Que cache la visite de John Kerry en Egypte à la veille du procès de Mohamed Morsi?

Afriquinfos Editeur
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Cette visite intervenant à la veille de l'ouverture du procès du chef d'Etat, les politiciens égyptiens et les experts se sont questionnés sur les réelles raisons se cachant derrière cette visite.

John Kerry a rencontré le président par intérim, Adly Mansour, le ministre de la Défense, Abdel Fattah el-Sisi, le ministre des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, ainsi qu'un groupe de dirigeants civils.

Au cours de sa visite, M. Kerry a confirmé que les Etats-Unis continueront de soutenir et de travailler avec le gouvernement égyptien par intérim.

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Il a parallèlement souligné que le partenariat Etats-Unis/Egypte sera renforcé quand l'Egypte sera représentée par un gouvernement civil inclusif démocratique élu, basé sur la loi, les libertés fondamentales et une économie ouverte et compétitive.

Bien que John Kerry n'eût pas rencontré les représentants du groupe des Frères Musulmans, certains experts estiment que sa visite, qui intervient à la veille du procès de M. Morsi et de dirigeants des Frères Musulmans accusés de meurtre et de violence lors des conflits sur la place présidentielle d'Ittihadiya en décembre 2012, n'est pas anodine et a un rapport avec le procès.

"La visite de M. Kerry est liée au procès de M. Morsi", a estimé Ahmed Abul-Kheir, ancien vice-ministre des Affaires étrangères.

"Je ne peux exclure la possibilité que M. Kerry soit venu dans le but de trouver une issue pour M. Morsi et son groupe", a annoncé M. Abul-Kheir à Xinhua, expliquant que les Etats-Unis sont "en faveur du groupe" depuis la destitution du président.

"Aujourd'hui, M. Kerry est venu en Egypte pour montrer combien les Etats-Unis sont prêts à payer pour sauver M. Morsi et son groupe", a-t-il ajouté.

D'après M. Abul-Kheir, le procès de M. Morsi pourrait révéler plusieurs secrets qui auraient un impact négatif sur l'image de Washington une fois rendus publics.

Plusieurs partis et mouvements politiques ont également exprimé leurs soupçons quant à la visite de M. Kerry.

Bien que le ministre égyptien des Affaires étrangères eût déclaré que cette visite n'avait rien à voir avec le procès, plusieurs partis politiques ont mis en garde contre les interférences étrangères dans le procès de l'ancien président, soulignant qu'ils n'accepteront aucun précepte venant de l'extérieur.

M. Kerry et M. Fahmy ont pourtant convenu de la nécessité de veiller à ce que les procès soient équitables et transparents.

D'après Huda Ragheb, professeur de sciences politiques à l'Université américaine du Caire, "M. Kerry n'a même pas mentionné le procès de M. Morsi et n'a pas rencontré les représentants des Frères musulmans. Les Etats-Unis souhaitent seulement rétablir les relations avec l'Egypte et trouver une solution pour y parvenir."

L'Egypte est un "partenaire vital" des Etats-Unis et le gouvernement américain s'est engagé à travailler avec le gouvernement égyptien par intérim et à soutenir le peuple égyptien, a annoncé M. Kerry lors d'une conférence de presse suite à sa rencontre avec M. Fahmy.

Les relations entre les deux pays ont pâti de la décision des Etats-Unis de suspendre l'aide annuelle de 1,3 milliard de dollars américains à son allié du Moyen-Orient. Selon M. Kerry, la suspension de l'aide n'est pas une sanction mais une obligation légale suite à la destitution du président Morsi, le 3 juillet 2013.

M. Ragheba a indiqué que même si l'aide des Etats-Unis à l'Egypte reprend, les relations entre les deux pays ne seraient plus aussi fortes qu'auparavant, comme l'Egypte souhaiterait établir des relations équilibrées avec tous les pays et n'accepterait aucune interférence dans ses affaires intérieures.

Wahid Abdel Maguid, un expert politique du Centre des études stratégiques d'Al-Ahram, a quant à lui indiqué que M. Kerry est venu dans le pays pour participer à une réunion avec le gouvernement par intérim et que cette visite est la première étape d'une tournée de neuf jours qui le mènera au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Europe.

"M. Kerry a seulement réitéré le point de vue des Etats-Unis comme quoi les relations normales et le soutien à l'Egypte dépendent de la capacité des Egyptiens à instaurer une vie politique démocratique", a indiqué M. Maguid.

"Si l'Egypte ne réussit pas la transition démocratique, elle perdra non seulement ses liens avec les Etats-Unis, mais aussi ceux avec les autres pays qui considéreront cet échec comme négatif", a-t-il ajouté.