Dossier : Fin de la période de transition malgache

Afriquinfos Editeur
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La période de transition qui a duré près de cinq ans à Madagascar vient d'être achevée avec la passation de pouvoir entre le président de la transition, Andry Rajoelina et le nouveau président élu au suffrage universel, Hery Rajaonarimampianina, ce vendredi.

Débutée à la suite de la crise malgache en décembre 2008, la période transitoire a été conduite par Andry Rajoelina, et a duré près de cinq ans, presque comme un mandat présidentiel malgache.

LE DEBUT DE LA CRISE

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« Suite à la diffusion par la chaîne de télévision VIVA d'un enregistrement contenant des propos de l'ancien chef de l'Etat Didier Ratsiraka réfugié en France dans son journal télévisé du samedi 13 décembre 2008 vers 20 heures, lesquels propos étaient susceptibles de troubler l'ordre et la sécurité publics, la chaîne de télévision VIVA est interdite de diffusion ».

Cette décision émanant du ministre des télécommunications, des postes et de la communication et président de la Commission spéciale à la Communication audiovisuelle pendant le régime de Marc Ravalomanana, a été transmise par les forces de l'ordre aux responsables de la chaîne de télévision VIVA, appartenant au maire de l'époque, Andry Rajoelina, pour la mettre à exécution.

Le propriétaire, Andry Rajoelina, peu de temps après, a lancé un ultimatum au gouvernement pour qu'il procède à l'ouverture de sa chaîne de télévision jusqu'au 13 janvier 2009. Aucune réaction du régime en place, depuis, Andry Rajoelina a réclamé la démission de Marc Ravalomanana et celle d'autres ministres de l'époque. Les manifestations qu'il a menées se sont intensifiées et ses partisans ont descendu dans les rues pour saccager les biens et brûler les bâtiments de la radio et télévision nationale, ainsi que les propriétés de Ravalomanana à Antananarivo et dans les autres provinces.

Le 3 février 2009, Rajoelina a été destitué de ses fonctions de maire de la ville d'Antananarivo par le ministre de l'Intérieur de l'époque en raison des lacunes dans la conduite de ses missions. Rajoelina s'est déclaré président de la Haute Autorité de Transition (HAT) le 7 février 2009 et a nommé Monja Roindefo comme son Premier ministre. Ses partisans ont tenté de « prendre » le Palais d'Etat d'Ambohitsorohitra pour y installer leur Premier ministre quand les gardes présidentielles de Ravalomanana ont tiré sur les manifestants faisant plus d'une dizaine de morts.

Le 17 mars de la même année, Ravalomanana cédait son pouvoir à un directoire militaire qui le transférait à Andry Rajoelina. Le transfert de pouvoir a été reconnu par la Haute Cour Constitutionnelle le lendemain alors que la communauté internationale dont l'Union européenne et les Etats-Unis l'ont considéré comme un coup d'État.

Rajoelina s'est investi comme président de la HAT le 21 mars 2009 alors que la Communauté de développement de l'Afrique Australe (SADC)  et l'Union africaine refusaient de le reconnaître.

PLUSIEURS ACCORDS SIGNES

Depuis la prise de pouvoir de Rajoelina, plusieurs rencontres ont été tenues afin de trouver une résolution à la crise malgache. Le 5 au 8 août 2009, une équipe conjointe de médiation pour Madagascar sous l'égide de l'Union africaine (UA), de la SADC, de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et de l' Organisation des Nations Unies (ONU), ont réuni les quatre protagonistes de la crise dont les trois anciens présidents Didier Ratsiraka, Zafy Albert et Marc Ravalomanana et le président de la transition, Andry Rajoelina, à Maputo, au Mozambique. Ils ont signé l'Accord politique de Maputo qui souligne entre autres, une Transition neutre, inclusive, pacifique et consensuelle en vue de l'organisation d'élections régulières et transparentes ainsi que la mise en place d'institutions démocratiques et stables dans un délai n'excédant pas quinze mois à compter de la date de la signature de l'Accord politique de Maputo.

Ainsi, ces institutions de la Transition devaient être composé es du Président et du Vice-président de la Transition, d'un Gouvernement d'union nationale composée d'un Premier Ministre de consensus, trois Vice-Premiers ministres et 28 Ministres ainsi qu’un organe législatif bicaméral.

Les quatre protagonistes de la crise malgache se sont réunis une deuxième fois à Addis Abéba du 3 au 6 Novembre 2009 et ont ré affirmé solennellement leur adhésion totale à l'Accord politique de Maputo en signant l'Acte additionnel d'Addis-Abeba.

Cet Acte désigne Andry Rajoelina comme président de la Transition et ordonne l'institution d'un Conseil présidentiel composé de deux postes de co-présidents de la Transition en la personne du Dr. Emmanuel Rakotovahiny de la mouvance Zafy, Fetison Rakoto Andrianirina de la mouvance Ravalomanana et d'un Premier Ministre, Chef du Gouvernement d'Union Nationale, Eugène Mangalaza de la mouvance Ratsiraka.

Toutefois, Rajoelina tardait à former le Gouvernement de consensus et la composition des autres Institutions de la Transition conformément aux dispositions de l'Acte Additionnel d' Addis-Abeba, ce qui a ramené les trois mouvances, à l'exception de celle de Rajoelina de partir le 7 décembre 2009 à Maputo pour une nouvelle négociation et d'y distribuer les postes ministériels.

