Des milliers de Nigérians rapatriés « vidés » de Libye

Afriquinfos
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Lagos (© Afriquinfos 2017)-Lorsqu’il est descendu de l’avion le ramenant de Libye au Nigeria et qu’il a entendu dire que le gouvernement de l’Etat d’Edo, dont il est originaire, avait mis en place un programme de réhabilitation pour les « déportés », Bright a d’abord cru à une arnaque.

« On s’est fait avoir tant de fois depuis des mois », raconte à l’AFP ce Nigérian d’une quarantaine d’années.

Sur le tarmac de l’aéroport de Lagos, épuisés par des mois de peur, de tortures et de prières dans les centres de détention de Tripoli ou de Benghazi, près de 300 « rapatriés » nigérians ont enregistré leur nom, leur ancienne adresse et le numéro de téléphone d’un proche. Dix chiffres, appris par coeur, qu’ils portent comme seul bagage depuis le jour de leur départ.

Bright ne s’est guère ému devant la représentante du ministère des Affaires Étrangères, fraîchement arrivée d’Abuja, distribuant quelques tupperwares de riz jollof devant les caméras de télévision. Il n’a même pas vu l’immense affiche de la première Dame, Aïsha Buhari, leur souhaitant un bon retour au pays.

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Mais quand il a compris que le gouverneur de l’Etat d’Edo avait affrété des bus pour les ramener chez eux, à quelque 400 kilomètres de là, il en a eu « des frissons ».

« C’est la première fois dans l’histoire que le Nigeria fait quelque chose pour nous », poursuit ce père de trois enfants, dans un anglais parfait. « J’ai toujours eu l’impression d’être transparent dans mon pays ».

Bright est donc monté dans le bus qu’il l’emmènerait retrouver sa famille, avec 42.500 nairas (100 euros) en poche offerts par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et un sac rempli d’affaires de toilettes.

Mais même si Bright « remercie Dieu d’être revenu vivant de l’enfer », il ne se fait pas vraiment d’illusions. Il lui en faudra plus pour recommencer une nouvelle vie.

« J’ai revendu le minibus que je conduisais pour partir en Europe. Ma famille s’est endettée pour me faire sortir du centre de détention. Je n’ai plus rien. Je suis vidé ».

Après l’émotion mondiale provoquée par les vidéos de CNN sur le trafic des migrants en Libye, et le sommet Europe/Afrique où neuf chefs d’Etat se sont engagés à lutter contre l’immigration clandestine, le président nigérian Muhammadu Buhari s’est engagé à rapatrier « tous les Nigérians bloqués en Libye ».

Ils seraient plus de 5.000 encore selon les autorités. Bien plus, selon ceux qui en reviennent.

Le ballet des avions affrétés par l’OIM s’est accéléré. Deux avions, deux fois par semaine, arrivent de Tripoli. Près de 1.300 Nigérians sont rentrés au mois de novembre, contre 826 le mois précédent.

Le président Buhari s’est targué d’offrir un travail et une place dans la société à ses « enfants », mais en réalité, seul l’Etat d’Edo, dont sont originaires 80% des candidats au départ, a mis en place un véritable programme de réinsertion.

Innocente Nice