Divergences profondes entre le pouvoir Tiani, la CEDEAO et les médiateurs autour de la durée de la Transition nigérienne…

Afriquinfos Editeur
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Des policiers en patrouille devant l'Ambassade de France au Niger, le 28 août 2023 à Niamey.

Le Président du Nigeria Bola Tinubu a évoqué ce 31 aout l’idée d’une transition de neuf mois pour les militaires au pouvoir au Niger voisin, ces derniers ayant de leur côté haussé le ton contre la France, en annonçant leur volonté d’expulser l’ambassadeur français à Niamey.

Des policiers en patrouille devant l’Ambassade de France au Niger, le 28 août 2023 à Niamey.

B. Tinubu qui est également à la tête de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a cité en exemple ce 31 aout la transition de « neuf mois » qui avait été mise en oeuvre dans son pays en 1999. « Le président ne voit pas de raison que cela ne puisse pas se reproduire au Niger, si les autorités militaires sont sincères », rapporte un communiqué de la Présidence nigériane tout en prévenant néanmoins que les sanctions imposées par la Cedeao ne seront pas allégées sans « ajustements positifs » du nouveau régime à Niamey.

C’est la première fois qu’un pays de la Cedeao évoque une durée pour une éventuelle transition. L’organisation ouest-africaine a toutefois rappelé dans un communiqué jeudi soir que sa position restait « claire » et que les « autorités militaires au Niger doivent restaurer l’ordre constitutionnel immédiatement en libérant et en réinstallant dans ses fonctions le Président Mohamed Bazoum », déchu lors du putsch le 26 juillet.

La Cedeao a imposé de lourdes sanctions économiques au Niger depuis fin juillet et a brandi plusieurs fois la menace d’une intervention militaire. Mardi 29 aout, l’Algérie, influent voisin du Niger, avait proposé un « plan de transition de six mois » avant un retour à l’ordre constitutionnel. Les généraux au pouvoir à Niamey avaient évoqué le 19 août une transition de trois ans maximum.

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– Bras de fer diplomatique –

Le régime militaire nigérien est par ailleurs engagé dans un bras de fer diplomatique avec la France, ancienne puissance coloniale et partenaire du pays dans la lutte antijihadiste. Selon un courrier du ministère des Affaires étrangères nigérien adressé à Paris et daté de mardi 30 aout, les services de police ont été « instruits afin de procéder à l’expulsion » de l’ambassadeur français Sylvain Itté.

La lettre précise également que les autorités lui ont retiré son immunité et son visa diplomatiques ainsi que ceux des membres de sa famille.

Dans la soirée du 25 aout, les militaires au pouvoir avaient donné 48 heures au diplomate français pour quitter le territoire, ce que Paris a refusé, arguant que ce gouvernement était illégitime et n’avait aucune autorité pour fonder une telle requête. A l’expiration de ce délai, S. Itté, dont Emmanuel Macron a salué mardi 29 aout le travail, se trouvait toujours en poste à Niamey.

Jeudi 31 aout après-midi, les véhicules qui sortaient de l’ambassade de France étaient systématiquement fouillés, ont rapporté plusieurs riverains à l’AFP.

Selon l’article 22 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, les locaux d’une ambassade sont « inviolables » et il n’est pas permis aux agents de l’Etat où ils se trouvent « d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission ».

– « Situation irrégulière » –

Le Front patriotique pour la souveraineté du Niger (FPSN), une organisation créée au lendemain du putsch et hostile à la présence militaire française au Niger, a qualifié mercredi 30 aout S. Itté de « citoyen français en situation irrégulière ».

Jeudi 31 aout, le porte-parole de l’état-major français, le colonel Pierre Gaudillière, a averti que « les forces militaires françaises sont prêtes à répondre à tout regain de tension qui porterait atteinte aux emprises militaires et diplomatiques françaises au Niger » et que « des dispositions ont été prises pour protéger ces emprises« .

La question du départ des 1.500 soldats basés à Niamey pour aider le Niger dans sa lutte antijihadiste se pose également. Le 3 août, les généraux au pouvoir ont dénoncé une série d’accords militaires avec la France, une décision que Paris a également ignorée, ne reconnaissant que le Président renversé Mohamed Bazoum comme dirigeant légitime du Niger.

Le Niger qui est confronté à la violence des groupes jihadistes depuis plusieurs années a annoncé jeudi soir la suspension de toutes les activités des organisations internationales, ONG et agences onusiennes dans les « zones d’opérations » militaires en raison de la « situation sécuritaire du moment », sans préciser les régions concernées. Ses deux voisins, le Burkina et le Mali, également confrontés aux attaques jihadistes meurtrières et eux aussi dirigés par des militaires ayant pris le pouvoir par la force en 2020 et 2022, ont rapidement soutenu les nouvelles autorités de Niamey.

Jeudi 31 aout, le gouvernement burkinabè a approuvé un projet de loi autorisant l’envoi d’un contingent militaire au Niger, sans préciser les modalités.

Carte de l’Afrique de l’Ouest et Centrale montrant les signes de contestation de la présence militaire et diplomatique de la France dans la région, au 31 août 2023.