Josie Fanon, épouse du célèbre Frantz, toujours méconnue du grand public

Afriquinfos Editeur
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Paris (© 2023 Afriquinfos)- Marie-Josèphe Dublé dite «Josie», femme Blanche née française, était l’épouse de l’homme Noir (né en Martinique) Frantz Fanon. Elle a été plus que sa muse ou inspiratrice. Elle aussi a combattu, a tenu à ses côtés un rôle fondamental. Elle a retranscrit les livres de Fanon, a aussi joué les « passeuses », faisant circuler les manuscrits, vers l’équipe de son éditeur, Maspero ou vers un éditeur italien. On pensait qu’elle ignorait des aspects des activités de son mari, mais elle n’en ignorait rien.

L’Algérie a été le lien du couple Fanon. Après l’indépendance algérienne, Josie jouera aussi un rôle en Afrique du Sud, soutenant activement l’ANC, également d’autres mouvements de libération africains qui avaient Alger pour base arrière.

Le couple se maria en 1953, après la sortie de Peau noire, masques blancs, qu’elle écrivit sous sa dictée. Josie Fanon se suicidera à Alger le 13 juillet 1989, peu après la fête d’indépendance. Depuis le balcon de son appartement du district d’El Biar, en voyant la police mitrailler les jeunes qui brûlaient des voitures durant la répression des émeutes de la faim par le FLN, elle dira à son amie Assia Djebar «Oh Frantz, les colonisés… Ça recommence !».

Collaboratrice du journal Afrique Action (actuel Jeune Afrique), Josie Fanon milita aux côtés de son époux pour l’indépendance de l’Algérie. Elle repose au cimetière d’El Kattar à Alger. Dans un article paru en 2011 dans El Watan, l’écrivain Djillali Khellas raconte la tragique agression qui précéda la mort de Josie Fanon. A la lecture de ce récit poignant, le Dr Mourad Preure écrira « Ainsi donc s’est terminée la belle histoire d’amour entre Frantz Fanon et l’Algérie, sa patrie d’adoption : sa veuve piétinée, couverte de crachats dans une rue d’Alger, en plein jour, puis qui tout naturellement après cet outrage ultime se suicide. J. Fanon habitait un minable appartement dans une cité-dortoir qui s’appelle Aïn Naâdja !

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Josie a connu son époux en 1949, alors qu’elle avait 18 ans et lui en avait 23. Ils se sont mariés en 1953, et ont eu un enfant en 1955. Frantz Fanon est mort en 1961. Dans la vie quotidienne c’était un homme comme les autres. C’était un époux et un père très attentionné. Il a toujours fait en sorte que sa vie familiale reste un domaine privilégié et que ses activités professionnelles ou militantes n’empiètent pas sur ce domaine. Mon fils a eu une petite enfance très heureuse, ce qui est une garantie d’équilibre psychologique pour l’avenir. Je pourrai dire d’autres choses. Ce n’était pas un personnage austère. C’était quelqu’un qui aimait la vie sous toutes ses formes.

Il aimait rire, il aimait la musique, il aimait danser. Il ne faut pas oublier qu’il était d’origine antillaise. Il avait le culte de l’amitié et des Algériens comme Omar et Boualem Oussedik, le commandant Azzedine et beaucoup d’autres pourraient vous parler de l’amitié qui les unissait à mon mari. D’une façon générale, bien sûr, je ne veux pas dire que ce n’était pas quelqu’un d’exceptionnel, mais pour moi, avec le recul du temps évidemment, il représente tout simplement ce que tout homme pris au sens large, tout homme ou toute femme, pouvait être.

Un biopic sur Frantz Fanon

En Tunisie, le tournage d’un biopic sur Frantz Fanon, écrivain et psychiatre engagé contre la colonisation française en Algérie, a pris fin en mai 2023. Le film, qui est la première œuvre non documentaire sur ce militant antiraciste, se penche sur son apport à la psychiatrie dans les années 1950. Il avait dénoncé le traitement psychiatrique et les techniques de désaliénation pendant la période coloniale et avait longuement milité pour l’indépendance de l’Algérie.

Né en Martinique en 1925 et mort à 36 ans d’une leucémie foudroyante, Frantz Fanon a marqué la pensée antiraciste, les études postcoloniales mais aussi la psychiatrie. Une partie de sa vie parfois marginalisée par la postérité.

Pour le réalisateur Jean-Claude Barny, il fallait aussi montrer l’homme derrière l’œuvre et le militantisme : « On a vraiment été cherché sur des choses qui n’existaient pas : son humanité, sa pensée humaine, sa force de travail et aussi sa sociologie. C’était pour moi la base de travail pour écrire ce scénario. »

La Tunisie a servi de décor principal pour le film à la fois pour reconstituer les scènes en milieu hospitalier en Algérie, mais aussi parce que Frantz Fanon a vécu et travaillé dans le pays. Il est mort le 6 décembre 1961, un an avant l’indépendance de l’Algérie.

V.A.