française repose sur deux volets, expliquait en juin le chef d’état-major français, le général François Lecointre : affaiblir les groupes jihadistes de manière à « les mettre à hauteur des forces armées maliennes (FAMa) qui doivent pouvoir les affronter seules ou en tout cas moins accompagnées par la force (antijihadiste française) Barkhane », tout en les faisant monter en puissance afin de soulager l’armée française « et avant d’envisager, à plus long terme, notre retrait ».
Or, malgré les efforts de formation militaire déployés à la fois par l’Union européenne (European Union Training Mission-EUTM) et Barkhane, l’armée malienne reste une cible fragile. Les attaques en début de semaine des camps maliens de Mondoro et Boulkessy, dans une zone stratégique de trafics et d’influence jihadiste aux confins du Mali, du Niger et du Burkina, sont les plus meurtrières pour l’armée malienne depuis mars, quand l’attaque d’un camp à Dioura (centre) avait fait près de trente morts. Depuis plusieurs semaines, Paris s’efforce de mobiliser ses partenaires européens pour qu’ils participent à l’accompagnement au combat de l’armée malienne.
– Énergies nouvelles
La ministre française des Armées Florence Parly a, la première, évoqué cette piste en juin, en appelant de ses vœux l’envoi de forces spéciales européennes au Sahel pour épauler les efforts des 4.500 militaires français de Barkhane, dont quelques centaines de forces spéciales (TF Sabre). « Il faut accompagner les forces armées sahéliennes après les avoir formées. Si les Européens, qui sont directement concernés, ne le font pas, qui le fera? », avait-elle lancé. De source proche du dossier, les missions de cet agrégat de forces spéciales, baptisé CJSOTF (Combined joint special operations task force), seraient comparables à celles des équipes d’instructeurs OMLT (Operational Mentoring Liaison Team) qui œuvraient en Afghanistan. « Ces hommes seraient placés sous commandement français, mais, comme dans toute coalition, avec des +caveats+ », ces limitations édictées par les différents pays à l’emploi de leurs troupes à l’étranger, précise un haut gradé sous couvert d’anonymat.
« Un des principaux effets que nous recherchons est de pouvoir compter sur des énergies nouvelles pour accompagner les forces locales », souligne-t-il. Toutefois, « il ne faut pas que cela pèse sur Barkhane qui est déjà très employé » sur une zone aussi vaste que l’Europe, prévient-il. Pour l’heure, seule l’Estonie, qui contribue déjà à hauteur de 50 hommes à l’opération Barkhane, s’est engagée fin septembre à envoyer un groupe de forces spéciales au Mali. Mais « des discussions sont en cours avec plusieurs pays », assure-t-on de source gouvernementale. Plusieurs pays européens disposent de forces spéciales au sein de leurs armées, comme la Grande-Bretagne, l’Italie, la République Tchèque et les pays scandinaves. Le défi de la mission envisagée ne se limite pas au Mali. Au Burkina Faso voisin, où se sont propagées les violences, les forces de sécurité sont pour l’heure incapables d’enrayer l’avancée des jihadistes, qui les prennent régulièrement pour cible.
Le 19 août, l’armée burkinabè a subi l’attaque la plus meurtrière de son histoire avec 24 morts à Koutougou (Nord). Selon plusieurs sources interrogées par l’AFP, le soldat burkinabé le plus gradé présent lors de l’attaque était un adjudant-chef. Les hommes avaient averti leur hiérarchie de l’imminence de l’attaque, les jihadistes s’étant regroupés la veille à un carrefour près du camp. Aucune aide n’est venue.