Les agriculteurs malgaches attendent l’impact de la lutte contre l’invasion des criquets dans leur vie

Afriquinfos Editeur
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"Notre rizière a été ravagée par les criquets au cours de cette nuit, nous attendons que la lutte menée par l'hélicoptère ait vraiment un impact sur notre culture et notre vie quotidienne", s' est plaint à Xinhua Ravaosolo, une femme de 45 ans vivant dans le village d'Amparihibe, à 35 km au nord-est de Tsiroanomandidy.

Mère de cinq enfants, Ravaosolo dit qu'elle ne savait pas quoi faire parce qu'elle avait l'intention de récolter deux tonnes de riz sur l'hectare de rizière qu'elle a, mais celle-ci a été endommagée par les criquets migrateurs seulement en une nuit.

Randrianandrasana, 71 ans, un père de famille de 9 enfants, possède, quant à lui, cinq hectares de rizière qui devraient produire environ 10 tonnes de riz. La famille a déjà récolté la moitié de leur production mais ils ont laissé le reste pour le week-end alors que les rizières ont été envahies par les criquets dans la nuit même.

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"Nous sommes conscients des inconvénients des feux de brousse, mais l'unique solution pour les agriculteurs d'ici, pour faire fuir les criquets migrateurs, c'est de continuer d'en faire. On n' a aucune alternative mais là, on nous a dit que l'équipe de lutte contre ces criquets vont repasser et nous attendons l'hélicoptère à ce qu'il fasse quelque chose", a-t-il indiqué.

De son côté, Martine, une jeune mère de 21 ans, souligne que face à ces criquets migrateurs, elle n'a d'autres options que les feux de brousse et de ramasser les criquets après l'épandage de pesticide pour les manger et pour nourrir ses porcs.

"Les fonctionnaires de notre village nous ont déjà mis en garde de ne pas manger les criquets déjà contaminés par des pesticides, mais nous avons déjà trouvé les solutions pour éliminer les poisons afin qu'ils restent consommables", a précisé Martine toute en souriant.

"Faire bouillir le criquet dans de l'eau salée, les sécher ensuite au soleil pour éliminer les pesticides, puis les faire cuire ou frire en accompagnement du riz et c'est très délicieux", a-t-elle avancé.

"La lutte contre l'invasion du criquet migrateur menée par l' Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l' agriculture (FAO) et le ministère de l'agriculture dans la région de Bongolova, est bénéfique pour les agriculteurs mais pour parfaire la lutte, le ministère doit fournir des pesticides pour ces agriculteurs, car eux seuls restent sur place quand les hélicoptères de la FAO s'en vont après l'épandage de pesticides, alors que certains criquets survivent après la dispersion", a suggéré le chef de région de Bongolava, Vorisoa Tafita, à Xinhua dans son bureau à Tsiroanomandidy.

Le chef de la région a souligné que ce n'est pas seulement les agriculteurs de la région de Bongolava qui attendent l'impact de la lutte contre invasion acridienne, mais tous les agriculteurs de Madagascar.

Tsitohaina Andriamaroahina, l'acridologue malgache qui travaille avec la FAO dans la lutte contre le criquet migrateur à Tsiroanomandidy, a déclaré que le pesticide "chlorpyriphos 240 UL" venant du Maroc utilisé dans cette lutte est parmi les plus efficaces pour tuer les criquets.

     "Tous les pesticides sont dangereux pour la santé et c'est la raison pour laquelle, nous arrêtons la diffusion quand on passe près d'une rivière, d'un village et des terres agricoles", a-t-il ajouté.

     "La surface infestée par les criquets que nous allons traiter maintenant est d'environ 800 hectares, un litre de pesticides suffit pour un hectare de surface. Environ 20% des criquets seront tués après six heures d'épandage, et 95% d'entre eux après 48 heures", a précisé Tsitohaina Andriamaroahina à Xinhua.  Ces criquets peuvent détruire jusqu'à 100.000 tonnes de riz en une nuit, a-t-il continué.

     En novembre 2012, le ministère malgache de l'Agriculture a déclaré l'état d'alerte acridienne sur toute l'étendue du territoire national de Madagascar et a proclamé l'existence de calamités publiques.

     En mars 2013, une alerte a été lancée sur la menace d'invasion des criquets sur les 2/3 de la surface de Madagascar si aucune action n'est entretenue alors qu'une invasion massive et non maîtrisée de criquets menace sérieusement la sécurité alimentaire et les moyens d'existence d'environ 13 millions d'habitants. Cela représente près de 60% de la population totale de la Grande île, dont 9 millions dépendent directement de l'agriculture pour se nourrir et vivre.

     En septembre 2013, la première phase du programme triennal de lutte contre l'invasion de criquet a débuté. Plus de 2 millions d' hectares au total seront traités dont 1,5 million pour cette première année de campagne, 500.000 hectares la deuxième année et 150.000 hectares au cours de la troisième et dernière année d' intervention".

     "Chaque jour, dans l'après-midi, nous utilisons l'hélicoptère pour la prospection aérienne afin d'obtenir une vision synoptique de la situation acridienne et localiser les populations les plus importantes du criquet migrateur. Parfois, on les trouve à 10 ou 30 km de là. Parfois, on les trouve à 60 ou 80 km au nord-ouest d' ici. Après les avoir trouvé, nous descendons sur place tôt le lendemain matin (vers 05h00), quand ils sont encore sur le terrain pour lépandage", a expliqué le chef de la base de Tsiroanomandidy, Tsifanay Augustin.

     "La FAO utilise trois hélicoptères et un avion dans cette lutte contre l'invasion acridienne à Madagascar. L'hélicoptère que nous utilisons à Tsiroanomandidy fait six heures de vol par jour. Le coût d'une heure de vol est d'environ 2.400 dollars", a mentionné Tsifanay Augustin.

     La FAO a indiqué que 28,8 millions de dollars sur un total requis de 43,9 millions dollars ont pu être réunis pour le démarrage du programme de lutte. Le retour à une situation de rémission nécessite encore l'identification d'un financement de 17, 7 millions de dollars.