Le débat sur l’interdiction de l’abaya à l’école s’élargit aux politiques français

Afriquinfos Editeur
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Paris (© 2023 Afriquinfos)-  L’interdiction du port de l’abaya en France crée la polémique. La décision annoncée par le ministre de l’Éducation Gabriel Attal dans la soirée du dimanche 27 août 2023 continue par faire couler beaucoup de salive et d’encre, surtout au sein de la classe politique française.

La prohibition de porter cette robe longue portée par des élèves musulmanes est saluée par la droite mais divise à gauche.

‘’L’école, c’est un temple de la laïcité’’, a de son côté jugé Olivier Véran. ‘’On vient à l’école non pas pour faire du prosélytisme religieux, mais pour apprendre’’, a ajouté le porte-parole du gouvernement, expliquant que cette décision a été prise en prenant d’abord en compte les principaux et proviseurs qui auraient demandé un appui plus fort de la part de leur ministère. Olivier Véran a tenu à répondre à ‘’l’extrême gauche’’ qui critiquerait le gouvernement et a rappelé qu’il existait ‘’d’autres lieux où des adultes ne peuvent pas venir avec des signes religieux ostentatoires’’, en faisant référence au milieu hospitalier.

Du côté de l’opposition, la décision a été applaudie à droite, ‘’La consigne n’était pas claire, désormais elle l’est et nous nous en félicitons’’, a réagi Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’Education Nationale. ‘’Maintenant que le message est énoncé, il faut que cela se mette en œuvre dans les établissements […] il ne faut pas que les chefs d’établissement soient seuls face aux abayas’’, a-t-il ajouté.

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Au sein du Parti socialiste, la décision est accueillie plus favorablement : le député Jérôme Guedj, activement pro-Nupes, rappelle, au nom du principe de laïcité, que ‘’notre boussole, c’est l’interdiction des signes ostensibles à l’école. Dès l’instant où l’abaya ou le qamis sont portés dans une dimension ostentatoire, alors il faut les interdire comme la loi de 2004 le permet, sans difficultés majeures.’’ Pour lui, ‘’ce n’est donc pas une police du vêtement mais une police du prosélytisme à l’école’. Ce qui ne l’empêche pas de décocher une flèche à Gabriel Attal, invité à ‘’mettre la même énergie pour assurer l’essentiel : garantir un prof devant chaque classe’’.

Réputé pour ses positions parfois à contre-courant au sein de la Nupes, le patron du PCF, Fabien Roussel, a clairement salué l’interdiction. ‘’Parce que les chefs d’établissement avaient besoin de consignes claires même si ça concerne 150 établissements sur les 60 000 que nous avons dans notre pays’’, a-t-il expliqué lundi sur Sud Radio.

Eric Ciotti (LR) en tête sur X (anciennement Twitter) : ‘’Nous avions réclamé à plusieurs reprises l’interdiction des abayas dans nos écoles. Je salue la décision du ministre de l’Éducation nationale qui nous donne raison’’.

L’essayiste Amine El-Khatmi estime que ‘’cet accoutrement islamiste venu d’Arabie-Saoudite n’a rien à faire dans nos écoles. C’est très bien ainsi !’’

‘’L’obsession’’ de Gabriel Attal : ‘’Les musulmans. Plus précisément, les musulmanes’’

Donnant le ton de l’exaspération des ‘’insoumis’’ à l’annonce dimanche soir de cette interdiction, la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, avait raillé sur X (ex-Twitter) ‘’l’obsession’’ de Gabriel Attal : ‘’Les musulmans. Plus précisément, les musulmanes’’.

À gauche en revanche, Clémentine Autain (LFI) s’est indignée de ‘’la police du vêtement’’, jugeant  ‘’anticonstitutionnelle’’ l’annonce de Gabriel Attal, ‘’contraire aux principes fondateurs de la laïcité. Symptomatique du rejet obsessionnel des musulmans. À peine rentrée, la macronie tente déjà de prendre le RN par la droite’’. « Cette annonce est anti-laïque et sexiste« , affirme également  Danièle Obono (LFI-Nupes).

En juin, M. Mélenchon avait affirmé que l’abaya n’avait ‘’rien à voir avec la religion’’, et que le problème de l’école n’était pas ce vêtement mais ‘’le manque de professeurs’’. Il allait dans le sens du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui a affirmé que cette longue robe traditionnelle couvrant le corps n’était pas un signe religieux musulman.

’Tristesse de voir la rentrée scolaire politiquement polarisée par une nouvelle absurde guerre de religion entièrement artificielle à propos d’un habit féminin’’, a ainsi réagi lundi le leader ‘’insoumis’’ Jean-Luc Mélenchon, en appelant à ‘’la paix civile’’ et à ‘’la vraie laïcité qui unit au lieu d’exaspérer’’.

La députée Sandrine Rousseau estime que cette décision est une nouvelle démonstration de volonté de contrôle du corps des femmes et des jeunes filles. ‘’L’année dernière c’était l’interdiction du crop top qui était annoncée le 12 septembre 2022. Cette année, c’est l’abaya. Le contrôle social sur le corps des femmes et des jeunes filles, toujours.’’

Le député de la 8e circonscription du Nord David Guiraud remarque que ‘’le premier acte du nouveau Ministre de l’Éducation Nationale n’aura donc pas été d’ouvrir des écoles, ni de revaloriser les salaires des personnels, ni d’ouvrir des postes pour accompagner les élèves en situation de handicap, mais d’interdire un vêtement. Tirez-en vos conclusions’’.

’Jusqu’où ira la police du vêtement ?’’, s’est indignée aussi la députée LFI Clémentine Autain, jugeant cette décision ‘’anticonstitutionnelle, contraire aux principes fondateurs de la laïcité’’ et ‘’symptomatique du rejet obsessionnel des musulmans’’.

Chez les écologistes, la décision de Gabriel Attal est vue comme ‘’une polémique rance pour détourner l’attention de la politique de démantèlement de l’école publique de Macron’’, souligne Cyrielle Chatelain, cheffe du groupe à l’Assemblée, estimant que ‘’la priorité’’ n’est pas ‘’d’être dans une logique d’exclusion et de stigmatisation’’.

La députée socialiste Fatiha Keloua Hachi a de son côté ironisé sur ‘’la priorité de cette rentrée’’, remarquant qu’’ ‘’il ne manque pas d’enseignants, d’AESH [accompagnants des élèves en situation de handicap], de médecins scolaires, les classes ne sont pas surpeuplées, la mixité sociale est une réalité partout…’’

Fraîchement nommé Gabriel Attal, le nouveau ministre de l’Éducation nationale justifie sa décision  en disant agir pour protéger la laïcité qui n’est pas selon lui ‘’une contrainte mais une liberté, une liberté de forger son opinion et de s’émanciper par l’école’’.

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