Tunisie : La donne se complique avec le ralentissement du remaniement ministériel

Afriquinfos Editeur
5 Min de Lecture

Le conseil de la "Choura" (chambre haute) du mouvement islamiste Ennahdha, majoritaire au pouvoir, a tenu durant toute la nuit de vendredi à samedi une réunion décisive pour discuter du remaniement ministériel et trancher sur l' adoption d' un position définitive sur la relation d' Ennahdha avec ses deux alliés de la Troïka (coalition tripartite au pouvoir).

"Le sujet du remaniement ministériel fait partie de mes attributions", s'est exprimé le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali et secrétaire général du mouvement Ennahdha avant de quitter la réunion du conseil de la "Choura". Toutefois, des membres de ce mouvement n'ont pas manqué à s’approprier des départements de souveraineté notamment l’Intérieur, la Diplomatie et la Justice.

 Concernant les négociations du mouvement Ennahdha avec d'autres partis politiques sur le remaniement ministériel, le président du conseil de la "Choura" Fathi Ayadi a affirmé que "les différends persistent sur la question de la neutralité des ministères de souveraineté".

- Advertisement -

Ces différents ont été confirmés par le secrétaire d'Etat chargé de l'immigration Houcine Jaziri (membre d’Ennahdha). "Les ministères des Affaires étrangères, de la Justice ainsi que le poste de coordinateur général du gouvernement sont à l' origine du désaccord entre Ennahdha et les autres partis de la Troïka", a déclaré M. Jaziri. Sur un autre plan, la complication de la situation politique tunisienne a pris d' autres allures avec l' entrée en force de certains partis de l' opposition essentiellement le mouvement "Appel de Tunisie" (parti de l' ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi) qui ne cesse de grimper dans les sondages liés à l' intention de vote mais également de rassembler autour de lui des forces politiques de poids dont le parti Républicain (mieux représenté à la Constituante) et la Voie démocratique et sociale.

 D'après la majorité des partis concernés par le remaniement ministériel (y compris ceux de la Troïka et certains de l'opposition), la présence de l'Appel de Tunisie est désormais "indésirable" sur l'actuelle et future scène politique du pays. Preuve en est, l'examen en cours par les députés d'une éventuelle approbation d'un projet de loi sur "l'immunisation de la révolution" (fortement demandé par Ennahdha) qui se veut un rempart contre le retour des figures de l'ancien régime. L'instabilité politique au sommet du pouvoir en Tunisie se manifeste même dans la structure   interne du mouvement Ennahdha après la demande de l'un de ses militants Lotfi Zitoun qui vient de demander officiellement d' être décharger de ses fonctions de conseiller politique du Premier ministre Hamadi Jebali.

 Etant l'un des experts tunisiens en droit constitutionnel les mieux placés à analyser la situation politique actuelle de son pays, Kaïs Saïd a expliqué que "la crise du gouvernement a débuté avec la démission du ministre chargé de la réforme administrative Mohamed Abbou et du ministre des Finances Houcine Dimassi (mi-2012)".

 Lors d'une rencontre scientifique à la faculté des Sciences juridiques de Tunis, M. Saïd a même mis en question la pertinence du remaniement ministériel attendu, l'importance d'élargir la coalition au pouvoir, l’efficacité de l’organisation provisoire des pouvoirs en Tunisie ainsi que le rendement de la direction au sein de la coordination de la Troïka.

Au cours de cette rencontre, un autre problème a été détecté en l' occurrence le contenu de la "mini-constitution" (loi sur l' organisation provisoire des pouvoirs publics) dont l' élaboration a été "expéditive" d' autant plus qu' elle n' a pas prévu des mécanismes de gestion d'une éventuelle crise au sein de la coalition gouvernementale.

En se référant aux déclarations des principaux responsables (de la Troïka et de l' opposition) et des experts, le nœud du différend se résume dans la légitimité d'Ennahdha de s' approprier des ministères de souveraineté  en tant que parti majoritaire d' un côté et de l' autre côté l' utilité de recomposer un gouvernement qui n' a pas réussi, selon l' opposition, à répondre aux besoins socioéconomiques urgents dont la satisfaction serait déterminante dans le choix des Tunisiens de leurs prochains dirigeants.