Pincement au cœur et excitation modérée des Camerounais pour la "fête africaine"

Afriquinfos Editeur
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A Yaoundé, la vente des gadgets qui anime très souvent, à l'exemple de la CAN angolaise en 2010 où les Lions indomptables disputaient leur cinquième titre continental, n'a toujours pas lieu, tout comme des écrans géants placés à des endroits stratégiques à l'instar du Boulevard du 20 mai au centre-ville par des entreprises commerciales restent aussi invisibles.

Y compris dans les milieux du football, le malaise est perceptible. Henri Manga, entraîneur et consultant, a reconnu lors d'un entretien avec Xinhua avoir "un pincement au cœur parce que les Lions indomptables qui ont longtemps tenu la barque du football dans la région Afrique centrale ne sont pas présents", un rendez-vous manqué imputé à "un déficit organisationnel au sein de cette équipe qui a été décrié et qui, aujourd'hui, continue d'être décrié".

Footballeur évoluant comme milieu de terrain dans le Canon de Yaoundé, club du championnat de première division Mtn-Elite One, Jésus Emilien Ondoa s'est dit "déçu" tout en étant énormément intéressé par cette compétition qui, tous les deux ans, regroupe dans un pays donné les meilleures équipes du continent, sous l'égide de la Confédération africaine de football (CAF).

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Sans d'autres grandes nations de football en Afrique comme le Nigeria, la CAN-2012 est conjointement organisée par la Guinée équatoriale et le Gabon, frontaliers du Cameroun, membres comme lui de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC, composée en outre du Congo, de la République centrafricaine (RCA) et du Tchad) et qui partagent par ailleurs avec lui les mêmes peuples.

Après une double débâcle à la CAN-2010 en Angola et à la Coupe du monde de football (Mondial-2010) en Afrique du Sud, les Lions indomptables du Cameroun ont poursuivi leur contreperformance en se faisant surclasser dans leur poule par le Sénégal dans la course pour cette nouvelle édition qui fera vibrer le continent tout à côté de leur territoire national. Leur élimination face à cette sélection le 4 juin 2011 à Yaoundé avait engendré des émeutes sanglantes.

A présent 50ème mondial sur 206 au dernier classement de la Fédération internationale de football association (FIFA), après avoir été la première nation africaine au cours des dernières années, le Cameroun est pourtant l'une des équipes les plus capées d'Afrique avec 16 participations à cette compétition depuis 1970 au Soudan et quatre titres de champion remportés en 1984, 1988, 2000 et 2002.

Plus important, c'est le premier quart-finaliste africain au Mondial, en 1990 en Italie, grâce aux exploits d'une équipe homogène de joueurs talentueux et déterminés comprenant l'emblématique "vieux Lion" (nom donné par les fans) Roger Milla, ce qui permet au continent d'augmenter le nombre de ses places de trois à cinq.

"Ça fait mal que le Cameroun ne participe pas à la prochaine CAN qui se joue derrière notre maison. Une Coupe d'Afrique des nations sans le Cameroun, vraiment ça fait très mal. Mais, on vit ça comme ça, on encourage les autres pays qui se sont qualifiés. C'est la fête de l'Afrique, on est tous derrière eux", a fait savoir Louis Gérard Otélé, autre joueur, défenseur central, du Canon de Yaoundé.

Pour son camarade Christian Ngoua, latéral droit, le plaisir aurait été de pronostiquer en faveur des Lions indomptables pour la meilleure équipe du tournoi. "En l'absence également du Nigeria, autre grande nation du football, je donne mes pronostics à la Côte d'Ivoire et surtout au Sénégal, parce qu'il vient en force en Afrique. Il y a l'avant-centre Ndemba Bâ qui joue en France, qui est meilleur et qui nous a fait voir des cauchemars (lors des éliminatoires, ndlr)", a-t-il dit.

Parce que "c'est une joie africaine", le jeune défenseur n'entend pas malgré tout se priver de vivre à travers la télévision les instants de communion du grand rendez-vous sportif. "Je mets dans mon état de footballeur. Je vais regarder les matches, qui me permettront de voir les prestations d'autres latéraux et d'essayer de m'en inspirer".

C'est également la posture de Jésus Emilien Ondoa qui a laissé entendre : "Je suis footballeur, c'est normal que je regarde cette compétition, parce que moi-même je veux aussi être à ce niveau-là. Je veux être professionnel moi aussi. Je veux jouer une CAN. Je supporte toutes les équipes. Etant donné que je suis un bon footballeur, je ne peux que supporter le beau football. Les équipes qui y participent, c'est des Africains comme moi-même".

 "Donc, a-t-il ajouté, je suis très content de ce grand moment de football qui est un moment de joie. Nous tous, nous devons partager cette joie, c'est l'Afrique".

Cet intérêt est révélateur d'un état d'esprit général qui, à en croire le coach Henri Manga, laisse croire que pour une CAN qui "va se dérouler à la porte d'à côté (…) C'est un événement pour lequel les Camerounais ne peuvent pas être indifférents". D'autant que, selon lui, une Coupe d'Afrique des nations de football charrie une attraction économique, sociopolitique, culturelle, etc.

 "Ce qui est sûr, c'est que les Camerounais seront au Gabon ou en Guinée équatoriale pour aller vivre les matches en direct. Vous savez qu'il y a un brassage de populations dans la zone CEMAC. Donc, c'est un événement pour lequel les Camerounais ne peuvent pas être indifférents. Surtout ceux qui se situent à la frontière de ces deux Etats-là. Et souvenez-vous également que Samuel Eto'o a lancé la campagne "CAN sans sida au Gabon; il est Camerounais", a guidé le technicien.

Le Cameroun est déjà connu comme étant le grenier agricole où se ravitaille le Gabon et la Guinée équatoriale, avec deux marchés à Abang Minko'o à la frontière avec le premier et à Kyé-Ossi à la frontière avec le second. En dépit des tracasseries administratives pour l'entée des ressortissants camerounais dans les deux pays, il n'y a pas de doute que la CAN leur offrent un moment unique d'accroissement des opportunités commerciales.

La mise au vert actuelle du Niger dans les infrastructures de la Kadji Sports Academy, un centre de formation privé autrefois prisé près de Douala, la métropole économique camerounaise, offre une autre source de dividendes.