Putsch au Gabon: Condamnations de principe à l’international, peu de voix audibles en Afrique francophone

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Addis-Abeba (© 2023 Afriquinfos)- Devenues un peu comme une tradition, les condamnations de principe à l’international surgissent à chaque coup d’Etat orchestré en Afrique francophone depuis trois années. Et ce n’est pas le cas récent du Gabon qui dira le contraire. Mais ces condamnations semblent juste devenir des rituels, puisqu’elles ne changent pas grande chose aux putschs perpétrés sur le continent.

À la suite de la prise de pouvoir par des militaires au Gabon et de la nomination du général Brice Oligui Nguema comme chef de la transition, les réactions internationales n’ont pas tardé.

Comme on pouvait s’y attendre, l’Union africaine n’a pas manqué de réagir au coup de force de Libreville, dernier en date d’une série de coups d’Etats au Burkina Faso, au Mali ou encore au Niger, qui secouent le continent africain depuis ces derniers mois. Le président de la Commission de l’Union africaine (UA) Moussa Faki Mahamat a dit mercredi suivre «avec une grande inquiétude» la situation, dénonçant «une violation flagrante» des principes de l’organisation. L’UA «appelle l’armée nationale et les forces de sécurité à s’en tenir strictement à leur vocation républicaine» et à «garantir l’intégrité physique» du président Ali Bongo, de sa famille et de son gouvernement.

Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU, a quant à lui appelé tous les acteurs à la ‘’retenue’’ et au «dialogue» tout en condamnant «fermement la tentative de coup d’Etat en cours comme moyen de résoudre la crise post-électorale».

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Le Royaume du Maroc, qui entretient des relations étroites avec le pouvoir Gabonais, a souligné l’importance de «préserver la stabilité de ce pays frère et la quiétude de sa population», a réagi le ministère des Affaires étrangères marocain mercredi après-midi, indiquant suivre ‘’de près l’évolution de la situation’’. Le Maroc ‘’fait confiance à la sagesse de la nation gabonaise, de ses forces vives et de ses institutions nationales, pour avancer vers une perspective permettant d’agir dans l’intérêt supérieur du pays’’, précise le communiqué. Mohammed VI et Ali Bongo sont deux hommes proches. Après son AVC en octobre 2018, le président gabonais avait notamment effectué sa convalescence au Maroc.

Dans la soirée de mercredi, les Etats-Unis ont aussi réagi à l’annonce venue de Libreville. Washington a annoncé suivre ‘’de très près’’ la situation. Toutefois, John Kirby, le porte-parole du département de la Défense des États-Unis, a refusé de commenter la réélection du président Ali Bongo, au pouvoir depuis 14 ans, et s’est borné à assurer que les Etats-Unis allaient «rester concentrés sur le travail à faire avec (nos) partenaires en Afrique et toute la population du continent pour aider à soutenir la démocratie’’.

Le Commonwealth se dit également inquiet après le bouleversement politique au Gabon. «Les informations concernant la prise de pouvoir illégale au Gabon sont profondément préoccupantes», a estimé la secrétaire générale du Commonwealth, Patricia Scotland, dans un communiqué publié mercredi. Elle a rappelé que les membres du Commonwealth, organisation composée surtout d’anciennes colonies britanniques que le pays d’Afrique centrale a rejoint l’année dernière, devaient respecter ‘’l’Etat de droit et les principes de démocratie’’.

Médecin après la mort

Le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell, a pour sa part insisté jeudi sur la différence entre les coups d’État au Niger et au Gabon, soulignant que ce dernier faisait suite à des élections entachées « d’irrégularités ».

Mais pourquoi donc n’avoir pas réagi face à ces élections entachées « d’irrégularités » afin d’éviter le pire ?

Il y a beaucoup de réactions en France également, dans la classe politique et au sein du gouvernement. Le Gabon et la famille Bongo ont longtemps été le symbole par excellence de la « Françafrique ». Les autorités françaises ont condamner une nouvelle fois le coup d’État et d’appeler au retour à l’ordre constitutionnel. La France appelle aussi  »à la tenue d’élections libres et transparentes’‘.

Paris estime en effet que le résultat de l’élection présidentielle donnant Ali Bongo vainqueur   »n’a été ni certifié, ni formalisé ». Assez rapidement ce matin, la Première ministre Elisabeth Borne avait expliqué suivre   »avec la plus grande attention » la situation. L’ancien président François Hollande déplorait l’absence « de réactions suffisamment nettes, y compris de la France lors du premier coup d’État au Mali en 2020 ». Il assimile cela « à une forme d’acceptation et juge que les militaires se sont enhardis ». Jean-Luc Mélenchon, l’une des principales figure de l’opposition de gauche, estime, lui, en parlant du président français que « Macron aura, encore une fois, compromis la France dans un soutien jusqu’au bout à l’insupportable ».

Mercredi 30 août, des militaires et policiers gabonais ont annoncé l’annulation des élections au Gabon, la dissolution de « toutes les institutions de la République » et la « fin du régime« .

Cette déclaration a eu lieu après l’annonce officielle de la victoire d’Ali Bongo à la présidentielle avec 64,27 % des voix. Au pouvoir depuis 14 ans, le président sortant briguait un troisième mandat

Dans la soirée, les militaires putschistes ont nommé comme chef de la transition le général Brice Oligui Nguema, jusqu’alors commandant en chef de la Garde républicaine.

Il s’’agit là du cinquième coup d’État en Afrique en trois ans.

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