Tunisie : Une mission minée pour le nouveau Premier ministre

Afriquinfos Editeur
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UN CHOIX MAJORITAIRE DE NOUVEAU CONSTESTE

Tout au long du mandat de l' ex-ministre de l' Intérieur et actuel Chef du gouvernement tunisien Ali Arayedh, plusieurs événements ont semé le doute auprès d' une grande partie de la classe politique quant à l' efficacité du rendement au sommet de l' institution sécuritaire du pays. La contestation s' amplifie davantage après l' accession d' Ali Arayedh à la présidence du gouvernement.

Des réunions de partis politiques pris d' assaut, des monuments culturels et religieux attaqués, les incidents devant l' ambassade américaine à Tunis, des centaines de blessés lors d' une marche de protestations à Siliana (nord-ouest) le 6 février 2013, date de l' assassinat d' un militant de premier plan de l' opposition tunisienne.

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"A la tête du ministère de l' Intérieur, M. Arayedh a échoué à maintes reprises à contrôler la situation sécuritaire dans le pays, preuve en est les agressions à l' encontre de manifestants le 7 avril, le 9 avril et le 1er mai 2012 puis, les affrontements face à l' ambassade des Etats-Unis, l' attaque du siège de la centrale syndicale à Tunis le 4 décembre dernier et tout récemment l' assassinat de Chokri Belaïd", a déclaré au correspondant de l' Agence de presse Xinhua Noureddine Ben Ticha, membre de l' Appel de Tunisie l' un des principaux partis de l' opposition.

Selon lui, "l' ex-ministre de l' Intérieur opérait avec beaucoup de tolérance avec des mouvements terroristes survenus en Tunisie en plus de son inefficacité face au trafic d' armes qui ne cessent de s' amplifier".

D' un autre côté, le Parti républicain (parti de l'opposition représenté à la Constituante) a exprimé son refus de la désignation de M. Arayedh à la tête du nouveau gouvernement. "Candidat du parti islamiste majoritaire Ennahdha pour la présidence du gouvernement, M. Arayedh se veut une personnalité qui ne bénéficie pas d'un consensus", s'est exprimé le président honorifique du Parti républicain Ahmed Nejib Chebbi.

"Plusieurs partis politiques et des citoyens imputent l'échec du rendement sécuritaire à M. Arayedh en tant que ministre de l'Intérieur", a ajouté M. Chebbi qui insiste sur la neutralité des ministères de souveraineté.

DEGRADATION DE LA SITUATION SOCIO-ECONOMIQUE

"La classe politique en général et le gouvernement en particulier doivent comprendre que la situation économique et sociale et des finances est grave" en Tunisie, d' autant plus qu'elle "est le fait de la détérioration de la situation politique et sécuritaire et de la perception de l'absence de l'Etat de droit", a prévenu l'Association des Economistes tunisiens (Asectu).

D' après un communiqué de l'Asectu, "la période actuelle exige un engagement clair et ferme sur la mise en place d'une feuille de route dont l'élaboration se fera d'une façon consensuelle entre tous les partis et sans exclusion aucune pour rassurer les acteurs et partenaires économiques, relancer l'investissement privé et la croissance, et créer des emplois".

Deux ans après la révolution, le coût de la vie en Tunisie a augmenté sensiblement surtout les prix des produits de consommation de base, en plus de l' insécurité et la violence, phénomène étrangers à la société tunisienne, a précisé le président de l' Asectu Mohamed Haddar, ajoutant à tout cela la "nette détérioration des services publics en raison d' un ralentissement général de la plupart des services administratifs aux plans central et local".

Ainsi, la confiance des Tunisiens dans leurs gouvernants a été épuisée par l' absence d' engagement des responsables au pouvoir y compris ceux de l' Assemblée constituante sur une feuille de route et un calendrier précis, l' émergence de la violence politique.

LES PRIORITES PARTISANES FACE AUX PRIORITES NATIONALES

Bien que le nouveau Premier ministre Ali Arayedh se trouve face à une contrainte de composer un cabinet consensuel qui répond en premier lieu à une exigence majoritaire dictée par les résultats des élections du 23 octobre 2011, la situation actuelle de la Tunisie semble avoir besoin d'un agenda d'urgence capable de remplir les priorités du pays.

"La priorité des priorités de la Tunisie actuelle consiste à verrouiller nos frontières menacées par le trafic d' armes en plus de la reconstruction du tissu économique du pays faisant recours aux compétences nationales, la maitrise des prix et les circuits de distribution sans omettre la fixation d' une feuille de route susceptible de mener rapidement aux élections", a encore déclaré Noureddine Ben Ticha.

D' un autre côté et vu la crise politique actuelle, "la Tunisie a besoin d'un congrès national de sauvetage", a confié à Xinhua M. Ahmed Seddik, représentant de la coalition de parti de gauche, le Front populaire.

Le congrès de sauvetage, a ajouté M. Seddik reposera sur un programme clair et urgent axé sur trois éléments à savoir la mise en place d' un agenda politique, électoral et constitutionnel, la création immédiate des instances régulatrices (élections, médias et magistrature) et finalement des mesures sociales urgentes afin d' absorber la tension et rassurer les citoyens.

L'un des fondateurs du Front populaire et son porte-parole, Hamma Hammami a prévenu la prolongation de la crise politique, économique et sociale de son pays. "Il ne suffit pas de nommer un nouveau Chef de gouvernement pour sortir de la crise, a estimé M. Hammami lors d’un meeting populaire appelant à "mettre un terme à la violence qui a pris de l'ampleur après l'assassinat de Chokri Belaïd".

Après l' échec de l' initiative du Premier ministre démissionnaire Hamadi Jebali de former un gouvernement de compétences nationales apolitiques, la mission du nouveau Chef du gouvernement serait des plus difficiles puisqu' il devra composer un cabinet à la fois consensuel, efficace et capable de conduire le pays vers les prochaines élections sans pour autant tomber dans les erreurs commises par son prédécesseur et essayant par la même de contrer les menaces ciblant la stabilité sociale et sécuritaire du pays.