Banane : Trois ans d’attente des 190 millions d’euros de subvention de l’UE aux pays ACP

Afriquinfos Editeur
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« Depuis trois ans, les pays ACP attendent toujours les subventions de l'Union européenne. Ça freine les nouveaux développements qui étaient prévus pour augmenter les surfaces. Les producteurs n'ont pas suffisamment de fonds propres », a rapporté le Français Paul Jeangille, expert de la filière bananière d' exportation au Cameroun contacté par Xinhua.

Les fonds européens à répartir pour la période 2010-2013 à un groupe de 10 pays ACP dont la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Ghana, les trois plus grands producteurs de banane africains, avaient été annoncés après un accord de commercialisation conclu le 15 décembre 2009 à Genève en Suisse entre la Commission européenne et les pays latino-américains.

Par cet accord, avec 176 euros actuellement appliqués, les producteurs latino-américains auxquels font partie l'Equateur, premier producteur mondial avec 5 millions de tonnes annuelles, seront soumis à un droit de douane de 114 euros par tonne dès 2017 sur le marché européen.

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Côté africain, malgré le maintien d'un tarif douanier à taux zéro pour l'ensemble des pays 10 pays ACP, cette révision de régime commercial est perçue comme le début de la perte des privilèges accordés par l'UE.

« Il s'agit néanmoins d'une baisse de notre préférence tarifaire qui induit donc un certain nombre de difficultés du fait du différentiel de compétitivité entre la banane latino-américaine et la nôtre », avait fait savoir le ministre camerounais du Commerce Luc Magloire Mbarga Atangana lors d'une concertation en juillet 2010 à Yaoundé entre la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Ghana.

Les trois grands producteurs de banane africains s'étaient mis d'accord à l'occasion pour exiger de l'Union européenne des règles de répartition équitable de l'enveloppe de 190 millions d'euros annoncée, un montant faible par rapport aux 500 millions d'euros réclamés par le groupe ACP pour l'amélioration de la productivité de son produit.

Avec une production respective de 280.000 tonnes, 270.000 t et 36.000 t par an, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Ghana représentent près des deux tiers des exportations ACP vers l'UE. Mais les trois leaders qui disent être les seuls « à pouvoir développer et soutenir une industrie bananière face à nos concurrents féroces de la zone dollar », dénoncent un déséquilibre dans la prise en compte de leurs intérêts face aux pays caribéens.

« Nous avons exporté sur la période (1999-2008, NDLR) 67% de banane ACP et nous n'avons reçu que 27% de l'enveloppe budgétaire », s'était indigné le ministre Mbarga Atangana.

Pour Paul Jeangille, la nouvelle subvention de l'UE se fait attendre à cause des divergences au sein du Conseil européen et du Parlement européen sur l'opportunité de cette aide. « Il y a des pour, il y a des contre. Chacun essaie de faire peser la balance dans son camp ».

Alors que le retard de déblocage des fonds affecte les producteurs et empêche l'augmentation prévue des surfaces de production (environ 7.000 hectares au Cameroun pour une production nationale dominée par trois agro-industries), l'année 2012 n'a cependant pas été « catastrophique pour les pays africains », note l'expert.

Conséquence du phénomène de changement climatique, « la production de l'Equateur a été plus basse que d'habitude ». De leur côté, la Colombie et le Costa Rica, les deux autres grands producteurs latino-américains ont choisi de se tourner vers le marché nord-américain où les prix se sont révélés « relativement bons », en comparaison avec les charges en direction de l'Europe.

Pour les pays africains et caribéens en revanche, une bouffée d'oxygène s'est offerte sur le marché européen, unique débouché des producteurs africains qui ont la particularité d'appartenir tous au golfe de Guinée et sont confrontés aux coûts de production élevés liés au transport et l'approvisionnement en engrais et emballages.