New York (© 2023 Afriquinfos)- Haïti, première République noire au monde était au cœur du discours prononcé par le Président kenyan William Ruto ce jeudi 21 septembre 2023 à la tribune de l’ONU. Le dirigeant africain a appelé de nouveau les Etats du monde à ne pas abandonner Haïti.
« Alors que nous nous mobilisons pour soutenir l’Ukraine et les pays qui ont subi l’impact dévastateur des chocs climatiques, notamment la Libye, le Maroc et Hawaï, nous ne devons pas laisser Haïti de côté« , a souligné William Ruto, exhortant les Nations Unies à faciliter le déploiement d’une force multinationale pour la sécurité en Haïti. Le dirigeant s’exprimait en marge de la 78ème Assemblée générale des Nations Unies (19-25 septembre 2023).
S’agissant d’Haïti, ‘’nous devons nous engager. Dans un esprit de solidarité, pour aider un peuple à retrouver ses bases politiques et socio-économiques en renforçant l’élément moteur fondamental qu’est la sécurité, le Kenya est prêt à jouer pleinement son rôle et à se joindre à une coalition d’autres nations de bonne volonté, et elles sont nombreuses. En tant que grand ami et véritable frère d’Haïti, nous appelons le Conseil de sécurité à apporter une contribution positive.
En approuvant une résolution sous le chapitre 7 qui adapte la mission de soutien à la sécurité aux besoins spécifiques d’Haïti et de son peuple. Cela devrait faire partie d’une stratégie globale qui inclut la fourniture d’aide humanitaire, le soutien aux moyens de subsistance, l’instauration de réformes et la promotion d’un processus politique mené et pris en charge par les Haïtiens, le tout dans le but de permettre des élections libres et équitables dans un délai raisonnable’’, a vivement plaidé le Président Ruto.
Le Kenya et Haïti ont d’ailleurs établi des relations diplomatiques, selon un accord signé mercredi 20 septembre à New York, en présence du Président kényan William Ruto et du Premier ministre haïtien Ariel Henry.
Cette décision intervient alors que Nairobi s’est portée volontaire en juillet dernier, pour envoyer 1.000 policiers en Haïti dans le cadre d’une force multinationale non onusienne, pour aider la Police haïtienne à faire face à la violence des gangs armés! Le Kenya est le seul pays à avoir répondu à l’appel du Secrétaire général des Nations Unies pour prendre la tête d’une force non onusienne dans ce pays des Caraïbes. D’autres, comme la République dominicaine (voisine d’Haïti), ont exprimé leur soutien, mais sans plus de détails.
Une force, des contours juridiques
Alors que ni le mandat ni la composition de cette mission ne sont pas encore connus, le vote du Conseil de sécurité sur cet éventuel déploiement kényan pourrait avoir lieu d’ici une semaine, d’après Brian Nichols, secrétaire d’État américain adjoint aux affaires des Amériques. Cette initiative a reçu le soutien des Etats-Unis et a valu à William Ruto des éloges de la part de son homologue américain Joe Biden, lors de la cérémonie d’ouverture de l’Assemblée générale des Nations Unies, mardi 19 septembre.
Selon la présidence kényane, William Ruto ‘’recommande une approche globale, qui prend en compte les questions de politique, de sécurité et de développement pour réellement remédier à la situation en Haïti’’.
Haïti sous le joug des gangs depuis 2021!
Depuis l’assassinat du Président Jovenel Moïse en juillet 2021, les gangs ont pris le dessus sur la Police haïtienne et des experts estiment qu’ils contrôlent désormais 80% de la capitale, Port-au-Prince.
Les meurtres, enlèvements et violences sexuelles perpétrés par des groupes criminels dans la capitale haïtienne Port-au-Prince et ses environs ont considérablement augmenté depuis le début de l’année 2023 avec une réponse étatique faible voire non-existante, s’est alarmé Human Rights Watch dans un rapport.
En Haïti, l’État est quasiment absent, l’impunité règne et près de la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire grave, selon HRW.
Dans certaines régions, les écoles sont fermées car les gangs en guerre violent et tuent des gens. La violence a déplacé près de 200.000 Haïtiens dont les maisons ont été incendiées. Le Kenya a envoyé une équipe d’évaluation en Haïti il y a quelques semaines, avec l’idée d’y déployer 1.000 de ses policiers. Les responsables kényans n’ont pas répondu aux questions concernant notamment ce que le Gouvernement se voit offrir en échange de la direction de cette Force.
Le dirigeant Ruto a également, lors de son speech, eu une pensée pour les centaines de millions de personnes assaillies par l’angoisse quant à leur sécurité ailleurs sur la planète. « La pauvreté, la peur, la souffrance et la détresse humanitaire qui hantent les victimes des conflits, de la sécheresse, de la famine, des inondations, des incendies de forêt, des cyclones, des épidémies mortelles et d’autres catastrophes sont le résultat d’une violation durable des principes les plus essentiels et d’une négligence systématique des valeurs les plus chères à l’Humanité, qui sont à la base même de la Charte des Nations Unies« , a-t-il dénoncé.
L’échec des systèmes de paix et de sécurité, le développement inadéquat et l’action climatique limitée, dans un contexte de progrès technologique et d’énormes richesses, étaient également au cœur des propos de M. Ruto devant l’ONU.
« S’il fallait une confirmation que le Conseil de sécurité des Nations Unies est dysfonctionnel, non démocratique, non inclusif, non représentatif et donc incapable d’apporter des progrès significatifs dans notre monde tel qu’il est actuellement constitué, l’impunité rampante de ses acteurs sur la scène mondiale règle la question« , a-t-il souligné.
« Le Kenya est fier des contributions qu’il continue d’apporter dans ses efforts inlassables pour soutenir le rétablissement de la paix, la prévention des conflits, le maintien de la paix, la consolidation de la paix et d’autres interventions entreprises dans différentes régions« , a-t-il déclaré.
« La soif de paix et de sécurité en Afrique est évidente, ce qui est de bon augure pour les perspectives de réalisation de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et de la paix mondiale« , a-t-il encore illustré. Ajoutant qu’Haïti était le test ultime de la solidarité internationale et de l’action collective, car il méritait mieux de la part du monde. William Ruto a par ailleurs dénoncé le spectacle tragique de jeunes Africains qui montent à bord d’engins de fortune pour s’offrir une autre vie via des voyages dangereux à la recherche d’opportunités à l’étranger.
V. A.
