Tchad : Le gouvernement veut réduire le taux de mortalité maternelle de 3/4 d’ici 2015

Afriquinfos Editeur
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"Le dernier rapport rendu public en mois de mai 2012 par l'Organisation mondiale pour la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (UNFPA) et la Banque mondiale montre qu'avec 1.100 décès maternels pour 100.000 naissances vivantes, malgré cette légère amélioration, cela demeure largement au-delà de la norme", explique M. Bédoumra Kordjé, ministre tchadien du Plan, de l'économie et de la coopération internationale.

"C'est partant de ce constat que l'UNFPA et le gouvernement du Tchad ont convenu de commun accord de mettre l'accent sur les activités clés devant concourir à l'amélioration de cet indicateur notamment par des soins obstétricaux d'urgence et le repositionnement de la planification familiale", ajoute le ministre.

Le 23 mai dernier, M. Bédoumra Kordjé et M. Mamadou Dicko, représentant de l'UNFPA au Tchad, ont signé un Plan d'actions dans la lutte contre la mortalité maternelle. D'un montant de 22 millions dollars US (dont 12 millions sont les propres fonds de l'UNFPA et les 10 millions sont des cofinancements), le Plan d'actions couvre la période allant de 2012 à 2016.

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Pour le représentant de l'UNFPA au Tchad, la mise en oeuvre de ce plan d'action se fera à travers les programmes de travail annuel et mobilisera les principaux ministères partenaires, ainsi que les ONGS et les associations de la société civile.

"La mission qui m'a été dévolue consiste à sensibiliser, plaider er informer à tous les niveaux de la société. Je me consacre également à la mobilisation des ressources, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays", déclare la nouvelle ambassadrice de la CARMMA au Tchad.

Acronyme de la Campagne pour l'Accélération de la Réduction de la Mortalité Maternelle en Afrique, la CARMMA est une initiative de l'Union Africaine et de plusieurs organisations et ONG dont l'UNFPA.

Pour pérenniser l'oeuvre de son prédécesseur, Mme Blondeau ajoute avoir planifié une caravane de sensibilisation dans six- régions du pays, entre juin et décembre 2012. Début juillet, elle a entamé cette campagne dans les régions du Mayo-Kebbi Est et du Mayo-Kebbi Ouest.

"Je mets l'homme au coeur de mon plaidoyer. Il faut le persuader que si sa femme enceinte se rend à l'hôpital pendant sa grossesse, il en va de l'intérêt de son épouse et de son enfant à naître", précise Mme Blondeau.

Entre fin juin et début juillet 2012, le ministère de la Santé publique et l'Assemblée nationale ont envoyé des missions conjointes dans toutes les régions du pays pour sensibiliser sur la réduction du taux de mortalité maternelle, néonatale et infantile.

La plupart des rapports de ces missions, conduites par des députés, s'accordent sur les causes de la mortalité maternelle: manque de sang pour la transfusion; manque de médicaments et d'équipements dans les hôpitaux et centres de santé; manque cruel du personnel qualifié et compétent; éloignement des centres de santé parfois de faible opérationnalité; comportement négatif, peu accueillant et discriminatoire de certains agents soignants; etc.

A ces entraves s'ajoute le statut de la femme rurale. Moins informée et plus vulnérable que sa consoeur de la ville, la femme rurale n'est pas consultée sur sa propre santé. C'est la famille et les hommes qui décident si elle doit accoucher à la maison ou à l'hôpital, subir une césarienne, etc.

Une étude récente du ministère de la Santé publique révèle que seulement 24 hôpitaux de district sur les 55 que compte le pays sont en mesure d'offrir des services obstétricaux d'urgence complets. Ainsi 79% des accouchements au Tchad sont faits sans assistance du personnel qualifié. Et 92% de femmes n'ont pas accès aux consultations postnatales.

Dans la capitale tchadienne, un grand et moderne Hôpital de la mère et de l'enfant a été inauguré en 2011. Très vite, il a été submergé par les consultations obstétricales. A l'image des autres structures sanitaires du pays, il manque cruellement de sages- femmes et autres personnels soignants.

"L'intervention la plus efficace pour garantir une maternité sans risque est d'assurer la présence d'une sage-femme compétente pendant tous les accouchements, la disponibilité d'un moyen de transport pour accéder aux services de secours et la fourniture de soins obstétricaux de qualité", estime le député Mamadou Maindoh qui a dirigé une mission de sensibilisation dans la région du Moyen-Chari, frontalière avec la République centrafricaine.

Selon Dr Anicet Zapayéké, gynécologue de l'Hôpital de l'amitié Tchad-Chine, la répartition actuelle des centres de santé au Tchad n'est pas de nature à permettre la lutte contre la mortalité maternelle. "La répartition doit être juste et équitable. Il faut éviter que les femmes parcourent plus de 75 km à dos d'âne pour accéder à un centre de santé", précise-t-il.

En 1996, la première étude a révélé 827 cas de décès maternels pour 100.000 naissances vivantes au Tchad. Huit ans après, une autre étude a montré que le taux de mortalité va crescendo: 1.099 cas. Une enquête, réalisée conjointement en 2011 par l'OMS, la Banque mondiale, l'UNICEF et l'UNFPA sur "les tendances sur la mortalité maternelle dans le monde", a révélé 1.200 décès au Tchad, classé deuxième pays au monde où les femmes meurent le plus en donnant vie, derrière l'Afghanistan (avec 1.400 décès).

Au lancement de la CARMA, en décembre 2009, de grands engagements ont été pris. Le gouvernement a élaboré la Feuille nationale de route pour l'accélération de la réduction de la mortalité maternelle, néonatale et infantile. Objectif: réduire à 275 le nombre de décès pour 100.000 naissances. En 2010, une table- ronde organisée à N'Djaména a permis de mobiliser 86 milliards francs CFA pour réduire le fléau.

Première sage-femme du Tchad, Mme Achta Toné Gossingar a été nommée ambassadrice itinérante de la CARMMA par le président Idriss Déby Itno. Mais le 23 novembre 2011, elle s'éteignait dans un avion qui l'amenait à Tunis (Tunisie) pour une rencontre internationale sur la mortalité maternelle. Pendant plusieurs mois, la CARMMA a été orpheline de son ambassadrice. Début juillet 2012, le président Déby Itno a nommé Mme Blondeau Georgina Fatimé, une des premières sages-femmes du pays, en lieu et place de Mme Achta Toné Gossingar.

"D'ici 2015, il faut réduire la mortalité de ce groupe vulnérable (les femmes enceintes, Ndlr) au 3/4", conclut la nouvelle ambassadrice de la CARMMA au Tchad.