Togo : Dr Amaïzo analyse les performances à portée de main pour les PME/PMI locales

Afriquinfos Editeur
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Profil des PME/PMI pour maintenir une croissance économique

(…) Ce n’est pas tant le type de PME/PMI qu’il faut qui pose problème. Mais, c’est le type de croissance. Aujourd’hui, avec une croissance économique du produit intérieur brut estimée entre 4,5 et 5,3 % pour 2013, le Togo n’a rien fait pour changer son paradigme libéral sans contrepartie pour les populations. C’est ainsi que les PME/PMI qui constituent l’épine dorsale de la création de richesses, d’emplois et de distribution de pouvoir d’achat sont en panne structurelle. Les 6 fondamentaux suivants doivent pouvoir progresser en même temps, pour permettre de croire que le Gouvernement est déterminé à soutenir l’entrepreneuriat. Outre l’amélioration du climat d’investissement, une fiscalité privilégiant 1. l’apport d’énergies renouvelables, 2. les capacités productives, 3. l’environnement des affaires.

Il importe de retrouver dans une stratégie de long-terme la mise en place de centres de gestion dédiées à la densification du tissu économique par le soutien à la création et à la pérennisation des entreprises. Pour ce faire, l’amélioration de l’accès au financement des PME/PMI ne peut être l’œuvre exclusive de l’Etat. Toutes les structures d’appui, notamment les banques, doivent pouvoir, dans le cadre d’une loi, dédiée une partie de leurs ressources à soutenir l’entrepreneuriat et notamment l’économie de proximité.

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Cela devrait se traduire par une spécialisation croissante des institutions d’appui au PME/PMI, depuis le montage des dossiers d’affaires (business plan) en passant par la restructuration ou transfert des entreprises à des apporteurs de capitaux provenant de la Diaspora togolaise, le suivi en termes de management et de gestion viable et enfin, la transmission vers les générations futures afin d’assurer le renforcement d’un maillage territorial de complémentarité dans les différentes chaînes de valeurs où le Togo présente des avantages compétitifs.

Pour ce faire, ce sont toutes les ressources humaines et techniques disponibles qui doivent être regroupées dans le cadre de pôle de compétences et de compétitivité pour soutenir une croissance économique partagée. Il faut toutefois que l’Etat puisse aller au-delà de son rôle de régulateur et non d’ingérence pour laisser les structures d’appui aux PME/PMI se gérer de manière autonome dans le cadre de partenariats privé-public.

Lecture du soutien que tente d’apporter la Banque mondiale aux PME/PMI du Togo

 (…) Il faut corriger votre vision exogène du développement du Togo. Ce ne sont pas les entités extérieures qui viendront développer le Togo à la place des entrepreneurs togolais. Par ailleurs, les objectifs avoués et non avoués de la Banque mondiale ou des autres institutions de financement ne doivent pas passer par pertes et profits. En effet, il est rare de voir ces institutions conseiller d’allier des Petites et moyennes industries en Afrique, au Togo en particulier. Pourtant, c’est le conseil du groupe des experts économistes de l’Union africaine (3e Congrès tenu à Dakar, 6-8 mars 2013) dont je suis membre. C’est ce conseil qui a été repris et renforcé par les Ministres africains des Finances et du Plan au cours de leur réunion du 24-25 mars 2013 à Abidjan. Le profil des PME/PMI togolaise pourrait se décrire comme suit : plus de 80 % des entreprises sont de très petites structures avec moins de 10 travailleurs et une propension à travailler dans l’informel (plus de 50 %) et à ne pas respecter les conditions basiques prévues par la loi, comme le salaire minimum par exemple. Par ailleurs, il règne dans ces entreprises une forme de terrorisme à l’emploi où le travailleur est à la merci du patron ou patronne.

