Tchad : la situation alimentaire et nutritionnelle alarmante

Afriquinfos Editeur
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"La production céréalière totale évaluée à environ 1,62 million de tonnes présente un déficit de 455.000 tonnes, soit une chute de 50% par rapport à la campagne précédente et de 23% par rapport à la moyenne des cinq dernières années", a déclaré le Premier ministre tchadien Emmanuel Nadingar, au cours de la commémoration des 100 jours de son deuxième gouvernement.

Ce déficit est très marqué en zone sahélienne où la production est réduite de plus de 56% par rapport à la production de l'année dernière.

La mauvaise répartition des pluies et le déficit hydrique global ont entraîné la réduction des surfaces emblavées de 43% en zone sahélienne et de 18% en zone soudanienne par rapport à la campagne précédente.

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Les attaques des ennemis des cultures (criquets, chenilles, oiseaux, pachydermes..) ont aussi largement contribué à la diminution des surfaces récoltables, selon le gouvernement.

Par ailleurs, la situation pastorale s'est caractérisée par une rareté d'eau d'abreuvement du bétail et des pâturages, surtout en zone sahélienne. La mauvaise qualité des pâturages et des points d' eau a anticipé la descente des transhumants vers le Sud du pays, le Sud du Guéra, du Salamat et le Lac-Tchad. Un déficit fourrager est à prévoir.

"Cette baisse relativement forte de la production céréalière est de nature à réduire complètement les disponibilités alimentaires et à accroître les difficultés d'approvisionnement des ménages démunis dont les récoltes ne permettent pas de soutenir les besoins de consommation au-delà de 3 mois", a prévenu le Dr Djimet Adoum, ministre de l'Agriculture.

Sur les marchés, la tendance est déjà à la hausse de prix des céréales. Cette hausse de prix pourra probablement s'exacerber avec l'amorce de la soudure en zone pastorale à partir de mars- avril.

"Sur le plan nutritionnel, globalement, le taux de malnutrition aigüe a diminué depuis la période post-récolte, à partir de mars 2011 et est demeuré inférieur à celui d'août 2010", a ajouté le ministre de l'Agriculture.

Cependant, le seuil d'urgence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 15% est dépassé dans six régions. La situation nutritionnelle est également sévère dans toutes les autres régions de la bande sahélienne où les taux demeurent supérieurs à 10%.

"La prise en charge reste insuffisante face aux besoins. La perspective alimentaire est alarmante dans les régions de la bande sahélienne, hormis les régions du Chari-Baguirmi, du Salamat et de Sila. Elle est mauvaise par poches en zone soudanienne, dans les régions du Mandoul, du Logone Occidental, du Logone Oriental, du Moyen-Chari et de la Tandjilé", s'est alarmé Dr Djimet Adoum.

Les régions du Borkou, de l'Ennedi et du Tibesti, frontalières avec la Libye, vivent, elles, une situation exceptionnelle.

Le conflit libyen y a provoqué un retour massif des personnes travaillant autrefois dans ce pays, et coupé les approvisionnements à des conditions nettement favorables qui provenaient auparavant de la Libye.

Ainsi, les populations des trois régions doivent désormais s' approvisionner à partir des régions proches situées plus au Sud qui sont elles-mêmes dans une situation précaire.

"Face à cette situation, le gouvernement tchadien exprime sa vive préoccupation sur le risque de crise alimentaire localisée au cours des prochains mois. Des réponses adaptées s'avèrent donc nécessaires", a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, aux diplomates, mercredi dernier.

Dans le court terme, le gouvernement tchadien envisage de procéder à la vente subventionnée de certains produits en veillant à ce qu'ils parviennent effectivement aux personnes nécessiteuses.

 

Selon le Premier ministre Emmanuel Nadingar, 37.000 tonnes de céréales sont stockées dans les locaux de l'Office National de Sécurité Alimentaire (ONASA).

A partir du mois de janvier 2012, ces céréales seront revendues à 10.000 francs CFA le sac (contre 30.000 francs actuellement).

Le gouvernement envisage également d'entreprendre des appuis divers pour les cultures de contre saison, de prendre en charge les malnutris, et de pré-positionner les aliments de bétail.

"D'autres actions suivront à moyen terme. Mais le Tchad a besoin du concours de ses amis et de tous ses partenaires pour faire face à la situation qui risque de prendre une plus grande ampleur si on ne réagit pas vite. C'est pour cette raison que je lance un appel à la communauté internationale afin qu'elle appuie les efforts que nous faisons", a déclaré le chef de la diplomatie tchadienne.

"L'élaboration d'un plan de contingence avec l'appui de tous est nécessaire dans un bref délai pour assurer la pertinence et la cohérence des actions", a-t-il ajouté.

Il a invité les organisations sous-régionales comme le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) et la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC) et leurs pays membres à mettre à profit l'esprit de solidarité en garantissant le libre commerce des produits agricoles dans leurs espaces.