Tchad/Présidentielle du 06 mai: Déby Itno veut ratisser large à Moundou, bastion de l’opposition sous-développé

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Le Président de la Transition tchadienne, Mahamat Idriss Déby Itno, a mené campagne jeudi 25 avril pour la présidentielle du 6 mai 2024, à Moundou (la capitale économique du pays et un fief de l’opposition), où les souvenirs de la répression sont toujours vivaces.

Tchad: Mahamat Idriss Déby Itno à la conquête des terres de l’opposition au sud ce 25 avril 2024.

« Je ne suis pas venu les mains vides mais avec un projet de société pour les cinq prochaines années », a lancé le général Déby, 40 ans, devant plusieurs milliers de personnes réunies dans un stade aux abords quadrillés par de nombreux pick-up équipés de lance-roquettes et d’AK-47. Vêtu d’un boubou blanc, il s’est exprimé pendant une dizaine de minutes, entouré de membres de la toute puissante garde présidentielle qu’il dirigeait avant de prendre le pouvoir.

Son allocution, un peu hésitante, était ponctuée du slogan « le 6 mai c’est K.O », pour convaincre la foule d’une victoire à la présidentielle dès le premier tour. Proclamé Président par l’Armée il y a trois ans, le général Déby est quasiment assuré de remporter la présidentielle après l’assaut meurtrier de l’Armée fin février 2024 contre l’un de ses principaux rivaux, Yaya Dillo, et l’invalidation d’autres candidatures par un Conseil constitutionnel dont il a nommé les membres. Candidat de la coalition « Tchad Uni » qui regroupe quelque 200 partis politiques, il poursuit sa tournée dans les régions du sud où il a promet à la fois le renforcement de la paix et la réconciliation nationale, la réforme de l’Etat tout comme la construction d’infrastructures de base.

Des Tchadiens rassemblés pour écouter le Président de la Transition Mahamat Idriss Déby Itno, lors d’un meeting de campagne à Moundou, le 25 avril 2024.

A Moundou, le chef-lieu de la région du Logone-Occidental, majoritairement peuplée de chrétiens et d’animistes comme dans le reste du sud tchadien, les populations s’estiment souvent marginalisées par le régime de N’Djamena majoritairement musulman. De nombreuses antennes du parti de Mahamat Déby, le MPS – le Mouvement patriotique du salut, fondé en 1990 par son père, Idriss Déby Itno, ancien Président du Tchad pendant plus de 30 ans – ont été ouvertes récemment à Moundou. La ville qui vit toujours dans la crainte de répression a cependant une longue histoire de combats politiques dans les rangs d’une opposition qui a donné de la voix.

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– « Battre en brèche » –

Des Tchadiens rassemblés pour écouter le Président de la Transition Mahamat Idriss Déby Itno, lors d’un meeting de campagne à Moundou, le 25 avril 2024.

« Moundou a vu émerger de grands leaders de l’opposition qui savent rallier le soutien des leurs » dans leurs lieux d’origine, explique Remadji Hoinathy, anthropologue et chercheur à l’Institut d’Etudes de Sécurité à N’Djamena. « Mahamat Déby cherche à battre en brèche la popularité de ses adversaires dans ces zones ». Car « malgré l’entrée de Succès Masra au Gouvernement, le sud continue à beaucoup se mobiliser pour lui ». MIDI (l’acronyme de Déby) est obligé d’aller chasser sur les terres de ses adversaires et réduire leur avance dans ces régions qui sont un grand bassin d’électeurs », note l’anthropologue.

Ex-opposant farouche, Succès Masra, 40 ans, s’est rallié en janvier 2024 à la junte et a été nommé Premier ministre par Mahamat Déby. A la tête du parti Les Transformateurs, il est candidat à la présidentielle du 06 mai 2024. L’Opposition, muselée et sévèrement réprimée depuis trois ans, accuse cependant M. Masra de l’avoir trahie et de concourir pour leur ravir des voix avec l’idée d’assurer une majorité au général et conserver son poste de Chef du Gouvernement.

– « Contestations » et « Fosses communes »-

Le Président de la Transition tchadienne, Mahamat Idriss Déby Itno, après un meeting de campagne à Moundou, le 25 avril 2024.

« Moundou a toujours été au cœur des contestations du système politique au Tchad et a subi à cause de cela la répression du pouvoir », explique Ladiba Gondeu, enseignant-chercheur à l’université de N’Djamena. « Cela a été le cas dès 1984 » sous le « mandat du Président Hissène Habré ». On y retrouvait à cette époque des fosses communes et la répression continue aujourd’hui encore avec le dernier épisode en date, le +jeudi noir+ », dit-il. Ce jour-là, le 20 octobre 2022, la ville a été le théâtre d’une répression sanglante après des manifestations contre la prolongation de la Transition initialement fixée à deux ans.

Selon la Ligue tchadienne des droits de l’Homme, 34 personnes ont alors perdu la vie. Des chiffres plus importants et alarmants selon plusieurs opposants et organisations internationales de défense des droits humains. « Désormais, cette ville est acquise à la cause de Masra, il y a été accueilli par de très nombreux jeunes supporters lors de sa visite fin 2023 », ajoute M. Gondeu. 

Le Président de la Transition tchadienne, Mahamat Idriss Déby Itno, lors d’un meeting de campagne à Moundou, le 25 avril 2024.

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