Le dirigeant des plus de 80 % des entreprises togolaises n’ont pas de vision stratégique d’évolution et de pérennisation, quand il ne s’agit pas de groupes d’intérêts économiques ou de simples associations et organisations non gouvernementales qui fonctionnent en fait comme des entreprises, en échappant ainsi à leur obligation fiscale. Il s’agit en fait de contourner un Etat qui reste un Etat prédateur. Cela est considéré comme une véritable injustice et chacun tente de contourner cette situation en jouant de ses relations et autres corruptions de proximité.

Bref, l’environnement des affaires pour les PME/PMI togolaises n’est pas prévisible et les conséquences sont palpables avec des stratégies de contournement et de faible investissement dans le long-terme, avec d’ailleurs une priorité pour la liquidité et le commerce. Avec ce commerce, chacun joue sur les asymétries sitologiques (de site). Cela marchait avant quand l’information tardait à venir. Aujourd’hui, avec l’internet et le réseautage mondial, tous ceux et celles qui gagnaient beaucoup d’argent avec le commerce sont en train de perdre cet avantage comparatif. Le nombre de « Nana-Benz »  encore riches a chuté au point de laisser la place à des « nana-zémidjans », du nom de ces motocyclettes qui servent de taxi-moto. Le profil qui doit être privilégié doit tourner autour du lien entre l’agriculture et l’industrie avec des contenus technologiques adaptés et des sources énergétiques renouvelables. L’information du marché doit pouvoir être fournie par des associations professionnelles spécialisées, usant des avantages que procurent l’internet. Encore faut-il que la bande passante soit fonctionnelle et que les coupures intempestives d’électricité cessent.

Enfin, la restructuration de l’entrepreneuriat dans l’économie togolaise ne peut être laissée à la seule Banque mondiale qui n’a pas fini d’user de son « fameux Consensus de Washington » dès lors que le rapport de force est à son avantage. Les dirigeants togolais, dans le secteur privé comme public doivent revoir complètement leur conception de la création de la richesse et reconsidérer si l’entreprise a pour vocation seulement de faire du profit pour l’actionnaire, ou si elle doit aussi remplir ses obligations de la création d’emplois, de la distribution de la richesse et du pouvoir d’achat, et enfin de la responsabilité sociale de l’entreprise.

Posture des PME/PMI qui nuisait à l’économie locale

(…) Ce n’est pas une « plus-value à l’économie togolaise » qu’il faut rechercher en soi mais une plus-value aux citoyens togolais. Car, c’est en répartissant mieux le pouvoir d’achat que l’ensemble des fonctions économiques d’un pays soutient la croissance économique et donc l’économie togolaise. Mais encore faut-il comprendre, accepter que c’est le processus de transformation de la matière première (agricoles, mines ou autres) en produit intermédiaires d’abord pour l’économie de proximité et ensuite pour l’exportation dans un monde compétitif qui assure la pérennisation de l’entreprise togolaise. Une gestion saine doit être respectée et les actionnaires ne peuvent être à une très grande majorité des non-Togolais. Il importe donc que le gouvernement ne soit plus seul à décider de négocier les grands contrats, encore moins à organiser le secteur des PME/PMI, tant au plan stratégique, opérationnel et d’accès au crédit. La plus-value se fait en agglomération de compétences. Aussi, la grande erreur des dirigeants togolais de PME/PMI est d’avoir choisi trop longtemps de travailler en isolation, ou de se soumettre aux dictats de partenaires techniques étrangers ou encore de rentrer dans un jeu peu transparent de contrat avec l’Etat togolais.

Sur le dernier point, le fait que ces contrats se font souvent de gré à gré, a fait disparaître le besoin d’amélioration et d’émulation entre PME/PMI. Bref, c’est de toute une refonte rediscutée conjointement entre les entrepreneurs, l’Etat et les parties prenantes (consommateurs, fournisseurs, institutions d’appui y compris de financement) qui permettrait de s’accorder sur l’organisation de la création de la plus-value (les secteurs prioritaires par exemple) et la nouvelle distribution entre actionnaires et autres parties prenantes de l’entreprise, sans oublier de préserver l’environnement et les grands équilibres écologiques.

