Etre Noir, ce n’est pas… le Pérou !

Afriquinfos Editeur
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Beaucoup d’Afro-péruviens, qui représentent entre 3 à 7% d’une population de 30 millions d’habitants, continuent de végéter au plus bas de l’échelle sociale. Ils sont ainsi agents de sécurité, surveillants de parking, chauffeurs, personnel domestique, serveurs dans des restaurants, musiciens, sportifs ou encore, plus curieusement, porteurs de cercueils lors des enterrements de membres de la bourgeoisie locale, leur couleur de peau étant censée donner du cachet à la cérémonie mortuaire.

« Certains de nos clients demandent spécifiquement des porteurs noirs, ce qui donne du prestige à un enterrement », confirme à l’Agence France Presse le propriétaire d’une entreprise de pompes funèbres sise dans un quartier résidentiel de la capitale, Lima. Les autorités, tout comme les organismes de défense des Droits de l’homme, ont lancé, il y a deux ans, une campagne visant à amener les entreprises de pompes funèbres à contribuer à l’élimination de l’imaginaire collectif l’image stéréotypée de « porteurs de cercueil » accolée aux Noirs. Sans succès.  

Nostalgiques d’un passé révolu, certains restaurants chic assignent spécialement au service des desserts des femmes noires portant jupons et foulards de madras.

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« Ces représentations sociales qui confinent les descendants d’Africains à certains emplois serviles remontent à l’esclavage et à l’époque coloniale, explique Rocio Munoz, spécialiste des études afro-péruviennes. Bien que nous vivions aujourd’hui dans une société démocratique, les morts sont toujours portés sur les épaules d’Afro-péruviens, comme c’était le cas à la période coloniale. »

A l’instar du Brésil, de la Colombie ou ailleurs dans la région, les ancêtres des Afro-péruviens sont arrivés en Amérique du Sud comme « bois d’ébène », autrement dits esclaves ramenés contre leur gré d’Afrique à coups de trique, pour travailler dans les mines et les plantations durant la colonisation espagnole.

Ils représentent aujourd’hui une infime minorité dans un pays composé à 47% d’Amérindiens et à 37% de Mestizos (métis de Blancs et d’Indiens). Ils sont présents dans la musique (la renommée du groupe Novalima a traversé les océans) et sont légion dans les équipes de football, de basketball, tout comme dans les autres disciplines sportives.

Ils sont en revanche absents du haut de l’affiche : invisibles en politique, dans la diplomatie, dans les milieux d’affaires, dans la presse et sur le petit écran. Un peu comme en Argentine, un pays qui nie, contre l’évidence, toute présence noire dans sa population.

Plus de 34% des Afro-péruviens sont pauvres, seuls 6% d’entre eux accèdent à l’université, une proportion qui dégringole à 2% pour ceux qui terminent leurs études.

En 2009, sous la houlette du président Alan Garcia, le Pérou est devenue la première nation d’Amérique Latine à demander « pardon » aux Afro-péruviens pour des siècles « d’abus, d’exclusion et de discrimination. »

Investi en 2011, le président Ollanta Humala, a, pour sa part, promis « l’intégration sociale » pour tous. Joignant le geste à la parole, il a nommé pour la première fois une ministre noire, la chanteuse Susana Baca, à la tête du département de la… Culture. Bien évidemment !