Ce mardi, c’est le président de la Commission nationale d'enquête sur les crimes et détournements de Hissein Habré, Mahamat Hassan Abakar qui était à la barre. Selon ce dernier, Hissein Habre a joué un rôle important dans les actes de tortures et de crimes perpétrés entre 1982 et 1990.
«La Direction de la Documentation et de la Sécurité, c'était l'affaire de Habré en personne. Les chefs de service étaient nommés par décrets qu'il signait lui-même. Elle ne recevait d'instructions que du président de la République, en l'occurrence Hissein Habré», a soutenu M. Abakar devant le tribunal.
En présentant un rapport qui a sanctionné son enquête, M. Abakar est revenu sur les conditions macabres dans lesquelles vivaient les détenus de la DDS (police secrète sous Habré).
«Beaucoup de prisonniers sont morts d'épuisement et de maladies. D'autres étaient enlevés la nuit et acheminés près de N’djamena, pour être exécutés sur ordre de Hissein Habre.Dans les prisons de Habré, lorsque vous décédez, le corps n'est pas remis aux parents, ils sont enfilés dans des sacs ou jetés dans des fosses», a encore détaillé l’avocat.
«Nous nous sommes rendus dans les locaux de la défunte Direction de la documentation et de la sécurité. Quand nous étions arrivés sur les lieux, le bâtiment était en ruines. Nous avons trouvé sur place des documents éparpillés un peu partout, sur le sol. Nous avons vu des certificats de décès, des procès-verbaux d’auditions et des comptes rendus à l’attention du Président Habré. Des cadavres en état de putréfaction dans des sacs plastiques, ont été également découverts», a narré le témoin.
Selon ce dernier, la commission a arrondi à 40.000 le nombre de victimes en tenant compte juste des morts en province. «Nous n'avons pas inclus les exécutions sommaires qui se passaient toutes les nuits, avec en moyenne 13 morts chaque jour, d'après des estimations sur la base de témoignages et de documents», relate le Président de la Commission d’enquête.
Des horreurs qui ne sont pas à leur comble pour M. Abakar, car selon lui, les enquêtes ne représentent que «10 pour cent de ce qui s'est passé». «La commission n'avait ni le temps ni les moyens de visiter tous les lieux. 98% des résultats de ces enquêtes ont été obtenus à N'Djamena la capitale et ses environs», explique ce dernier.
Face à ces accusations, l’ancien président tchadien ne s’est pas prononcé. Depuis l'ouverture des débats, Hissein Habré refuse de s'exprimer devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), tribunal spécial créé en vertu d'un accord entre le Sénégal et l'Union africaine (UA), qu'il récuse.
En détention depuis deux ans au Sénégal où il a trouvé refuge en décembre 1990 après avoir été renversé par l'actuel président tchadien Idriss Deby Itno, Hissein Habré est poursuivi pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture.
Larissa AGBENOU