Charte des PME-PMI et le nouveau Code des investissements : leurs apports à l’amélioration du climat des affaires au Togo

 La Charte des PME/PMI togolaise a été adopté en décembre 2009 pour améliorer le climat des affaires et rendre plus prévisible l’environnement des textes et institutions qui régissent le secteur. Puisque plus de 80 % des entreprises togolaises sont de très petite taille, un accent tout particulier a été mis sur la microfinance. Mais il est également prévu des obligations pour les chefs d’entreprise comme la création d’emplois, la formation permanente, le respect des obligations fiscales et bien sûr les normes environnementales. Je suis donc d’accord avec les orientations générales du gouvernement togolais qui tente d’aller vers la densification de la capacité productive du Togo.

Là où, je suis en désaccord avec l’orientation stratégique avec le Gouvernement proclamée en janvier 2013, c’est que ce dernier, par la voie du Premier Ministre Ahoomey-Zunu, croit encore que le fait d’orienter et donc de privilégier les entreprises qui optent pour l’export, accélèrera la création de richesses pour l’ensemble du pays. En réalité, cela améliore la richesse des individus concernés sans pour autant les inciter à investir dans la transformation locale, encore moins dans la distribution d’un pouvoir d’achat amélioré aux travailleurs togolais. Il s’agit encore d’une vision basée sur le « commerce » et moins sur l’industrialisation, notamment en zones rurales. Rien de tout ceci ne va s’améliorer rapidement si le gouvernement ne décide pas pro-activement de soutenir la mise en place d’un programme national et décentralisé, y compris avec la Diaspora togolaise, avec des apports en énergie renouvelable, notamment dans les zones rurales et péri-urbaines.

Pour ce qui est du nouveau Code d’investissement, le Premier ministre Ahoomey-Zunu semble avoir une vision réductionniste de l’économie. Il semble considérer que les entreprises togolaises sont tout juste bonnes à faire de la sous-traitance pour les grandes entreprises internationales. Pour lui, la Charte des PME/PMI et le nouveau Code des investissements a pour objet de « doter les PME/PMI d’un environnement favorable à leur expansion, à organiser leurs relations avec les grandes entreprises, notamment au niveau de la sous-traitance, à développer le transfert de technologies des instituts universitaires et de recherche, à assurer un appui multiforme pour accroître leur compétitivité et promouvoir des relations durables et équitables avec les sociétés transnationales » (Source : site du gouvernement togolais : http://www.republicoftogo.com/Toutes-les-rubriques/Economie/PME-PMI-stimuler-l-export).

Tant que l’objectif premier est de mettre en œuvre une économie exogène en oubliant l’économie de proximité ou l’économie endogène et de distribution de pouvoir d’achat, ce gouvernement fera fausse route au plan économique. Les résultats économiques pourraient n’être qu’un mirage puisque les rentrées d’argent et de richesses enregistrées iront à des actionnaires peu soucieux de ré-investir au Togo et surtout de redistribuer du pouvoir d’achat et d’assurer des améliorations de compétence. Il importe aussi de faire attention de ne pas voir une grande partie des PME/PMI togolaises appartenir de plus en plus à des étrangers, notamment asiatiques pour ne pas dire chinois. Ces grandes entreprises sont encore trop souvent la propriété des entrepreneurs occidentaux, notamment français avec souvent des partenaires togolais liés à l’Etat et l’armée.

Le vrai problème est que de trop nombreux conseils d’administration de sociétés ou de gérants d’entreprises togolaises continuent à faire la course vers le bas des salaires des travailleurs. C’est cela qui pose problème. Il y a erreur de perception puisque ceux qui prennent de telles décisions croient devenir plus compétitifs et perdent régulièrement des parts de marché. Cette stratégie doit redevenir un point de discussion pour que la démocratie économique reprenne ses droits au profit de l’ensemble des travailleurs togolais.