Consterné par les agissements des trois Mouvances, Rajoelina a bloqué l'avion censé les ramener de Maputo en avançant que la formation d'un gouvernement en dehors du territoire malgache, porte atteinte à la souveraineté nationale. Il a ainsi déclaré unilatéralement l'organisation des élections législatives pour le mois de mars 2010 et a ensuite limogé Eugène Mangalaza de ses fonctions de Premier ministre.

Par ailleurs, un autre accord qui est la feuille de route pour la sortie de crise malgache, a été concocté par la SADC en janvier 2011 puis signée par onze entités politiques en septembre de la même année. Cette feuille de route prévoit la mise en place des différentes institutions de la transition dont la formation du gouvernement de consensus dirigé par un Premier ministre nommé par Andry Rajoelina sur proposition des entités signataires, l'élargissement du parlement de la transition et de la Commission électorale nationale indépendante, avant l'organisation des différentes élections d'une manière libre, juste et transparente.

Elle exige également le retour des citoyens malgaches en exil, pour des raisons politiques de rentrer au pays sans conditions y compris Marc Ravalomanana. Cette partie de la feuille de route n'a pas été appliquée pourtant jusqu'ici comme les deux autres accords signés en 2009.

LES SANCTIONS PLEUVAIENT

Après la prise de pouvoir de Rajoelina en mars 2009, Madagascar a été condamné par l'ensemble de la communauté internationale et suspendue par des organisations régionales dont l'UA en mars 2009 et l'OIF et la SADC en avril 2009, qui qualifient d'anticonstitutionnel le processus qui a conduit Andry Rajoelina au pouvoir.

Ces suspensions s'étendent dans la coopération multilatérale, à l'exception des programmes qui bénéficient directement aux populations civiles et de ceux qui peuvent concourir au rétablissement de la démocratie. Les Etats-Unis ont suspendu leur aide non humanitaire, suite au coup d'Etat en avril 2009 et ont condamné le processus par lequel Marc Ravalomanana a été contraint de démissionner de ses fonctions de président de la République de Madagascar.

En décembre 2009, Madagascar a été également exclu de l'African growth and opportunity act (AGOA),  un programme du gouvernement américain donnant des avantages commerciaux aux produits africains qui accèdent son marché, alors que la Grande Ile a exporté à hauteur de 324 millions de dollars en 2008.

En mars 2010, l'UA a sanctionné 109 personnalités de la Haute autorité de transition, dont Andry Rajoelina inclus, pour entrave au processus de sortie de crise, par des refus de visas, gel des avoirs dans les établissements bancaires extérieurs et refus d’accréditation à des réunions internationales.

L'Union européenne a également suspendu son aide au développement à Madagascar, en juin 2010, en raison de l'absence de progrès démocratiques depuis le transfert par la force du pouvoir survenu à Madagascar le 17 mars 2009.

Ainsi, pendant la transition (2009-2013), la croissance économique de Madagascar a été nulle, la pauvreté a fortement augmenté et les indicateurs sociaux se sont détériorés. Selon les données de la Banque mondiale, avant la crise, la croissance économique de Madagascar était en moyenne de 5% par an mais elle a été nulle pendant la transition. Aujourd'hui, plus de 92% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour ce qui fait de Madagascar l'un des pays les plus pauvres au monde.

Le nombre d'enfants non scolarisés a augmenté de plus de 600. 000 et la malnutrition aiguë des enfants a augmenté de plus de 50% dans certaines zones, a précisé la BM. Par ailleurs, Madagascar continue d'être mal placé dans les classements sur le climat des affaires (137e sur 183 pays dans le rapport Doing Business 2013) et la Grande Ile figure à la 151e place mondiale dans l'indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

ORGANISATIONS DES ELECTIONS POUR LA SORTIE DE CRISE

Après la mise en place des différentes institutions de la transition suivant la feuille de route pour la sortie de crise signée en 2011, entre autres, le gouvernement, le parlement de la transition, la commission électorale nationale indépendante pour la transition (CENIT), la Cour Electorale spéciale (CES), la CENIT a organisé le premier tour des présidentielles le 25 octobre dernier ainsi que le deuxième tour en jumelée avec les législatives le 20 décembre dernier sur tout le territoire national malgache en utilisant le bulletin unique pour les deux scrutins.

Se déroulant dans le calme et dans un climat d'apaisement, les deux scrutins ont été salués par l'ensemble des missions d’observation électorale des organisations régionales et internationales, présentes que ce soit financièrement ou techniquement, dans la Grande Ile.     Le 17 janvier dernier, la CES a proclamé Hery Rajaonarimampianina, soutenu par Andry Rajoelina, vainqueur de la présidentielle, par 53,49% des voix, sur son rival Jean-Louis Robinson (46,51%).

La passation de pouvoir entre le président de la transition et Hery Rajaonarimampianina de ce vendredi marque la fin de la période transitoire qui devrait permettre à Madagascar sa réintégration dans les organisations régionales et internationales dont elle est suspendue depuis la crise de 2009.

En même temps, la fin de transition devrait permettre à la Grande Ile de recouvrer entièrement le soutien des bailleurs de fonds.