Gabon: De 2009 à 2024, entre zélateurs et contempteurs, Ali Bongo a été rattrapé par les tares de la machine du PDG

Afriquinfos Editeur
6 Min de Lecture
Le président gabonais Ali Bongo Ondimba salue la foule le 23 mars 2019 à son retour à Libreville, après des mois d'absence consécutifs à un AVC (AFP).

A la tête du Gabon depuis 14 ans, Ali Bongo a dû plusieurs fois lutter pour asseoir son pouvoir, hérité de son père, et doit à présent affronter un coup d’Etat destiné à renverser la dynastie dirigeante depuis 55 ans.

Le chef de l’Etat de 64 ans « est gardé en résidence surveillée, entouré de sa famille et de ses médecins », ont affirmé mercredi 30 aout les militaires qui avaient annoncé quelques heures plus tôt la dissolution des institutions du pays.

Ali Bongo, alors ministre des Affaires étrangères, lors d’un Sommet France-Afrique, le 6 octobre 1992 à Libreville.

Ali Bongo venait juste d’être proclamé vainqueur de la présidentielle et réélu pour un troisième mandat avec 64,27% des voix, selon les résultats officiels, « tronqués » selon les putschistes. En 14 ans de pouvoir, le président effacé et débonnaire élu en 2009 après le décès de son père – l’inamovible et intraitable Omar Bongo – s’est mué en un impitoyable chasseur de « traîtres » et de « profiteurs » au sommet de l’Etat, face à ceux qui l’avaient cru fini en 2018, après un accident vasculaire cérébral en Arabie saoudite.

Il avait alors disparu 10 longs mois à l’étranger, une convalescence et une intense rééducation qui semblent avoir fait de lui un miraculé mais ont fait vaciller son pouvoir. Depuis, ses opposants mettent régulièrement en doute ses capacités intellectuelles et physiques à diriger le pays, certains affirmant même qu’un sosie le remplace… Mais si une raideur dans la jambe et le bras droits l’empêche de se mouvoir aisément, la tête est bien là, assurent des visiteurs réguliers, diplomates ou autres.

- Advertisement -

– Deux électrochocs –

Lors de son premier mandat, Ali Bongo a été l’antithèse de son père : sans le charisme et l’aplomb du « patriarche », qui régna sans partage 41 ans sur ce très riche petit Etat pétrolier d’Afrique centrale, il a difficilement assis son autorité, notamment face à des caciques rétifs de son tout-puissant Parti démocratique gabonais (PDG).

Jusqu’à sa réélection en 2016, déjà très contestée par l’opposition et officiellement remportée de 5.500 voix seulement. Un électrochoc pour lui, suivi d’un second – son AVC – qui vont précipiter sa mue. Sa convalescence avait été ponctuée par un putsch raté, aussi piteux que mystérieux, d’une poignée de militaires, le 7 janvier 2019, et une tentative rampante de mise au rancart par son omnipotent Directeur de cabinet, Brice Laccruche Alihanga.

Ali Bongo lui avait laissé les clefs du Gabon avec une confiance aveugle, comme à bien d’autres avant lui. B. Laccruche est en prison depuis plus de trois ans, avec plusieurs ministres et hauts fonctionnaires fidèles, tous visés par une impitoyable opération « anti-corruption ».

– Mutation –

Ali Bongo s’est depuis affiché en « père la rigueur » pour des ministres et Conseillers soumis à des audits et congédiés à la moindre suspicion, dans ce Gabon affligé par une corruption endémique depuis les décennies décriées de la « Françafrique », dont Omar Bongo était l’emblématique pilier.

Vains mots et postures, énièmes promesses jamais tenues, selon l’opposition, pour laquelle le fossé se creuse entre richissimes et pauvres dans un des pays les plus riches d’Afrique par habitant, mais qui peine à diversifier une économie trop dépendante du pétrole, en maintenant un habitant sur trois sous le seuil de pauvreté.

Lors de son premier mandat, héritier d’une partie de l’immense fortune paternelle, « Monsieur Fils » ou « Baby Zeus », comme on le brocardait alors, était dépeint par l’opposition comme distant de son peuple, reclus dans de luxueuses propriétés au Gabon et à l’étranger ou au volant de nombreuses voitures de luxe.

– Stratège –

Récemment, M. Bongo s’était aussi métamorphosé en redoutable stratège politique, comme son père : il a multiplié les disgrâces dans son camp et braconné dans une opposition désunie. Pour ses zélateurs, il est un phénix renaissant de ses cendres. Pour ses contempteurs, il est poussé par un entourage immédiat qui ne veut pas lâcher le pouvoir et ses acquis après 55 ans de « dynastie Bongo ».

Le chemin n’était pas tracé. Jet-setteur passionné de musique, il se voulait le « James Brown gabonais » et s’imaginait une carrière, enregistrant en 1978 un 45 tours « soul, disco, funk ». Puis Alain-Bernard Bongo devient Ali Bongo quand son père convertit la famille à l’islam en 1973.

En 1989, Omar Bongo lui offre, à 29 ans, un maroquin de luxe, les Affaires étrangères, puis dix ans plus tard le stratégique portefeuille de la Défense, qu’il occupera jusqu’en 2009. A peine élu, Ali Bongo prend ostensiblement ses distances avec la France, rompant avec la politique de son père. Au point de déserter les luxueuses demeures familiales qui valent à neuf autres enfants d’Omar une mise en examen (inculpation) à Paris, notamment pour recel de détournement de fonds publics, dans l’affaire dite des « biens mal acquis ».

Le Président gabonais Ali Bongo Ondimba vote à l’élection présidentielle, le 27 août 2016 à Libreville.